Mutilations génitales féminines : au-delà des discours

Depuis au moins deux décennies, le gouvernement alterne campagnes de sensibilisation et discours martial pour mener un combat herculéen contre les mutilations génitales féminines (Mgf).

A chaque célébration de la « Journée de l’Enfant africain » (le 16 juin) et de la « Journée internationale de Tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines » (le 6 février), le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) sonne le tocsin. Des causeries éducatives et des initiatives de reconversion au bénéfice des exciseuses à travers l’octroi des moyens pour les activités génératrices des revenus sont été menées. En 2011, le gouvernement a adopté un Plan d'action national de lutte contre les MGF. Les ministères des Affaires sociales et de la Promotion de la Femme et de la Famille ont mis en place des comités locaux dans les régions où cette pratique est la plus répandue. En 2016, le Cameroun est même monté d’un cran dans cette lutte avec la pénalisation de cette vieille pratique dégradante et déshumanisante à travers la révision du Code pénal. En effet, la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal est formelle en ses articles 277 et 277-1 : « Est puni d’un emprisonnement de dix à vingt ans celui qui procède à la mutilation de l’organe génital d’une personne, quel qu’en soit le procédé ». Bien plus : «la peine est l’emprisonnement à vie : si l’auteur se livre habituellement à cette pratique ou s’il le fait à des fins commerciales ; si la mort de la victime en résulte ». La juridiction peut, en outre, prononcer les déchéances prévues aux articles 19 et 30 de la même loi.  Seulement, plus cette lutte gagne en intensité, mieux cette pratique moyenâgeuse se montre résiliente.  Les chiffres fournis par le Minproff montrent bien que ce rite continue à se perpétuer sous le manteau au Cameroun et en toute impunité avec une prévalence nationale de 1,4% contre 20% dans les zones foyers, que sont les régions de l’Extrême-Nord et du Sud-Ouest.
Par mutilations génitales féminines, il faut entendre « toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques ». Des études ont démontré que trois types de mutilations génitales féminines sont pratiqués au Cameroun : l’excision dite « Sunna », qui est l’ablation d’une partie du clitoris, ensuite la clitoridectomie qui est une ablation complète du clitoris avec des petites lèvres et enfin l’infibulation, c’est-à-dire une excision doublée d’une ablation des grandes lèvres avec suture des deux moignons. Généralement réalisée par une exciseuse traditionnelle avec un couteau ou une lame de rasoir avec ou sans anesthésie, la pratique est concentrée dans 27 pays africains.  Au Cameroun, ce sont essentiellement les régions de l’Extrême-Nord (5,4%), du Nord (2,2%), Adamaoua (0,2%), Ouest (0,4%), Est (1,6%), Sud-Ouest (2,4%) où cette pratique reste ancrée dans les mœurs.
Quelles que soient leurs formes, les mutilations génitales féminines constituent une pratique atroce et rétrograde qui a des terribles conséquences sur la victime et qui affecte la sexualité et la reproduction humaine. A court terme, elles entrainent une douleur aigue, une infection, une hémorragie et même la mort. Parmi les risques à long terme on peut citer les infections génitales et urinaires chroniques, des problèmes de santé reproductive, la stérilité, la frigidité et des complications obstétricales ». Les mouvements féministes estiment que cette pratique viole un ensemble de droits humains. En l’occurrence le droit d'une personne à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique, le droit d'être à l'abri de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants et le droit à la vie, en particulier lorsque la procédure entraîne la mort.
Au regard de l’ampleur des conséquences sur la santé et le bien-être des victimes, la question est de savoir pourquoi, malgré une volonté affichée de la combattre, cette pratique dégradante se porte toujours bien dans certaines régions de notre pays. Une certaine opinion tente d’utiliser la religion pour légitimer le phénomène. Les tenants de cette thèse essaient de trouver une proximité entre l’islam et l’excision. Certains historiens établissent plutôt un lien entre la présence de l’infibulation (excision de la totalité ou d’une partie de l’appareil génital…), pratiquée essentiellement dans la partie orientale du continent africain et le commerce des esclaves, notamment des femmes. Cette forme extrême aurait été également pratiquée dans la Rome antique sur les femmes esclaves afin d’empêcher tout rapport sexuel et éviter des grossesses, la maternité les rendant inaptes au travail....

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