Corridor Yaoundé-Brazzaville : sur la route de l’intégration

Depuis le 5 juin dernier, deux agences de transport en commun ont décidé de relier par voie terrestre le Cameroun et le Congo. CT a fait le voyage. 1600 kilomètres et sensations garanties.

A la descente du bus qui l’a menée de Douala à Brazzaville le 21 juin dernier, Lauren L. fond en larmes. Sa famille qu’elle n’avait pas vue depuis 19 ans l’attend bras ouverts à la gare routière de Dongou Ouenze. Les retrouvailles après plus de 1800 km de route ont une saveur particulière. Montagnes russes d’émotions pour son entourage et elle qui alternent entre rires, sanglots et embrassades. Lauren L. n’a jamais effectué le déplacement entre les deux pays et avait hâte de retrouver cette part de sa famille qui lui a tant manqué. Coïncidence, son séjour a été programmé au moment où les compagnies United Express au Cameroun et Saint Denis Voyages au Congo expérimentent le transport de masse de personnes sur la ligne Douala-Yaoundé-Brazzaville à bord de bus VIP.  
L’expérience de voyage par route de cette dame et des 49 autres passagers à bord démarre le 19 juin. C’est le troisième voyage des deux compagnies sur cet axe. Le jour-J, les passagers aux profils divers (entrepreneurs, enseignants, touristes…) sont là, impatients d’embarquer. Au départ de Yaoundé, à l’agence United Express, les derniers rayons de soleil de l’après-midi du 19 juin perlent sur les bagages des passagers. L’heure du départ sonne et les bagagistes sont face à un dilemme. Ils s’activent pour faire rentrer dans la soute, les valises en dépit de l’espace qui se raréfie. Une bonne partie de la soute est déjà occupée par les effets des voyageurs en provenance de Douala, premier point d’embarquement des passagers. Les minutes s’égrènent et la cour de l’agence est toujours inondée de bagages. Quatre bagagistes se relaient au niveau de la pesée des sacs. Chaque passager a droit à 11 kg, mais le quota est vite dépassé. Comment insérer le trop plein de bagages ? Une heure et plusieurs agencements plus tard, la soute pleine à craquer parvient à se fermer. La pression redescend aussi bien chez les passagers que dans l’équipage. Ceintures de sécurité bouclées, climatisation activée, le bus peut finalement démarrer. 
Le gros porteur s’avance dans la nuit fraîchement tombée. L’ambiance à bord est bon enfant. Beaucoup de passagers ont fait le choix de voyager en famille, en cette période de vacances scolaires. Le plus jeune passager à bord est un bébé de 11 mois qui voyage sur les genoux de sa mère en route pour des semaines de vacances à Pointe-Noire. Avant que la fatigue de la journée ne gagne les voyageurs, le service de restauration passe entre les rangées proposer un repas chaud (ris, sauce tomate, poulet) et des rafraîchissements inclus dans le prix du billet. En ce début de trajet, les écrans du bus diffusent une sélection musicale. De la rumba congolaise berce les passagers jusqu’au premier arrêt à Ntam côté Cameroun.

Lever du jour à Ntam
Sous une fine pluie, les 50 passagers s’apprêtent à rejoindre Ntam, dernier village de la région de l’Est avant la frontière avec le Congo. Le bus marque son premier arrêt après huit heures de route au départ de Yaoundé. Il est 2h du matin et il va falloir patienter jusqu’au lever du jour pour observer les démarches administratives au poste de contrôle transfrontalier. Occasion pour les passagers nouvellement réveillés de se dégourdir les jambes ou de prendre un petit-déjeuner dans les commerces environnants. Au menu, du bouillon de viande de brousse (biche, antilope, chat-tigre) fraîchement cuisiné par les restauratrices de la zone. Le trajet se transforme en découverte culinaire pour quelques passagers qui font la causette devant leurs mets fumants. Au fil des échanges, la restauratrice leur confie ses ambitions de reconversion professionnelle, maintenant que le transport de masse entre les deux Etats a été facilité. « Mon souhait est de faire la ligne Ntam-Brazzaville pour acheter et revendre des pagnes », dit-elle. A quelques mètres, Abdoulaye Hassan enchaîne les omelettes et boissons chaudes pour les passagers en transit. Le restaurateur espère voir son chiffre d’affaires grimper avec ces voyages qui s’effectueront désormais chaque semaine. « Avec ces voyageurs, ma journée est pointée ! », lance-t-il tout sourire.
Une fois les formalités d’usage achevées dans l’ensemble des bureaux du poste de contrôle, le bus de l’agence Saint Denis Voyage en provenance du Congo stationne non loin de la zone tampon entre les deux pays. Le transbordement des passagers et des bagages peut avoir lieu. Cette fois, l’espace pour contenir les bagages est plus grand. L’embarquement s’effectue avec moins de difficultés. La cinquantaine de voyageurs de United Express monte à bord du bus de Saint Denis pour la suite du trajet, tandis que les passagers de Saint Denis rejoignent le bus de United Express qui retourne sur Yaoundé et Douala. Prochaine étape pour les voyageurs de Saint Denis : la ville de Ouesso, capitale économique et commerciale du département de la Sangha au Congo. 800 km la séparent de Brazzaville, soit près de 12 heures de route. 

Cap sur Brazzaville
Au fil des heures, le bus en direction de Brazzaville traverse la végétation calme et luxuriante. Le bitume tranche avec le décor et crée de part et d’autre de la voie, une haie d’arbres forestiers. Le long de l’axe, des camions de marchandises vont et viennent. Au bureau secondaire du secteur des douanes pour l’Est, l’on relève que le corridor Yaoundé-Brazzaville permet le transit du bois en provenance du Congo pour le port de Douala. Le Cameroun, pour sa part, exporte vers ce pays voisin des produits maraîchers, notamment l’oignon et le haricot. Pour préparer la fête du mouton, des éleveurs acheminent du bétail vers le Congo. Environ 150 gros porteurs traversent l’axe chaque semaine avec leurs cargaisons. De sources douanières, la route est si sollicitée qu’en 2022, le bureau de douanes de Ntam dans le Haut-Nyong, a été désigné premier poste de la région de l’Est, en termes de mobilisation de recettes douanières avec un taux de réalisation de 135%. 
Depuis l’inauguration en décembre 2021 de la route Sangmélima-Ouesso sur le corridor, l’activité économique s’est accélérée. Le trajet qui s’effectuait en quatre jours, voire une...

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