« Les pouvoirs publics ne restent pas les bras croisés »

 Luc Magloire Mbarga Atangana, Ministre du Commerce.

Monsieur le Ministre, les grands couloirs de la contrebande sont identifiés au Cameroun, mais cela ne les empêche pas de prospérer. Qu’est-ce qui peut expliquer cette situation ?

La contrebande  est consubstantielle à la notion même d’Etat, tant il est qu’un Etat, fût-il une île isolée, partage des frontières avec des Etats voisins. Le Cameroun, notre pays, n’y échappe pas par conséquent. Il partage des frontières, soit terrestres, soit maritimes, soit fluviales, soit lacustres, ou tout cela à la fois, avec des Etats voisins. On peut donc dire, je vous le concède,  que les grands couloirs de la contrebande  dans notre pays sont identifiés, pour reprendre votre expression. Mais, de là à penser que cela suffit pour, sinon  enrayer, du moins circonscrire, voire décapiter  le phénomène, il y a un grand pas à franchir. Ce serait en tout cas faire injure à l’intelligence « malsaine » de l’homme et, plus spécifiquement, d’une catégorie d’opérateurs économiques dont le penchant naturel est de chercher à maximiser le profit à tout prix et à tous les prix, notamment en empruntant les voies de traverse, au détriment de la collectivité et de l’intérêt général. Voilà qui explique qu’en dépit du fait que les grands couloirs de la contrebande sont identifiés, le phénomène continue de vivre et de perdurer. Bien entendu, les pouvoirs publics ne restent pas les bras croisés. Loin s’en faut…

Les agents publics chargés de divers contrôles sont-ils exempts de tout reproche ?

 Que non… Vous savez,  pour reprendre une philosophie qui remonte à la nuit des temps, l’homme n’est ni ange,  ni bête. Mais, la vertu, c’est-à-dire le civisme,  doit demeurer la règle, une règle irréfragable. C’est le sens  même du service de l’Etat. C’est la déontologie de notre fonction publique. Et,  Dieu merci, dans leur très grande majorité, les agents publics commis à cette tâche sont vertueux, sinon exemplaires. La difficulté, et donc le problème, vient de ce qu’entre l’ivraie et le bon grain, on s’attarde davantage,  probablement par facilité, sur l’ivraie. C’est ce que d’aucuns qualifient d’effet amplificateur.

Le tabac, les détergents et le sucre sont parmi les produits les plus touchés par la contrebande. Qu’est-ce qui explique cet état des choses ?

 Je ne saurais porter un jugement de valeur sur cette classification. Je note simplement que la contrebande est un phénomène englobant et globalisant, une véritable pieuvre, qui n’épargne aucun secteur de l’activité économique nationale. Certes, certains segments peuvent être plus affectés que d’autres, à un moment ou à un autre. Mais, me semble-t-il, il serait hasardeux d’établir une quelconque hiérarchie entre différentes spéculations. Plusieurs facteurs rentrent en effet en ligne de compte, selon les circonstances, au rang desquels, la plus ou moins grande ou faible disponibilité d’un produit donné sur le marché national par rapport à la demande, le coût des facteurs, qui peut rendre un produit fabriqué localement plus cher, et donc moins attractif, que le même produit en provenance d’un pays voisin, le taux de change de  la monnaie locale par rapport à une autre devise (F CFA v/ Naira par exemple), etc…

Quelles sont les conséquences de ce phénomène sur le plan économique aujourd’hui ?

Les conséquences de la contrebande sont multiformes qui, sans être exhaustif, affectent à la fois l’équilibre même des finances publiques, pénalisent l’emploi, freinent le développement de la production locale et peuvent, à certains égards, toucher à la santé publique. Je vous fais l’économie des chiffres et des agrégats macro-économiques. Il convient simplement de retenir qu’ils sont suffisamment parlants et donnent une idée de l’ampleur du fléau et de ses dégâts, directs et collatéraux, sur notre économie.

Y a-t-il suffisamment de synergie entre les différents acteurs censés œuvrer dans la lutte contre ces fléaux (différents ministères, douane, force de l’ordre…) ?

Il n’y a pas que les ministères, la dou...