Faire le saut qualitatif

A l’heure des bilans, alors que 2018 est à son crépuscule, certains seraient tentés de noircir outrageusement cette année qui s’enfuit. 2018, annus horribilis ? Voire. Cette perception est justifiée aux yeux de nombreuses catégories de nos concitoyens. D’abord, les amoureux du ballon rond, pour qui l’annonce du report de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) au Cameroun est une morsure cruelle en cette fin d’année. Une blessure qui n’est pas seulement d’orgueil, mais aussi celle d’une passion collective inassouvie. Avec le retour de la paix dans les territoires tourmentés de la République, c’était en effet, le premier des défis de l’année nouvelle.

Cette vision d’une année sombre est également partagée par ceux qui s’indignent des outrances polémiques de la campagne électorale de la présidentielle du 7 octobre. Celles-ci se sont muées, malgré la fin du cycle électoral, en invectives et diatribes de bas étage, par réseaux sociaux interposés. A cette violence verbale, se sont ajoutés des actes de désobéissance civique, ainsi qu’une campagne médiatique de dénigrement des institutions, de harcèlement des créateurs et des artistes, sous le prétexte ahurissant de leurs opinions politiques, tout cela sur fond de résurgence de tribalisme. De sorte que l’on ne savait plus qui, des sécessionnistes anglophones semant la mort et insurgés contre l’Etat, ou des activistes d’Internet répandant la haine du Cameroun en signe de soutien à un candidat malheureux à la présidentielle, on ne savait plus, oui, qui mettait le plus à mal la Nation Cameroun et son unité.

Et pourtant, on peut avoir une autre lecture de ces événements. Certes, il faut bien reconnaître que nous avons vécu là « un temps de perplexité » pour reprendre une formule du penseur contemporain Yaval Noah Hariri. Mais si nous voulons construire le Cameroun de nos rêves, il nous faut apprendre à mettre une sourdine aux prophéties de malheur et à éviter le mode panique. Dans cette posture, nous pourrons alors déceler dans le bruit et la fureur mêmes de cette année 2018 si particulière, les prolégomènes du pays nouveau. De fait, les raisons de croire à notre pays et de continuer d’espérer ne manquent pas.

Au plan politique, le Cameroun vient de vivre avec le scrutin du 7 octobre, qui a vu la victoire nette, à la régulière, de Paul Biya, l’une de ses élections les plus ouvertes. En matière d’organisation matérielle, de participation citoyenne et de gestion du contentieux, les observateurs les plus variés y ont vu le modèle d’une volonté politique de transparence et d’inclusivité. La mise en place du Conseil constitutionnel, immédiatement à la manœuvre dès les sénatoriales de mars et surtout lors de cette présidentielle palpitante, y a évidemment apporté sa plus-value. Certes, le processus demeure perfectible, mais il crée dès aujourd’hui les conditions pour de nouvelles avancées toujours plus convaincantes. Il sème les graines de la paix. Comment expliquer dès lors l’agitation post-électorale que nous venons d’évoquer ? Il faut tout de suite relever qu’une démocratie avancée n’est pas, par nature, une démocratie apaisée. Sans doute, est-ce l’idéal, mais la politique étant le domaine des passions et des opinions, elle est susceptible d’engendrer des éclats de voix… Que ces voix s’expriment, y compris dans les excès que nous avons connus ces derniers mois, ne nous semble pas rédhibitoire. Au contraire, c’est la marque d’une société libérale qui ne réprime pas les tonalités divergentes.

En vérité, il est important que de grands débats sur le présent et l’avenir traversent la société camerounaise, comme c’est le cas aujourd’hui. Les gouvernés souvent aspirent à la parole. C’est leur droit. N’en faisons pas des frustrés. Comme disent les psychanalystes, le refoulé tient sa puissance de la clandestinité. Certains épanchements de la période électorale nous ont paru politiquement incorrects. Pourtant, ils exprimaient nos instincts primaires, méchants et injustes. Notre part d’ombre. Ils ont surtout joué un rôle cathartique. Et puis, autant le dire : cette parole libérée reste, en dépit des dérapages, l’un des atouts démocratiques les plus en vue du système Biya.

C’est dans cette même logique que l’année 2019 nous apparaît à tous égards, porteuse de nombreux espoirs de concorde et de paix, malgré le contexte social et sécuritaire. Les semences de paix germent ci et là, nourries par les actes significatifs posés par le chef de l’Etat pour apaiser les cœurs et les tensions sociales. De nombreuses mesures ont déjà été mises en œuvre depuis deux ans dans le but de prendre en compte la spécificité anglo-saxonne dans l’éducation et la formation, dans l’administration, mais aussi dans l’arsenal juridique de référence des magistrats et des avocats. Mais, ainsi qu’il s’y était engagé lors de sa prestation de serment de président nouvellement élu, le 6 novembre dernier, en appelant les terroristes à déposer les armes, Paul Biya a encore posé de nouveaux jalons pour la paix. A travers deux actes forts : la création du Comité national de démobilisation, de désarmement et de réintégration d’anciens insurgés qui doit aider les jeunes égarés d’hier à retrouver toute leur place dans la société. En second lieu, l’élargissement de 289 personnes détenues dans le cadre des violences et destructions qui émaillent les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Dans le même temps, on note une meilleure visibilité des cadres anglophones dans la vie publique, avec la multiplication de nominations à de hautes responsabilités. Tout cela balise avec méthode la voie d’un retour à la normale, le sentier ...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie