Rites de veuvage : les violences existent toujours

Dans les localités retirées, comme dans les grandes villes, les femmes qui perdent leur époux continuent de subir des pratiques mettant leur vie en danger.

Des centaines de visages, et à chacun d’eux suffisent ses rides, marques visibles d’années de détresse pourtant vécue dans l’anonymat. Dans cette salle de la délégation départementale du ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille pour le Mfoundi, les veuves sont nombreuses ce 23 juin 2017, pour la célébration de la 7e édition de la journée nationale.

Sous la bannière de diverses associations, elles viennent verser leur douleur, comme si la partager avec d’autres la soulagerait un tant soit peu. Les histoires tragiques se content les unes après les autres, avec toujours cette même déclinaison emplie de tristesse et de frayeur. La causerie éducative touche le sujet épineux des rites de veuvage, et des violences gratuites subies sous le couvert des traditions.

Jeanne Etongo, veuve depuis le 26 mars 1996, est l’une d’elles. Ses problèmes ont commencé dès l’enterrement de son cher époux. Sa belle-famille lui a demandé de payer une somme pour sa « délivrance ». « On m’a accusée d’avoir rendu malade mon mari qui avait le diabète et qui s’est fait amputer. Après quatre mois de maladie, on n’avait plus de moyens. Le jour de l’enterrement, on m’a recouverte d’un pagne. Je n’ai même pas pu voir le corps de mon époux. On m’a roulée à terre. J’étais nue, mais parfois on me laissait porter des sous-vêtements. Je devais me trimballer avec des cordes sur la tête et des feuilles de bananier », se souvient-elle. Le calvaire va durer plusieurs mois, jusqu’à ce qu’une rançon soit exigée. Il fallait fournir 100.000 F.

Sa famille cotise et parvient à la libérer de ce cauchemar. Aujourd’hui encore, elle est toujours menacée. Dans sa maison de Leboudi, sur la route d’Okola dans la Lékié, ses beaux-frères débarquent souvent pour réclamer leur part de ce qu’ils appellent « héritage ». Une maison qu’elle a bâtie de ses propres mains, et à la sueur de son front. Bernadette Bengono, 56 ans, quant à elle, est veuve depuis 2000. Dans sa localité située vers Mbankomo, dans la Mefou-et-Afamba, elle a dû lutter contre sa belle-famille pendant plusieurs années au sujet du terrain légué par son époux, mort des suites d’un AVC.

Si elle porte les blessures psychologiques de ces longues années de bataille, d’autres femmes présentes ce jour-là, portent des séquelles physiques. Un œil crevé par-ci, une main en moins par-là, et là encore des brûlures. Un lot de souffrances que ces femmes partagent avec leurs orphelins.

Le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille et ses partenaires de la société civile conjuguent leurs efforts pour mener le combat contre tous ces traitements inhumains.

Des cellules d’appui à travers le pays

S’il existe une arme pour lutter de manière significative contre les violences faites aux femmes, c’est bien la Loi. Et l’Etat l’a bien compris. En signant des textes nationaux et internationaux, le Cameroun veut mettre progressivement un terme à toutes formes de persécution physique ou morale, comme ces traitements infligés aux veuves. Bien que l’application de la loi reste une bataille difficile à mener sur le terrain, tant les mentalités nourries par des siècles de tradition sont ancrées dans les sociétés, de nombreux textes sont ratifiés au Cameroun.

A l’instar de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (sur le plan international). Car sur le territoire national, la constitution par exemple protège la femme en assurant à tous les citoyens les conditions nécessaires à leur développement. Le code pénal quant à lui réprime les atteintes aux biens, à l’intégrité corporelle, à la liberté et à la paix des personnes. Le décret n°74/759 du 26 août 1974 portant organis...

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