« Le Cameroun reste fidèle au de non-ingérence »

Dr Christian Pout, Coordonateur du Centre africain d’études internationales, diplomatiques économiques et stratégiques.

Quelle analyse suscite en vous le fait qu’en trois ans, le Cameroun ait organisé deux sommets extraordinaires des chefs d’Etat de la zone CEMAC ?

Le caractère exceptionnel attaché à de tels sommets traduit l’importance ou l’urgence des questions inscrites à l’ordre du jour. Dans le cas des Etats de la CEMAC, il faut rappeler que ces sommets ont eu une forte connotation économique et financière au regard de la crise budgétaire, de la multiplication des signes de récession économique et d’autres difficultés sociopolitiques et sécuritaires. Depuis 2014, ces Etats ont subi des chocs occasionnés par la conjoncture internationale elle-même tributaire de la chute des prix des matières premières, en particulier du pétrole dont les pays de la CEMAC tirent une part substantielle de leur PIB. Le fait pour le Cameroun d’avoir été chef de file de l’organisation de ces assises démontre s’il en était encore besoin la vitalité de la diplomatie camerounaise et confirme le leadership dont il jouit dans la sous-région. C’est, entre-autre, son engagement dans la défense des acquis communautaires qui a une fois encore mobilisé l’adhésion de ses pairs. Le Sommet extraordinaire de décembre 2016 qui visait à « ouvrir et à conclure à brève échéance, des négociations bilatérales avec le FMI », en vue de stopper l’évaporation des réserves dans la sous-région grâce à l’adoption de réformes, imposait une action concertée de nos dirigeants. Le Cameroun, en considération de sa capacité de résilience offrait un cadre idéal. Quant au second Sommet tenu à Yaoundé en novembre 2019, il s’inscrivait notamment dans une dynamique de relecture de la coopération monétaire autour du francs CFA. A cet effet, les Chefs d’Etat ont manifesté leur volonté de faire évoluer le FCFA, en examinant « leur coopération monétaire avec la France (et) en engageant une réflexion approfondie sur les conditions et le cadre d’une nouvelle coopération ». Ils ont donc par ailleurs, chargés la BEAC de proposer dans des délais raisonnables un schéma approprié conduisant à l’évolution de la monnaie commune. L’objectif visé à terme et réitéré par nos dirigeants, est celui de disposer d’une monnaie commune stable et forte.

Au sujet de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, notre pays a enregistré plusieurs interférences de certains Etats et organisations internationales. Comment appréciez-vous sa capacité de résistance face à ces ingérences à peine voilées ?

Contrairement à d’autres Etats et organismes, le Cameroun reste fidèle au principe de Droit international de non-ingérence dans les affaires internes des Etats posé par la Charte des Nations Unies de 1945 et élément structurant de sa politique étrangère. Cette posture politique et diplomatique s’est traduite à maintes reprises par une abstention assumée du Cameroun sur des sujets qui interpellent au premier chef la souveraineté d’autres Etats. Toutefois, la tendance internationale, davantage lorsque des préoccupations d’ordre humanitaires et sécuritaires sont en jeu tend à tolérer des prises de position de différents acteurs sur des problématiques qui pourraient être considérées comme « réservées », d’ailleurs, il serait naïf d’admettre que les Etats et organismes appartenant à la Communauté internationale puissent fermer les yeux sur une quelconque crise. Seulement, nous regrettons le fait que les points de vue défendus par certaines entités soient trop souvent en marge de la réalité, lorsqu’ils n’épousent pas simplement des considérations politiques. Le Cameroun dans sa démarche diplomatique habituelle sait mobiliser les outils à sa disposition pour éclairer l’opinion publique nationale et internationale sur les réalités du terrain. S’agissant de la crise au Nord-Ouest et Sud-Ouest, il est à relever que grâce à l’efficacité de ses méthodes, l’opportunité est constamment offerte aux partenaires nationaux et étrangers, ainsi qu’aux représentants de la société civile de s’enquérir de la situation. C’est dans ce cadre que Son Excellence madame Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, ainsi que plusieurs responsables d’institutions multilatérales (ONU, OIF, UA) ont effectué plusieurs missions d’informations, d’échanges et d’évaluation au sujet de cette question. Il ne serait pas inexact de signaler une convergence de vue de la plupart de ces acteurs qui pensent que la situation demeure difficile certes, mais que les efforts entrepris par les autorités nationales, notamment depuis le Grand dialogue national, s’inscrivent dans une dynamique positive.

Peut-on dire que la diplomatie camerounaise a surmonté avec une réelle aptitude ces acharnements contre notre pays ?

Face à la conjoncture critique qui prévaut depuis quelques années dans notre pays, la diplomatie camerounaise sous l’impulsion du Chef de l’Etat, chef de la diplomatie est restée attachée à ses options fondamentales dans l’exercice de ses compétences internationales. Avec beaucoup de pragmatisme, une bonne dose de lucidité et une patience inébranlable, elle s’est attelée à faire barrage à toute forme de communication qui recelait parfois des imprécisions et des exagérations sur les réalités de l’heure. Elle travaille à maintenir l’image de notre pays auprès des partenaires internationaux. Elle défend l’idée d’une indivisibilité de la sécurité internationale. Elle s’engage pour le respect de l’intégrité territoriale du Cameroun. Elle propose l’accroissement de la solidarité internationale tant pour faire face aux urgences humanitaires que pour prévenir l’extrémisme violent et éradiquer toute forme de terrorisme. Elle continuera d’adapter son action à la hauteur des enjeux dans le registre de l’action gouvernementale qui lui incombe.

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