« Il faut d’abord sauver la santé des travailleurs »
- Par Yvette Mbassi
- 30 avril 2020 11:39
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Grégoire Owona, ministre du Travail et de la Sécurité sociale.
Monsieur le Ministre, la 134e édition de la Fête internationale du Travail se célèbre sur le thème « Les comités d’hygiène et de sécurité au travail : institution de paix sociale, de prévention, de productivité et de développement durable ». Le contexte particulier de cette édition marqué par la pandémie du Covid-19 a-t-il influencé le choix de ce thème ?
Oui, c’est un contexte original et triste, car nos vies sont en danger et le monde du travail est en crise. Cependant, le progrès social à travers le travail décent pour tous, demeure plus que jamais une priorité partagée et un impératif pour notre pays, membre de l’Organisation Internationale du Travail. C’est pourquoi, lors de sa prestation de serment le 6 novembre 2018, pour ce septennat des Grandes opportunités, le chef de l’Etat, Son Excellence Paul Biya, nous invitait à consolider nos acquis, tout en explorant les pistes nouvelles d’un monde en constante évolution. En effet, le monde est en mouvement et le monde du travail est marqué non seulement par de profondes mutations mais aussi par de nombreux défis qui doivent nous conduire à faire davantage preuve d’adaptation et d’innovation, en concevant des solutions pratiques devant nous permettre à chaque fois d’aller de l’avant en faisant preuve de résilience. Le travail, qui fait partie de la devise de notre pays et qui demeure un facteur d’émancipation, constitue également un droit fondamental pour le travailleur qui aspire au bien-être pour lui-même et sa famille. C’est ainsi qu’au vu du contexte particulier marqué par la pandémie du Covid-19 qui n’épargne pas le monde du travail, après concertation avec les partenaires sociaux, c’est le thème : « Le Comité d’hygiène et de sécurité au travail : institution de paix sociale, de prévention, de productivité et de développement durable» qui a été retenu pour cette célébration du 1er Mai, mais également en vue d’une grande sensibilisation de la communauté nationale qui se poursuivra tout au long de l’année pour la protection des travailleurs. En fait, nous avions déjà envisagé la santé et la sécurité au travail comme enjeu majeur pour cette année, c’était l’une des recommandations au terme de notre conférence annuelle tenue le 3 janvier 2020. La situation que nous vivons n’est pas un état normal pour le monde du travail, les entreprises sont en crise, le secteur de l’économie informelle est sinistré et les travailleurs en général sont aux abois. C’est un contexte difficile.
Dans le contexte du Covid-19, le monde du travail est certes confronté à de nombreux défis. Mais pourquoi mettre l’accent sur les Comités d’hygiène et de sécurité au travail ?
Nous partons d’abord d’une évaluation des Comité d’hygiène et de sécurité au travail (CHS) effectuée de 2017 à 2019 dans les régions du Centre, du Sud, du Sud-Ouest, de l’Est, de l’Ouest et du Littoral, et qui a couvert 198 entreprises et établissements. Elle a permis d’obtenir des résultats qui après analyse révèlent ce qui suit : 1- 14,40% d’entreprises visitées et assujetties n’ont toujours pas créées de CHS ; ce qui démontre qu’il y’a encore un effort de sensibilisation à faire. 2- 20,45% de CHS créés ne fonctionnent pas. Trois raisons peuvent justifier cette situation : la première est que les employeurs ont créé ces CHS pour la forme, juste pour se mettre à l’abri des « ennuis » de l’administration ; la deuxième est que les membres du CHS n’ont pas reçu une formation initiale. La troisième, les membres peuvent bien avoir reçu une formation initiale mais celle-ci était inappropriée. 3- 34,84% de CHS fonctionnent anormalement. Pour cette catégorie de CHS, les raisons évoquées précédemment restent valables. 4- Seulement 30,30% de CHS fonctionnent normalement. 5- 59,09% de CHS ont reçus une formation initiale. Pourtant, le Comité d’hygiène et de sécurité au travail (CHS), est un organe consultatif créé en entreprise ou au sein des administrations et qui remplit un rôle essentiel en matière de santé et de sécurité au travail. Face au Covid-19, nous encourageons les chefs d’entreprises et d’administrations à faire fonctionner efficacement les CHS. On dénombre plus de 1500 actuellement sur le territoire national, car leur rôle est plus que jamais important en cette période délicate.
D’après le rapport publié par l’Organisation Mondiale du Travail en mars 2019 intitulé : « La sécurité et la santé au cœur de l’avenir du travail : Mettre à profit 100 ans d’expérience », on estime que chaque jour 1000 personnes environ décèdent des suites d’accidents de travail, 6500 personnes meurent de maladies professionnelles et 7500 décèdent chaque jour de suite de conditions de travail insalubres et dangereuses dans le monde. Quelle est la situation dans notre pays ?
Notre pays est conscient de cette situation, très préoccupante pour le gouvernement. C’est pourquoi en droite ligne de la vision sociale du président de la République, S.E Paul Biya, nous nous attelons dans le cadre du tripartisme, à faire du fonctionnement des CHS une réalité palpable au sein des entreprises et administrations, épicentres des campagnes de prévention et de sensibilisation de proximité en matière de santé et de sécurité au travail. Pour ce qui est du Cameroun, nous avons enregistré 1248 accidents du travail en 2017, 1318 en 2018 et 337 en 2019, ce qui montre qu’il y a une bonne prévention et une amélioration des conditions de santé et de sécurité en entreprises. Cependant sur ces trois ans, il y a eu 77 cas d’accidents de travail mortels.
Comment le Comité d’hygiène et de sécurité au travail peut-il être une institution de paix sociale, de prévention des risques professionnels, de productivité et de développement durable comme le suggère le thème ?
Vous conviendrez avec nous que le thème retenu pour cette 134ème Edition de la Fête Internationale du Travail, est fort à propos pour notre pays, qui siège au sein du Conseil d’administration du Bureau International du Travail, car il remet au centre du fonctionnement des entreprises et administrations, « le travailleur » à travers la question de la santé et de la sécurité en milieu professionnel. C’est donc l’occasion pour moi de souligner encore une fois de plus que le Comité d’Hygiène et de Sécurité au Travail est une institution de paix sociale parce qu’il est un cadre de dialogue social bipartite, efficace pour créer et entretenir un climat de confiance entre les travailleurs et la direction. Une institution de prévention des risques professionnels car il favorise la réflexion anticipative pour la prise en charge des problèmes de santé et de sécurité, à travers des alertes, des enquêtes, des analyses d’accidents, des inspections planifiées, sur les accidents liés aux tâches et aux postes, ainsi que sur la façon adéquate d’y faire face. Une institution qui concourt à la productivité car des travailleurs mieux protégés, garantissent une meilleure performance aussi bien à l’entreprise et à l’administration, ainsi qu’à la société toute entière. Une institution de développement durable parce qu’elle permet de concilier le défi économique, la réalité sociale et les exigences environnementales en milieu de travail. Il est à noter que la bonne gestion des ressources humaines à travers les réflexions des CHS va concourir à la paix sociale, à l’amélioration des conditions de travail, va accroitre la productivité et diminuer les accidents de travail. C’est tout le monde qui est ainsi gagnant.
Les syndicats de travailleurs se plaignent d’avoir été lâchés par le MINTSS dans un contexte particulièrement délicat où ils subissent de multiples abus de la part des employeurs : chômage technique sans accompagnement, mesures de protection approximatives contre le Covid-19, obligation de présence effective au lieu de travail malgré les risques, etc. Que leur répondez-vous ?
Le gouvernement, vous le savez, a pris des mesures de portée générale pour toute la population. Mon département ministériel a aussitôt relayé ces mesures par voie de lettre circulaire et de commu...
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