« Il n’y a pas eu de heurt »

Seidik Abba, journaliste international, spécialiste des questions du Sahel.

Quel commentaire faites-vous des 100 premiers jours de Mahamat Idriss Déby à la tête de l’Etat ?
Globalement, je pense que les 100 premiers jours de Mahamat Idriss Déby ont été une réussite. Il n’y a pas eu de heurt. L’apocalypse qu’on redoutait après le décès brutal de son père, le maréchal Idriss Déby Itno ne s’est pas produit. On avait craint que sa disparition entraîne une sorte de chaos généralisé avec des affrontements fratricides, y compris une désintégration des forces de défense et de sécurité. Rien de cela ne s’est produit. On doit ce succès au soutien de la communauté internationale. La France s’est rangée totalement derrière Mahamat Idriss Déby. La mansuétude de l’Union africaine qui n’a pas sanctionné le Tchad, la bienveillance du G5 Sahel et autres ont permis au général Mahamat Idriss Déby et le Conseil militaire de transition d’avoir le contrôle de la situation sur les plans sécuritaire et politique et de réussir leurs 100 premiers jours. En dehors de la répression brutale des manifestations qui ont contesté la prise de pouvoir du Général, on peut affirmer qu’il y a eu un sans-faute jusqu’ici.
La communauté internationale donne l’impression d’être tolérante envers le pouvoir au Tchad en comparaison avec le régime militaire en place au Mali. Qu’est-ce qui peut justifier ces deux poids, deux mesures ? 
On peut s’autoriser cette comparaison, car dans le cas du Mali comme celui du Tchad, l’ordre constitutionnel a été rompu. Les militaires au Tchad n’ont pas fait jouer le mécanisme constitutionnel qui aurait voulu que ce soit le président de l’Assemblée nationale qui soit investi pour une période de 45 jours au moins et 90 jours au plus pour organiser l’élection présidentielle. Au mali, les militaires se sont emparés du pouvoir par la force, brisant également l’ordre constitutionnel. Après un premier coup d’Etat en août, un deuxième a eu lieu le 24 mai. La communauté internationale a traité les deux cas différemment. Il y a eu une sorte de tolérance et même de bienveillance en faveur du Tchad. Au Tchad, la situation était exceptionnelle du fait du décès du chef d’Etat. Ce qui importait pour la communauté internationale, c’était la stabilité du pays. Voisin du Mali, du Nigeria, du Niger, du Cameroun, le Tchad s’impose comme un pays stratégique. Si la situation basculait là-bas, cela aurait créé une situation difficile en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Cet argument a prévalu. La contribution du Tchad à la lutte contre Boko Haram et les groupes Djihadistes a aussi valu son pesant d’or. Le Mali a peu de choses à donner au Tchad et n’a pas bénéficié d’une grande compréhension. 
Comment le Conseil militaire pourrait-il relever les nombreux défis qui l’attendent : la pacification du pays, le désarmement de la rébellion, l’organisation des élections… ? 
Mahamat Idriss Deby a succédé à son père dans des circonstances difficiles. La situation sécuritaire à la frontière avec la Libye était brûlante. C’est dans le combat contre les rebelles du Falt (Le front pour l’alternance et la transition) que le maréchal du Tchad est décédé. Donc, il hérite d’une situation sécuritaire pénible, aggravée par la conjoncture liée à la pandémie du Covid-19. Les défis d’aujourd’hui sont colossaux. L’organisation des élections libres, transparentes et démocratiques demeure une priorité essentielle. Dans un pays comme le Tchad, qui n’en a pas l’habitude, où les groupes politico-militaires cherchent à prendre le pouvoir par la force, c’est évident que ce ne soit une aspiration légitime.  A part le Falt, il y a d’autres groupes qui sont en permanence embuscade, prêts à sortir des bois. Le président Déby Itno a échappé par deux fois, en 2008 et en 2019 à des tentatives de renversement. Le Tchad a subi plusieurs assauts terroristes en juin 2015 et avec l’opération Colère de Boma qui était une riposte à une attaque où les forces loyales avaient perdu 90 hommes. Son fils au pouvoir doit affronter ces défis. Les chances de réussite du président vont dépendre de sa capacité à créer un consensus interne pour organiser des élections libres, transparentes et démo...

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