Interview : « Tout n’est pas négatif dans la gestion collective »

Célestin Sietchoua Djuitchoko, chef de division des affaires juridiques au ministère des Arts et de la Culture.

Qu’est-ce que le droit d’auteur représente concrètement pour un artiste au Cameroun ?
C’est l’argent affecté au paiement des artistes. Cet argent passe entre plusieurs mains et souvent des mains inexpertes. Ce qui donne lieu à diverses spéculations. De loin, il s’agit de la représentation la plus importante que le droit d’auteur charrie dans la communauté des artistes au Cameroun.

Vu sous cet angle, le droit d’auteur est l’argent de l’artiste. Le législateur va plus loin en assimilant la créance du droit d’auteur au salaire de l’artiste. A titre d’exemple, en dépit de la conjoncture et des turbulences dans le milieu, le paiement du droit d’auteur a bien eu lieu en 2020. Ainsi, une somme de 464 998 399 de F a été mise en répartition entre les cinq organismes de gestion collective (OGC) agréés. Une somme dérisoire sans doute, mais tout de même l’argent des droits d’auteur.

Le système camerounais des droits d’auteur a connu plusieurs mutations, mais les artistes ont toujours de la peine à toucher leurs droits. Où se situe le problème ?
Le système camerounais des droits d’auteur est passé de l’étatisation à la libéralisation. L’époque actuelle est placée sous le signe de la libéralisation du système des droits d’auteur. Mais, il faut le préciser, une libéralisation sous contrôle de l’Etat. C’est la signification profonde de la réforme du droit d’auteur intervenue dans les années 2000. Avec cette réforme qui a été instruite par le président de la République et mise en œuvre par le gouvernement. Dans les différentes catégories du droit d’auteur, les artistes sont invités à s’organiser en organismes de gestion collective agréés OGC, chargés de la collecte et de la répartition de la redevance du droit d’auteur. Pour canaliser le processus et éviter les dérapages, il est créé un organisme central. Il s’agit de la Commission de contrôle des organismes de gestion collective chargée d’accompagner les OGC dans leur mission sous la tutelle du ministre des Arts et de la Culture.

Mais, nombre de segments de ce dispositif font problème et ne parviennent pas à jouer pleinement leur rôle. A vrai dire, le système est confronté à des problèmes à la fois endogènes et exogènes. Dans le premier cas, la mal gouvernance qui a fait litière dans les OGC. Comment voulez-vous que les sociétés de gestion collective accomplissent correctement leur objectif social si la légalité et la légitimité des dirigeants et de leurs actes sont contestées en permanence par les artistes eux-mêmes ? A cela s’ajoute la gestion approximative par les dirigeants, des ressources humaines, des biens et des fonds des sociétés. Enfin, les sociétés n’ont pas une réelle maîtrise des recouvrements des redevances des droits d’auteur pour diverses raisons.

C’est ainsi que l’argent des droits d’auteur ne rentre pas toujours dans les caisses ou prennent des chemins divers. Dans le second cas, les OGC sont confrontés à des usagers de mauvaise foi qui refusent systématiquement d’acquitter la redevance due au titre du droit d’auteur. On pourrait aussi ajouter l’incidence de la pandémie du coronavirus qui impacte sérieusement la collecte des droits d’auteur. Tous ces facteurs se conjuguent et expliquent que les droits d’auteur ne soient pas à la hauteur des espérances des artistes.

La collecte et le recouvrement sont-ils à la hauteur ?
Il faut se garder d’avoir une réponse précipitée à cette question. La vérité oblige à dire que toutes les collectes et recouvrements de la redevance des droits d’auteur ne sont pas problématiques. C’est un aspect dont on ne parle pas souvent. La collecte et le recouvrement de la redevance due au titre de la copie privée des œuvres imprimées, par exemple, sont de ceux-là. Ce sont les services de la Douane qui assurent la collecte et le recouvrement de cette catégorie de redevance. Et cela se passe relativement bien. Autre exemple, la collecte et le recouvrement de la redevance due au titre du droit d’auteur par certains grands usagers. Entreprises citoyennes, ces grands usagers virent directement le montant dû dans le Compte de dépôt spécial. A ce niveau, s’il y a un problème, celui-ci est généralement situé en amont au niveau de la négociation de la convention entre les OGC et les entreprises concernées en vue du paiement des redevances des droits d’auteur : est-ce que les conventions sont négociées au mieux des intérêts des artistes ? Le reste de la collecte et des recouvrements concerne les petits usagers où le manque de professionnalisme pose un réel souci aux OGC.

C’est la terre par excellence des perceptions directes où l’argent collecté n’atterrit que rarement dans le Compte dédié. C’est également à ce niveau que prolifèrent les faux quittanciers émis par des individus douteux dans un but manifeste de détournement du produit collecté. Evidemment que tout ceci doit être évalué avec précision pour que les acteurs impliqués soient en mesure de se projeter à l’avenir.

Les artistes camerounais sont-ils vraiment outillés pour la gestion du droit d’auteur ?
Sur le plan général, il n’y a pas eu jusqu’ici une réponse coordonnée à ce problème bien que l’Etat incite les artistes à sauter le pas pour acquérir les indispensables outils de gestion. A la Sonacam par exemple, le code électoral exige de tout candidat à un poste au Conseil de surveillance, outre les conditions gén&...

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