Interview : « banaliser les coups d’Etats est dangereux »

Dr Simon Pierre Omgba Mbida, ministre plénipotentiaire et internationaliste.

Le dernier coup d'État au Burkina Faso ne vient-il pas davantage fragiliser l'influence et saper les efforts de la CEDEAO qui peine déjà à rétablir l'ordre constitutionnel au Mali et en Guinée, dirigés par des régimes militaires ?
Evidemment, la CEDEAO a vigoureusement condamné le coup de force militaire dans un communiqué de circonstance et classique pris en la matière sans plus. Elle a déclaré en substance tenir l’armée pour responsable de l’intégrité physique du président déchu. On peut y percevoir son désarroi et son impuissance. Cependant, on peut dire que malgré ces différentes déclarations de la CEDEAO qui se suivent et se ressemblent que l’épidémie de coups d’Etat se poursuit allègrement et tranquillement en Afrique de l’Ouest.

C’est le sixième en seulement un an et demi sur le continent. Il est clair que l’organisation sous-régionale est à maints égards fortement fragilisée. Toutefois, la CEDEAO a le soutien de la communauté internationale dans ses efforts de gestion de ces crises multiples. On dirait néanmoins que la boîte de Pandore s’est ouverte depuis les événements au Mali. Car, ce qui s’est passé au Burkina a des allures de chronique d’une chute annoncée. On observe ébahi que les militaires maliens et guinéens ne donnent guère l’impression d’être intimidés et encore moins de mouiller leurs treillis en tremblant devant l’Union africaine (UA) ou la CEDEAO.

Alors, du coup certains militaires se disent puisque l’on peut déposer un président sans coup férir ni risque d’intervention militaire extérieure, si l’on peut devenir chef de l’État, se partager les postes, décider des contours ou de la durée des transitions et s’affranchir de toutes les règles jusqu’ici en vigueur, la voie est quasiment libre. Vous comprenez alors que cela ne peut forcément que faire des émules. Le soutien d’une partie de la popoulation suffit-il à légitimer un coup de force comme celui-là?

C’est très grave et très dangereux pour les autres pays qui pourraient dès lors logiquement se sentir sérieusement menacés de l’intérieur. L’idée de banaliser les coups d’Etat militaires, sous le fallacieux prétexte qu’ils sont populaires parce que ces militaires auraient le soutien des populations concernées, est fausse et n’est pas bonne pour les libertés publiques en général et pour la démocratie en particulier.

Dans le cas de Kaboré, ce qui lui est reproché n’a rien à voir avec le népotisme, la corruption, les atteintes aux libertés ou les élections tronquées, contrairement à ses anciens homologues de Bamako ou de Conakry. De tous, il est d’ailleurs certainement le mieux élu. C’est essentiellement et surtout son incapacité à gérer la menace terroriste ainsi que le désarroi de son armée qui est en cause.

La junte entend mettre un accent dans la lutte contre le terrorisme. De quels moyens dispose-t-elle pour réussir là où le régime du président élu a échoué ?
En effet la lutte contre le terrorisme a été au cœur du premier discours du nouvel homme fort du pays, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Par conséquent, l’insécurité que vit le pays depuis des années a été son premier point et c’est cela qui a d’ailleurs justifié sa prise de pouvoir le 24 janvier dernier. On observe cependant que les militaires burkinabé depuis un certain temps réclamaient effectivement davantage de moyens pour lutter contre ce fléau qui sévit cruellement dans la région du Sahel et des changements au...

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