Interview : « Les élections présidentielles d'août 2022 s'annoncent à hauts risques »

Dr Ndzana Ntiga Athanase Roland, enseignant de Droit public.

Dans quelques semaines, les élections présidentielles auront lieu au Kenya. Quelle lecture faites-vous du processus démocratique de ce pays ?
La vie politique kényane se caractérise par une grande stabilité. Contrairement aux pays voisins, les successions à la tête de l'État se sont déroulées plus au moins pacifiquement. De plus, ses dirigeants ont toujours opté pour un capitalisme plus ou moins régulé par un État fort, ce qui a occasionné des périodes de prospérité économique. Ce relatif succès tient d'abord aux initiatives du premier président du Kenya, Jomo Kenyatta. Fort de son aura de héros de l'indépendance, il a réussi à imposer un régime politique doté d'une forte légitimité, qui se perpétue depuis 1978, mais sous des formes de plus en plus dévoyées.

Il invente une forme de présidentialisme s'appuyant sur une bureaucratie préfectorale  jouissant de pouvoirs étendus et organisant un système clientéliste de redistribution. Toutefois, la gestion du pluralisme en dehors des partis politiques s'est matérialisée par l'autoritarisme qui encourage l'intégration nationale et s'organise autour d'un pluralisme compétitif. Alors, comme tous les Etats africains ayant opté pour un parti unique, le vent démocratique l'a aussi séduit, conduisant à une démocratie plus ou moins libérale ; d'où les élections véritablement disputées auxquelles l'on a assisté ces dernières années, faisant de cette démocratie l'une des plus actives et positives du continent africain.

Uhuru Kenyatta, le president sortant ne se présentera pas, mais a accordé son soutien au chef de l'opposition Raila Odinga plutôt que son adjoint Ruto. Pensez-vous que c'est une bonne décision pour la démocratie ?
A huit mois de la présidentielle, Uhuru Kenyatta et son parti ont rejoint la coalition de l'opposant Raila Odinga, désormais proche du pouvoir. Les élections présidentielles d'août 2022 s'annoncent à hauts risques au Kenya encore marqué par le spectre des violences post- électorales de 2007-2008, qui avaient fait plus de 1100 morts. Seulement, le président Uhuru Kenyatta a déclaré lors d'une convention du parti Jubilée « j'ai entendu quelqu'un dire que nul part dans le monde il n’y a un gouvernement qui s'est uni avec l'opposition (...) le Kenya sera l'exemple », tout en ajoutant « nous sommes assez matures pour faire la distinction entre la politique et ce dont les gens ont besoin ». Toutes ces déclarations du président Uhuru d'après lui visent la paix du Kenya.

Cependant, le vice-président William Ruto, qui s'était vu promettre par le président Kenyatta le soutien du Jubilée en 2022 a été dans le même temps marginalisé et exclu du Jubilée du parti. Cette rupture vient du fait que M Ruto, un jeune et charismatique, qui a mené ces derniers années un travail de terrain en se présentant comme défendeur des pauvres et des débrouillards, s'est litt&...

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