Joueurs locaux, la feinte permanente

Le manager sélectionneur des Lions indomptables vient d’organiser un stage destiné aux joueurs évoluant dans les championnats locaux. Rigobert Song avait ainsi semblé vouloir matérialiser un intérêt affiché pour le vivier des clubs locaux. 25 joueurs ont donc été appelés il y a quelques jours. Ils ont participé à une session du 23 au 27 mai. Cinq jours pour voir à l’œuvre ces jeunes qui ont tapé dans l’œil de l’entraîneur national. Alors que le Cameroun va disputer en novembre prochain, sa huitième Coupe du monde de football au Qatar, on veut bien lire dans les intentions du sélectionneur, une volonté de ratisser le plus large possible et présenter au Mondial le meilleur de ce que le Cameroun compte aujourd’hui en termes de talents. Car à côté des joueurs locaux, une autre démarche est engagée du côté des joueurs d’origine camerounaise, nés et évoluant à l’étranger. Là, aussi, le potentiel est plutôt intéressant, avec des jeunes très prometteurs.
Mais revenons donc aux joueurs locaux. Alors qu’on s’apprêtait à saluer l’initiative de l’encadrement technique de l’équipe nationale, le même Rigobert Song a publié la liste des joueurs convoqués pour le début de la campagne des éliminatoires de la CAN 2023. Avec zéro joueur du championnat national ! C’est peut-être trop tôt, mais comment contenir la déception de voir une fois de plus les événements prendre cette tournure ? La pratique, depuis des décennies, a en effet fini par faire croire qu’il fallait évoluer dans un championnat étranger, quel qu’en soit le pays, le niveau ou la cote. Juste être un joueur de la diaspora pour voir augmenter ses chances de porter le maillot des Lions indomptables. D’ailleurs, tous les prédécesseurs de Rigobert Song ont souvent travaillé avec pour base l’Europe, même quand leur contrat stipulait qu’ils devaient résider au Cameroun. Cette clause n’a malheureusement servi que pour la forme. Et les sélectionneurs successifs des Lions indomptables ont toujours eu le regard ailleurs.
La conséquence de cet état de choses est la dévalorisation réelle des compétitions locales, l’incapacité des clubs à conserver leurs talents et une propension à la vente précoce des jeunes qui éclosent à peine. Tout le monde s’est fait une raison. Les dirigeants ont une occasion de se faire de l’argent en bradant les joueurs, la fédération n’a pas cru bon de poser des garde-fous à cet exode massif et désordonné. Et les joueurs eux-mêmes ne demandent qu’à aller voir loin ailleurs, là où ils peuvent avoir le minimum vital à la fin du mois, même si leur salaire est loin des prétentions d’un footballeur moyen. On peut les comprendre. 
Depuis la mise en place de championnats nationaux dits « professionnels », le parent pauvre reste malheureusement le joueur. Il n’a de professionnel que le nom, gagne à peine de quoi vivre, évolue dans un monde de totale insécurité sociale, où le salaire est aussi hypothétique que maigre. Et les conditions de vie et de travail extrêmement éprouvantes. Il y a quelques semaines encore, les dirigeants étaient épinglés par l’Association des footballeurs professionnels en raison de jonglages répétés avec la paie des joueurs. Ces joueurs dont on attend donc qu’ils mouillent le maillot, fassent le spectacle au point d’attirer des foules dans les stades et gagnent leur place chez les Lions indomptables. Dans ces conditions draconiennes, il ne faut pas s’étonner de voir partir des vagues de jeunes footballeurs. Ils partent souvent avant de s’être suffisamment aguerris, saisissant la moindre opportunité de se retrouver sous d’autres cieux où ils peuvent être traités non pas comme leur potentiel ou leur talent le méritent, mais juste mieux qu’au pays. Ils veulent juste partir. Malheureusement, cette tendance finit par des nombreuses déperditions. Au contact de l’extérieur, beaucoup vont finir par s’écarter du chemin d’une belle carrière. Quelques-uns vont tirer leur épingle du jeu, mais souvent au rabais. Une infime minorité va se retrouver un jour dans le maillot des Lions indomptables du Cameroun.
Ce tableau un peu sombre reflète la triste réalité du statut du footballeur évoluant dans le championnat local. Et au moment où le sélectionneur national entreprend de donner une chance aux locaux, on espère qu’il ne fait pas juste semblant. Comme ceux qui l’ont précédé depuis une vingtaine d’années. Ça fait b...

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