« Il faut plus investir dans les facteurs de production locale »

Dr. Louis Marie Kakdeu, économiste.

L’industrie et la technologie sont des secteurs sur lesquels le Cameroun compte s’appuyer pour impulser son essor économique. Comment cela peut-il se faire ?
La première chose qu’il faut dire est que l’essentiel des économies du monde se rendent compte aujourd’hui que la croissance est beaucoup plus portée par les Pme/Pmi. Par conséquent, même le Cameroun entend densifier son tissu des Pme/Pmi et il y a tout un ministère qui est censé s’en occuper. Dans les faits, le problème est que ce n’est pas sur ce maillon que l’Etat consacre beaucoup de moyens. Si nous examinons la période 2014-2020, nous allons constater que le budget accordé au Minpmesesa a continuellement baissé pour se situer à 8,819 milliards de F en 2020. Les besoins d’investissements publics  en 2020 ne représentaient que 0,08% du budget global, soit 3,450 milliards de F. L’on voit qu’au lieu d’augmenter l’investissement pour les Pmes/Pmis, l’État diminue plutôt leur enveloppe depuis bientôt 10 ans. Il faudrait renverser la tendance pour atteindre l’objectif noble de « densifier et garantir la compétitivité et le tissu des Pmes camerounaises » contenu dans la loi des finances. Par exemple, on parle beaucoup de l’agriculture de deuxième génération ou de l’agriculture industrialisée. C’est bien. Elle a sa place mais, cette place ne devrait pas être prépondérante. Ce sont les Pmes/Pmis qui créent le plus de richesses. Elles représentent selon l’INS près de 98% des entreprises du pays mais, l’État donne paradoxalement plus d’incitations aux 2% des grandes entreprises qui produisent peut-être l’essentiel du chiffre d’affaires du pays mais, qui partagent peu de richesses. L’État doit faire l’inverse et donner plus d’incitations aux Pmes pour permettre que l’on parte des exploitations familiales que nous avons aujourd’hui dans l’informel aux véritables entreprises familiales (Pme/Pmi) formelles. Toujours selon l’Ins, 2,5 millions d’unités de production informelles seraient concernées de même que 3 millions de ménages (exploitations familiales), ce qui serait un gisement de richesses. C’est à ce niveau que nous pensons qu’il faut mettre le plus d’efforts.
Le Cameroun dispose d’un Plan directeur d’industrialisation devant impulser cette dynamique, mais on a du mal à en voir les retombées. Que faire pour une meilleure implémentation de ce plan ?
Le Cameroun a adopté son Plan directeur d’industrialisation (PDI) en 2017. La vision était de faire du Cameroun, « le commutateur, le nourricier et l’équipementier de la zone Ceeac et du Nigeria d’ici 2035 » et la volonté était de « faire du pays, l’usine de la nouvelle Afrique industrielle à l’horizon 2050 ». Pour ce faire, il fallait relever trois défis majeurs : le rattrapage de la croissance économique, la reconquête du leadership et la maîtrise des chocs structurels et systémiques. Le constat est que le résultat de cette dynamique est mitigé. En effet, le PDI visait trois sanctuaires à savoir : l’agro-industrie, l’énergie et le numérique à travers cinq piliers industriels structurants notamment les secteurs forêt/bois, mines/métallurgie/sidérurgie, hydrocarbures/raffinage, chimie/pétrochimie/pharmacie et textile/confection/cuir. En matière de numérique, il y a eu un boom dans le secteur des télécommunications, et notamment de la téléphonie mobile, faisant du pays l’un des plus connectés d’Afrique. Toutefois, les deux autres sanctuaires que sont l’énergie et l’agro-industrie stagnent. Pendant les 5 dernières années, la situation des importations a doublé, passant d’environ 700 milliards à plus de 1400 milliards de F de nos jours, uniquement en denrées alimentaires. Il n’y a pas d’industrie sans matières premières et sans énergie ! On n’a donc pas d’autres choix que d’investir massivement dans la production locale. On ne peut pas durablement bâtir notre industrialisation sur l’importation des matières premières comme c’est actuellement le cas. Nous pensons que la relance de la politique d’industrialisation de notre pays passe obligatoirement par l’investissement dans les facteurs de production au niveau local en vue de garantir la compétitivité du pays. Et sur ce plan, il y a encore des efforts à faire.
Comment booster le secteur technologique malgré notre retard sur d’autres pays pour en faire un accélérateur de l’économie du pays ?
Il faudrait simplement augmenter le budget de la recherche ! En l’état, le budget de l’innovation est très bas dans notre pays. On l’estime à 0,5% de notre enveloppe budgétaire....

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