« Nous soutenons 30% du prix de l’engrais chez les petits producteurs »

Gabriel Mbaïrobe, ministre de l’Agriculture et du Développement rural.

Monsieur le ministre, on assiste depuis plusieurs mois à une flambée des cours des intrants agricoles (engrais, semences, pesticides, etc.) aggravée par la crise russo-ukrainienne depuis février 2022. Quelle est l’ampleur du phénomène à ce jour au Cameroun ?
C’est vrai que le cours des engrais a commencé à augmenter avant la fin de l’année 2021, avec l’augmentation du prix du gaz en Europe. Le gaz est un produit qui intervient énormément dans la production des engrais. Et on avait cru qu’après l’hiver, c’est-à-dire courant mars-avril, on allait amorcer une pente descendante pour nous permettre d’accéder aux produits. Malheureusement, il y a eu la crise russo-ukrainienne en février qui est venue plutôt accentuer le problème. Aujourd’hui, nous sommes arrivés au niveau où l’urée qui coûtait 19.000 F le sac, coûte désormais 45.000 F ; l’engrais NPK qui coutait 21.000 F le sac coûte entre 35.000 et 40.000 F. Le petit producteur ne peut donc plus accéder aux engrais. Ça a été difficile pour nous pour la première saison agricole et nous avons demandé aux paysans de continuer à vaquer à leurs travaux champêtres. C’est vrai qu’on va observer une baisse des rendements en l’absence des engrais, mais à côté de l’augmentation du prix, est venu s’ajouter la non-disponibilité de ces engrais sur le marché parce que les opérateurs attendaient une baisse du prix pour les commander. C’est donc un problème réel et crucial pour l’agriculture africaine en général et camerounaise en particulier. En ce qui concerne les semences, l’une des principales caractéristiques c’est qu’elles doivent être indépendantes des conditions climatologiques, c’est-à-dire qu’elles doivent avoir constamment de l’eau, régulièrement du soleil et tout ce qui contribue à la photosynthèse de la plante. La semence doit être alimentée, ce qui suppose que les engrais doivent être disponibles. Pour certaines semences, il faut jusqu’à 400 kilogrammes d’engrais à l’hectare. C’est un budget important qui n’est pas à la disposition de n’importe quel producteur. Ceci a permis de renchérir le coût des semences. 
Les petits producteurs et les industriels subissent, du fait de cette situation, une hausse de leurs coûts de production avec des effets perceptibles sur la disponibilité et l’accessibilité des produits de grande consommation. Existe-t-il un mécanisme de soutien à ces acteurs ?
Globalement, le marché des engrais au Cameroun représente 200.000 tonnes. Vous avez 150.000 à 160.000 tonnes tenues par les agro-industries, et 40.000 à 50.000 qui reviennent aux petits producteurs. Malheureusement, ce sont ces petits producteurs qui contribuent pour 80% à notre culture vivrière, c’est-à-dire tout ce qui est alimentation. Pour la campagne 2022, les agro-industries ont pu tenir parce qu’elles ont anticipé. Il reste les petits producteurs qui, aujourd’hui, sont à la peine. Avec l’aide des partenaires au développement, nous avons, au sein du gouvernement, mis en place un mécanisme qui permettra de soutenir 30% du prix de l’engrais. Ce qui représente environ 20 milliards de F qu’il faut débourser. Il est bien vrai qu’à ce jour, la première saison agricole dans les régions méridionales est déjà perdue. Nous espérons rattraper la deuxième saison agricole ainsi que celle en cours dans les régions septentrionales. 
Une récente étude effectuée par votre département ministériel a démontré que 1,2 million de personnes sont en situation de crise alimentaire. N’y-a-t-il pas lieu de craindre que cette hausse des prix des intrants accentue cette situation ? 
De manière générale, nous effectuons deux enquêtes par an sur la situation de la sécurité alimentaire, dont une en mars-avril et une deuxième en septembre-octobre. Les résultats de mars-avril ont été analysés selon une technique que nous appelons cadre harmonisé. Ils ont révélé que 11% de la population camerounaise est en crise alimentaire, soit environ 2,8 millions de personnes. Sur les 2,8 millions, on peut dire que 257.000 environ sur 12 départements sont vraiment en crise. C’est des gens à qui il faut apporter une aide humanitaire d’urgence. C’est ce que le gouvernement a commencé à faire avec nos propres moyens, mais aussi avec l&...

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