« Le Cameroun est incontournable en Afrique centrale et dans le golfe de Guinée »

Emmanuel Wonyu, enseignant de relations internationales à l’IRIC et auteur du livre « Macron l’Africain. Le discours de Ouagadougou face aux complexités africaines ».

Quelle première analyse faites-vous de la visite du président Emmanuel Macron au Cameroun ?
C’était une visite utile pour le Cameroun et la France. Surtout pour clarifier un certain nombre de postures et de malentendus qui ont obscurci un peu les relations diplomatiques entre les deux pays. J’observe néanmoins, au-delà de tout, que le président Français n’a pas voulu s’excuser de ses sorties peu diplomatiques lors de ces échanges avec des activistes hostiles au régime de Yaoundé. Il ne mesure pas à quel point ces sorties de piste plus ou moins improvisées ont pu vexer les Camerounais et même le chef de l’Etat camerounais qui, même s’il est resté zen et drapé dans son attitude de patriarche et de sage africain, a dû ne pas apprécier cette énième posture paternaliste et condescendante du président français. J’ai aussi remarqué, lors de la conférence de presse, que le président n’a pas apprécié l’interpellation tendancieuse de la journaliste sur ses relations avec la Russie et même, n’a pas souhaité s’étendre sur cette option stratégique et souveraine du Cameroun et qui n’est donc pas discutable. C’est une rencontre au sommet qui aura permis à chacun des chefs d’Etat de défendre les intérêts de son pays et surtout au Cameroun de repréciser l’option prise depuis au moins deux décennies de diversifier ses partenaires au gré de ses intérêts. 
Comment décririez-vous le contexte qui a entouré cette visite du président français ?
Un contexte de suspicion de part et d’autre. Personne n’avait prévu qu’une telle visite ait lieu en ce moment. Mais le contexte international l’a imposé, de même que le réalisme des pays comme la France qui oublient souvent que leur puissance sur la scène internationale dépend d’abord de la coopération avec les autres. Fréquentables ou pas. La France est donc à l’ère de la realpolitik et est obligée de regarder non plus avec en mains les rapports sur la gouvernance démocratique et le respect ou non des droits de l’Homme, mais en tenant compte plus du rang et du poids économique et géopolitique des pays. Le Cameroun est incontournable en Afrique centrale et dans le golfe de Guinée. L’ignorer longtemps, c’est laisser la place à d’autres offres de partenariat de plus en plus nombreuses. Vous aurez remarqué que le président Macron a plus magnifié l’importance du Cameroun comme pays pivot, pour justifier son choix d’offrir à notre pays la primeur de sa première visite africaine depuis sa réélection en avril dernier. Les français ont compris que les questions qui fâchent ne doivent plus se traiter sur la place publique. Donc, il était plus question de rétablir une ligne directe entre l’Élysée et le palais d’Etoudi. Et pour la France, de reconnaître le rôle stratégique et incontournable du Cameroun dans la sous-région et de le traiter désormais comme tel. Ce qui a été fait !
Peut-on considérer que cette visite, marque un nouveau départ dans les relations entre le Cameroun et la France ?
Naturellement, elle marque un nouveau départ, que ce soit parce que la France a pu jauger et apprécier la position stratégique du Cameroun dans la sous-région, mais aussi mesurer sa perte de terrain sur le plan économique et commercial, et même en terme d’image. Ce partenaire stratégique qu’est la France a compris que s’il veut rester présent au Cameroun, il devra désormais se résoudre à la concurrence des autres partenaires, même dans les domaines où elle avait de l’exclusivité, comme la sécurité. Le voyage du président Macron au Cameroun, visait à consolider ses positions dans ce pays, de créer des liens de confiance avec le président de la République du Cameroun qui tient bien les rênes de son pays, mais aussi d’ouvrir de nouvelles perspectives dans cette coopération. Et cela s’est matérialisé dans les échanges qu’il y a eu toute la journée de mardi autour de thématiques chères au président Macron : sécurité alimentaire, questions agricoles, entreprenariat jeunes, numérique, société civile, questions environnementales, diplomatie sportive et culturelle, questions mémorielles. D’où le focus mis sur la diaspora et d’une certaine jeunesse cooptée depuis le sommet Afrique-France de Montpellier. Et pour le président Macron qui aime bien les symboles, la mise sur orbite du Club village Noah participe par exemple à rendre visible un acteur trait d’union de la relation Afrique France, de célébrer un modèle de diaspora comme on aimerait souvent en avoir, mais aussi de toucher le cœur des Camerounais en allant au village qui abrite la présidence de la République.
L’un des points importants soulevés lors de cette visite est la question de la mémoire. Solder un passif douloureux comme celui de la guerre des indépendances, peut-il contribuer à renforcer la relation entre les deux pays ?
Oui, sans aucun doute. De quelque bord politique que l’on soit au Cameroun, la question de solder définitiveme...

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