« Nous observons un réel engouement des banques à s’installer chez nous »

Louis Paul Motaze, ministre des Finances.

Monsieur le ministre, le secteur de la finance affiche ces derniers temps une effervescence particulière, à travers l’installation de nouvelles institutions bancaires et même des assurances au Cameroun. Quelles sont les raisons qui peuvent justifier cette attractivité ?
La première raison de l’engouement que nous observons, est la volonté politique réaffirmée de nos chefs d’Etats de notre sous-région de dynamiser notre secteur financier, pour en faire un élément essentiel du développement économique de nos pays. Outre le marché boursier, l’engouement est également perceptible sur le marché bancaire. En effet, en l’espace de deux ans, nous avons reçu quatre demandes d’agrément en qualité de banque universelle. Deux banques ont d’ores et déjà reçu leur agrément et ont commencé à exercer. Il s’agit de Bange Bank et Access Bank. La Regionale devrait obtenir son agrément prochainement, tandis que le dossier de Africa Golden Bank est toujours en instruction à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Si nous élargissons le spectre aux établissements de paiement, qui offrent également des services bancaires, c’est six demandes qui ont été introduites auprès de nos services. Orange Money Cameroun a récemment obtenu son agrément, et celui de MTN Mobille Money est en cours d’instruction à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) et à la Commission bancaire d’Afrique centrale.
Ces institutions financières s’établissent au Cameroun en raison de la résilience et de la diversification de notre économie, mais également parce qu’elles souhaitent tirer profit des opportunités actuelles et futures qu’offrent la vision du président de la République pour le Cameroun à l’horizon 2035, notamment dans la phase de mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la décennie 2020-2030 (SND30), conjuguée à une démographie favorable et dynamique. Les objectifs de transformation structurelle de notre économie, inscrits dans la SND30, notamment en matière de densification des équipements publics (routes, ports, etc.) et d’amélioration de la productivité pour renforcer la substitution des importations par les productions locales (import-substitution) nécessiteront des financements importants que les banques pourront apporter. 
La deuxième raison du dynamisme de notre secteur financier est la structure résiliente et diversifiée de notre économie, à laquelle s’ajoutent les opportunités induites par la mise en œuvre de la transformation et les réformes structurelles de notre économie, impulsées par le chef de l’Etat dans sa vision du Cameroun à l’horizon 2035. Avec une population de 27 millions d’habitants, le Cameroun, riche de son bilinguisme et de son multiculturalisme, est le pays le plus peuplé de la Cemac. 75% de cette population est âgée de moins de 25 ans. En 2039, 60% de la population sera en âge de travailler ; population dont le dynamisme des femmes et hommes d’affaires qui la composent se démontre chaque jour. Dans cette population se trouvent toutes les catégories socio-professionnelles : cadre ; entrepreneurs ; exploitants agricoles, etc. dont les besoins peuvent être adressés par les banques. 
La troisième raison de l’engouement des banques pour le Cameroun, est la structure de sa démographie et le dynamisme de sa population, qui présentent des réelles opportunités de gains à cout, moyen et long terme quel que soit le segment d’activités. En somme, c’est la volonté politique de la plus haute autorité nationale, associée à celle de ses pairs au niveau sous-régional, auxquelles se conjuguent la structure résiliente et diversifiée de notre économie et le dynamisme de notre population, qui expliquent l’effervescence de notre marché financier. 


En quoi est-ce la digitalisation peut-elle aider à accroitre l’apport des banques, des établissements de microfinance etc. à la croissance économique ?
Permettez-moi tout d’abord de relever que la digitalisation ou alors les services digitaux sont résolument entrés dans nos vies et nos habitudes. Par conséquent, pour les institutions financières, offrir des services digitalisés n’est plus une option, mais une exigence de survie.
Alors, vous me demandez comment la digitalisation des services financiers peut-elle accroître l’apport des institutions financières à la croissance économique. La finance participe à la croissance économique grâce à plusieurs leviers dont : la facilitation des échanges de biens et de services, la facilitation de la consommation ; la mise en commun de l’épargne qui servira d’apport en capitaux pour la réalisation des projets, la facilitation des investissements. Observons ensemble les effets de la digitalisation des services financiers sur chacun des leviers que je viens de citer. S’agissant des échanges des biens et services, grâce à la digitalisation des services financiers, notamment les services de paiement, les transactions sont plus rapides et moins coûteuses. Il est désormais possible d’acheter des produits, de régler des factures ou de souscrire à des abonnements, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 à partir d’un terminal mobile. La réduction des coûts de transactions et la rapidité d’exécution desdites transactions permet d’obtenir des gains de productivité nécessaires à la croissance économique. 
S’agissant de la mise en commun de l’épargne pour les investissements, il convient de relever que l’aptitude d’un pays à financer des projets structurants n’est pas le seul fait du volume de l’épargne dans ce pays, mais la capacité de son système financier à capter cette épargne, à la mettre en commun, à la rendre disponible. Or, l’un des premiers bénéfices que nous avons observé de la digitalisation est sa capacité à renforcer l’inclusion financière et à proposer des plateformes de mise en commun de l’épargne. La possibilité d’accéder aux populations les plus reculées par la digitalisation des services financiers, apporte une niche potentielle de mobilisation importante de l’épargne et donc d’allocation des ressources pour les investissements, et la croissance économique. Si les institutions financières de notre pays, et de notre sous-région arrivent à prendre avantage du potentiel qu’offre les services financiers digitalisés et des innovations développées autour de ces services, nous pourrons expérimenter dans les années à venir, une croissance forte portée par la consommation et l’investissement.


L’on évoque ces dernières années, le développement du marché secondaire comme une niche potentielle de ressources additionnelles. Le Cameroun en profite-t-il déjà assez ?
Tout marché financier est composé d’un marché primaire et d’un marché secondaire. Le marché primaire est celui sur lesquels les actifs financiers, notamment les actions (titres de participation) et les obligations (titres de dettes) sont émis. Le marché secondaire est celui sur lequel ils sont échangés entre les investisseurs à travers des opérations d’achat ou de vente. 
Pour tout investisseur, la décision d’allocation de ses ressources sur un actif repose en général sur deux critères principaux. Le premier est le rapport entre la rentabilité espéré de l’actif, et le risque qu’il représente, le second est la possibilité d’acquérir ou de céder facilement et rapidement cet actif sur le marché secondaire en encore la liquidité de l’actif.
Dans le cas des banques qui sont les principaux acquéreurs des titres publics de l’Etat, la possibilité de céder facilement et rapidement des actifs est primordial, car elles ont des contraintes réglementaires qui fixent le niveau de concentration des risques à prendre par actif. 
Cela signifie que si une banque quelconque a atteint son plafond sur le risque Cameroun, même si elle possède des moyens financiers qui lui permettent d’acquérir des titres supplémentaires, la réglementation l’en interdit. Pour acquérir de nouveaux titres de l’Etat du Cameroun, donc accorder des ressources...

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