« Un assouplissement des normes de la fiscalité s’impose »

Dr René Yatcho Nyaben, économiste du développement.

L’activité de la vente à la sauvette a plus que jamais pignon sur rue au Cameroun. Qu’est-ce qui peut expliquer cette longévité ?
Encore qualifiée de vente sous le manteau, vente sans autorisation sur le domaine public ou de colportage, la vente à la sauvette prend effectivement de l’ampleur dans notre pays. C’est ainsi que de jeunes gens se livrent sur les trottoirs des principales zones urbaines au commerce de produits facilement transportables. Assez marginal ou peu prégnant dans les années 60 et 70, le phénomène s’est accentué au point de devenir la constituante majeure du secteur informel. Des raisons structurelles et conjoncturelles expliquent ce mouvement ascendant. L’on relève ainsi : la fin de l’Etat-employeur qui se traduit par la baisse des effectifs recrutés dans la Fonction publique ; la mondialisation et la libéralisation qui enferment les entreprises locales dans une logique concurrentielle néfaste à plusieurs plans d’embauchage ; la crise économique et l’adoption des plans d’ajustement structurels  à partir de 1987 qui obligent l’Etat à fonctionner sous la tutelle pernicieuse des institutions financières internationales ; l’incapacité de l’économie nationale à s’arrimer à des phases ordonnées propices à la croissance et au développement. Ce dernier point est d’une importance capitale, car dans les mouvements classiques du développement, la population active, profitant des gains de productivité dans chaque secteur de base respectif, passe de l’agriculture à l’industrie et de l’industrie aux services. Or, dans notre pays, les séquences décrites n’apparaissent pas de manière formelle. De ce fait, le passage s’effectue du primaire au tertiaire. En raison de ce gap, il s’en suit une désarticulation qui fait de la vente à la sauvette un miroir aux alouettes particulièrement attractif.

La friperie est l’un des domaines dans lesquels la vente à la sauvette est la plus pratiquée. Comment appréciez-vous la persistance de cette activité quand on sait que cela freine la production locale notamment dans un contexte de promotion d’import-substitution ?
Le contexte d’import-substitution dont vous parlez est encore en gestation au Cameroun. On note ainsi que les transformations technologiques locales ne permettent pas encore un remplacement des produits importés par une production interne susceptible d’attirer les consommateurs par les prix, la qualité et une livraison régulière. Il s’instaure ainsi un principe comparatif en défaveur de l’industrie de vêtement local. Bien plus, en raison des snobismes divers, les consommateurs optent pour des articles de seconde main « griffés » à des prix abordables, au dépens de ceux vendus dans les magasins de luxe. Une telle persistance est, à l’évidence, nocive à notre économie pour plusieurs raisons. Elle induit le déséquilibre de notre balance commerciale car, selon nos calculs, les importations de friperies s’élèvent à plus de 150 milliards de F par an. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants qu’ils sont en continuelle hausse. Dans un tel environnement, il n’est pas aisé aux micro-entreprises individuelles ou collectives, artisanales ou à teneur technologique variable, d’être compétitives. La situation est particulièrement inquiétante car l’importation de la friperie fait entrer sur le marché camerounais des produits ayant épuis...

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