Interview : « tout le monde se dit tradipraticien »

Dr Godfred Weriwoh Tembeng, coordonnateur national du pôle médecine et pharmacopée africaine au ministère des Arts et de la Culture.

La 20e Journée africaine de la médecine africaine a été observée le 31 août dernier. Sous quel signe avez-vous placé cette commémoration ?
Beaucoup de malades meurent parce qu’ils n’ont pas su se soigner au bon endroit. Le 31 août dernier, nous avons eu un espoir de valorisation de la médecine africaine. Ce secteur a gardé l’appellation réduite à la « médecine traditionnelle ». Pour moi, cela est péjoratif. La médecine traditionnelle n’est que l’une des autres composantes de la médecine africaine. Les trois autres sont la médecine tradispirituelle, la médecine ancestrale et la pharmacopée africaine. La commémoration de cette Journée braque les projecteurs sur cette forme de médecine qui fait d’ailleurs, selon nos recherches, 70% de la couverture sanitaire au Cameroun, laissant place à 20% à la médecine conventionnelle et 10% aux pratiques religieuses.

Le manque d’examens médicaux préalables, le déficit de diagnostic ou l’insuffisance d’informations sur la dangerosité du médicament, constituent quelques limites de cette médecine. Pensez-vous que la normalisation de ce secteur soit possible ?
Un problème majeur se pose au niveau de la pharmacopée africaine : tout le monde se dit tradipraticien. Beaucoup se rendent dans les villages pour prendre les produits chez les vrais praticiens et venir vendre en ville. Ils les transforment et les mettent sur le marché sans savoir que les vrais tradipraticiens ont d’abord un contact spirituel avec leurs produits. Ils savent comment et quand prescrire une plante. Au niveau du ministère de la Recherche scientifique, lorsqu’on parle d’homologation, on parle de doses. La dose originale des plantes médicinales est connue par les tradipraticiens. Un vrai tradipraticien qui donne un produit sait toujours quelle quantité et quelle posologie prescrire à son patient. Au niveau de l'Institut de recherches médicales et d'études des plantes médicinales, les recherches portent seulement sur les principes actifs des plantes en laissant le reste des facteurs. Cela réduit la valeur desdites plantes qui n’auront plus certains principes. Chaque médecine a ainsi sa particularité à respecter et prendre telle quelle, sans essayer de comparer à d’autres formes de médecine. Pour ce qui est de la normalisation, nous aimerons avoir une structure spéciale et autonome qui va être gérée par des personnes douées pour assurer la gestion et le fonctionnement de la médecine africaine. Il ne faut pas que la médecine africaine soit cantonnée dans un service d’un ministère.

Comment vous organisez-vous pour inverser la tendance ?
Nous passons d’abord par la sensibilisation. Nous faisons une large campagne afin de faire connaître la médecine africaine, la mettre en valeur et donner ses grandes orientations. Nous organisons également des séminaires pour essayer de voir comment améliorer les choses. Mais cela ne suffit pas, parce même au niveau de ces associations, tout le monde n’est pas sur la même ligne de combat. Certains tradipraticiens sont en rivalité. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités et nous mette dans un cadre plus organisé, uniformisé et approprié.  Actuellement, certains se reconnaissent du ministère de la Santé publique, d’autres du ministère de l’Administration territoriale, et il y en a qui travaillent avec le ministère des Arts et de la Culture. Il est temps que nous soyons rassembl&e...

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