Interview : « il y a une véritable crise de confiance »

Simon Pierre Omgba Mbida, minister plénipotentiaire et internationaliste.

Depuis son ouverture le 20 août dernier, le dialogue national et inclusif au Tchad reste confronté à plusieurs blocages ayant entraîné des temps morts au point de rallonger le calendrier initial. Comment expliquez-vous cette situation ?
C’est un truisme de dire que ce dialogue tant attendu a connu quelques ratés à l’allumage. Car, beaucoup d’invités ont manqué à l’appel. A la différence des autres groupes armés d’opposition, le principal mouvement rebelle, le Front pour l’alternance et le concorde au Tchad (FACT), n’a pas signé l’accord de Doha du 8 août dernier prévoyant un cessez-le-feu et la participation des «politico-militaires» au dialogue national inclusif. Plusieurs partis d’opposition et organisations de la société civile ont aussi choisi de boycotter le DNI. Le plus en vue, le parti des Transformateurs a posé deux conditions à sa venue : l’inéligibilité des autorités en charge de la transition lors du prochain scrutin et un rééquilibrage des quotas de délégués invités au dialogue national. Il faut ajouter à cela que la conférence épiscopale a quitté le DNI et dénonce l’absence de sincérité dans ce dialogue. Du coup son caractère inclusif et souverain s’effrite.

Car pour eux, ce dialogue qui est à la fois politique et social doit réunir en priorité les acteurs politiques et ceux de la société civile dont un bon nombre est encore dehors. Les évêques regrettent également l’absence d’un vrai dialogue, précisant que celui-ci se fonde sur l’écoute réciproque. A la place, soulignent-ils, ces assises ressemblent à une campagne électorale avec d’un côté, ceux qui soutiennent le changement et un renouvellement de la classe politique ; et de l’autre ceux qui bloquent tout et veulent continuer comme avant en mettant en place une machine savamment orchestrée. Il y a donc une véritable situation de crise de confiance entre les différents groupes opposés les uns aux autres, et ne voulant pas cautionner la mainmise d’un groupe sur le processus, qui contraints certains acteurs clés à suspendre leur participation aux séances du dialogue.

A l’allure où vont les choses, pensez-vous que la grand-messe en cours puisse déboucher sur un véritable accord pouvant sortir le Tchad de plusieurs décennies de crise ?
Il faut savoir qu’environ 1 400 personnes ont été désignées pour siéger au dialogue national inclusif, dont plus de 300 responsables des partis politiques, 50 politico-militaires, 280 membres des associations de la société civile, professionnelles ou religieuses, 100 « autorités traditionnelles », 70 hauts gradés, 120 dirigeants des « grandes institutions et gouvernement » et 240 représentants des provinces. Cependant, il y’a lieu de relever que près de 90 % des participants sont acquis à la cause du MPS, l’ancien parti d’Idriss Déby, et du Conseil militaire de transition. C’est pourquoi certains hommes politiques de l’opposition et de la société civile dénoncent un monologue, et que comme les éditions précédentes de 2018 et 2020, ce dialogue ne servira à rien.

Sur le boycott déjà observé, les négociations, autres tentatives de médiation, sont restées vaines jusqu’à présent. La suite est incertaine. La non-participation des principaux acteurs entacherait le caractère inclusif et la crédibilité des résolutions qui sortiront à la fin des échanges. La question de l’inéligibilité des membres de la transition constitue, à mon avis, le point clé des discussions. Si le président du Conseil militaire de transition accepte publiquement, par écrit, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle, je pense que ceux qui boycottent le DNI reviendront à des bons sentiments.

Car, derrière, c’est la question de l’alternance démocratique qui est en jeu. Ni les rebelles armés du FACT ni le chef des Transformat...

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