Cameroun-Tchad : une relation de cœur et de raison

La force de l’amitié entre deux peuples comme d’ailleurs entre deux individus se mesure à l’aune de leur capacité à surmonter les incompréhensions qui peuvent apparaître. Illustrative est à cet égard la relation qu’entretiennent le Cameroun et le Tchad, deux pays voisins unis par l’histoire, la géographie, d’énorme intérêts économiques et financiers et leurs populations en partage de part et d’autre d’une frontière commune d’environ 1094 km.                                                                                                                  
Aucune relation n’est un long fleuve tranquille. Il peut ainsi arriver que l’un des partenaires, à un moment donné, exprime son mécontentement. C’était récemment le cas dans le cadre de « l’affaire Savannah Energy » qui a conduit au rappel, le 21 avril 2023 par N’Djamena, de son ambassadeur au Cameroun pour consultation. Des oiseaux de mauvais augure s’étaient alors empressés de prédire l’escalade entre Yaoundé et N’Djamena. Mais, c’était mal connaître la particularité de la relation profonde, dense et multidimensionnelle entre les deux pays frères. Les prophètes du pire avaient aussi ignoré la sagesse et la pondération du grand patriarche qu’est le chef de l’Etat camerounais Paul Biya. Alors que la tension était montée d’un cran de l’autre côté du Logone, il a su garder le sens de la mesure. Ne dit-on pas que « la manifestation du pouvoir qui impressionne le plus est la retenue » ? En tout cas, Paul Biya vient de nous administrer une leçon magistrale de gestion intelligente d’une brouille diplomatique dont l’épilogue s’est joué dans la salle des réunions du bâtiment B du secrétariat général de la présidence de la République à Yaoundé le 19 mai dernier. Ce jour-là en fin de matinée, au nom du chef de l’Etat Paul Biya, le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, a reçu en audience, le Dr Gali Ngothé Gatta, ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République du Tchad qui conduisait une délégation de haut niveau. L’entretien à huis clos a été suivi d’une séance de travail élargie aux délégations des deux parties, en présence notamment des ministres camerounais et tchadiens chargés des questions d’énergie, des hydrocarbures et du commerce. Entre autres sujets abordés, il y avait évidemment l’épineuse « affaire Savannah Energy » à l’origine de la tension entre les deux capitales il y a quelques semaines. A l’issue de la concertation, le chef de la délégation tchadienne a acté la normalisation retrouvée en déclarant à la presse que les nuages ont été dissipés. « Nous avons eu quelques brouilles sur la gestion du pétrole et il était important qu’après la visite du ministre d’Etat camerounais au Tchad (NDLR : Ferdinand Ngoh Ngoh qui avait remis un message du président Paul Biya à son homologue tchadien), que je vienne ici confirmer la volonté des deux chefs d’Etat quant à une normalisation de nos rapports sur les questions essentielles qui nous avaient quelque peu créé des différends », a expliqué le Dr Gali Ngothé Gatta. Ajoutant que la crise entre les deux pays voisins relève désormais du passé puisque, souligne-t-il, « les brouilles ont été solutionnées et les nuages ombrageux qui semblaient peser sur nos rapports ont été éclaircis ». C’est le lieu de souligner qu’au-delà de la volonté de désescalade des deux chefs d’Etat qui ont malgré tout évité de rompre les fils du dialogue, il faut saluer, une fois de plus, la perspicacité du stratège Paul Biya qui a pris la pleine mesure des enjeux et n’a pas jeté de l’huile sur le feu. En somme, son tempérament a été le véritable « game changer » dans cette affaire qui aurait pu prendre une autre tournure. Si bien qu’aujourd’hui, les regards sont désormais tournés vers le président de la transition du Tchad à qui revient la décision d’autoriser incessamment l’ambassadeur rappelé à rejoindre son poste à Yaoundé. Cet ultime épisode sera alors la cerise sur le gâteau.
En attendant ce dernier bouquet, le « happy end » auquel on assiste ne surprend guère les observateurs avertis. Comment pouvait-il en être autrement pour deux pays condamnés à vivre côte à côte et à densifier une coopération mutuellement bénéfique dans de nombreuses secteurs ? Bien plus, par-delà le brassage irréversible des populations que les frontières artificielles héritées de la colonisation n’ont pas pu empêcher, le Cameroun et le Tchad ont des intérêts stratégiques et vitaux à préserver jalousement ensemble. Et en période difficile, les deux pays ont toujours su se soutenir et se montrer solidaires. Les Camerounais n’oublieront jamais le précieux soutien militaire du Tchad au moment où les attaques des combattants de la secte islamiste Boko Haram s’intensifiaient dans la région de l’Extrême-Nord frontalière du Nigeria. Il y a un peu plus de huit ans, nos compatriotes avaient été heureux d’entendre Paul Biya leur annoncer, à travers un communiqué du ministre de la Communication, que dans le cadre des excellentes relations d’amitié et de bon voisinage qui unissent le Tchad et le Cameroun, le président de la République du Tchad, Idriss Deby Itno, de regretté mémoire, avait décidé, en mi-janvier 2015, d’envoyer un important contingent des forces armées tchadiennes pour venir en appui aux forces armées camerounaises qui font face avec courage et détermination aux attaques répétées des miliciens de la secte terroriste. Cette mutualisation des efforts qui intervenait après l’attaque meurtrière de la ville frontalière camerounaise de Kolofata et la prise de la base d...

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