Règlement contre la déforestation : sachons défendre nos intérêts !

La houleuse réunion d’information, le 18 juillet 2024 à Yaoundé, des chefs de quelques départements ministériels, en présence du chef de la délégation de l’Union européenne (UE) au Cameroun, sur les implications du Règlement européen sur la déforestation impose un constat. En effet, dans leur bataille contre le sous-développement, les pays du tiers ou du quart-monde vont devoir affronter des obstacles inédits que même les meilleurs économistes du développement n’avaient apparemment pas vu venir. Illustratif est à cet égard ce Règlement de l’UE 2023/1115 du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation, à partir de l’Union, de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts. En clair, l’entrée en vigueur, à compter du 30 décembre 2024, du Règlement du Parlement et du Conseil européens du 31 mai 2023, autrement appelé Règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), rédigé unilatéralement par la partie européenne, selon les détracteurs du texte, est une équation supplémentaire difficile que nous devons résoudre. Dans la mesure où ce nouveau Règlement, qui découlerait du fait que la déforestation mondiale est due à 90% à l’expansion des terres agricoles, vise à interdire la mise sur le marché ou l’exportation depuis le marché de l’UE des produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts après le 31 décembre 2020. Le RDUE couvre une série de produits de base et produits dérivés (bœuf, cacao [fèves, pâte, chocolat, poudre, beurre, graisse, huile, coques], café, huile de palme, hévéa, soja, bois).  Plusieurs de ces produits sont essentiellement vendus par des pays situés dans les parties les moins développées de la planète. Un défi majeur que ces derniers doivent relever pour éviter que certaines de leurs productions soient interdites d’accès au marché européen, dès la date indiquée, s’ils ne sont pas conformes aux nouvelles exigences du marché européen. 
Pour être conforme au RDUE, le cacao, par exemple, qui curieusement se vend très bien en ce moment, devra être libre de déforestation (celle-ci étant la conversion d’une forêt à des fins agricoles, qu’elle soit d’origine humaine ou non) ; être légal (une étude est en cours en vue d’approfondir le sujet et bien clarifier les exigences en termes de légalité) ; être couvert par une déclaration de diligence raisonnée des entreprises, laquelle prévoit trois étapes (recueillir des informations sur le produit et des preuves de traçabilité, zéro déforestation, et de légalité ; évaluer les risques de non-conformité, et si des risques ont été identifiés, prendre des mesures pour les atténuer). En somme, ce cacao doit être traçable et pour qu’il le soit, les nombreux acteurs de la filière, notamment les coopératives et les acheteurs agréés, doivent inciter les cacaoculteurs à se faire enregistrer en tant que producteurs de cacao, autoriser la géolocalisation de leurs parcelles, vendre leur cacao aux coopératives ou aux acheteurs agréés, formaliser la profession du coxeur, ne pas mélanger le cacao tracé avec du caco non tracé, traiter séparément le cacao provenant de différentes parcelles. Une fois que le RDUE entrera en application, le cacao issu de nouvelles parcelles ouvertes dans la forêt après le 31 décembre 2020 ne pourra pas être exporté vers l’UE. Les nouvelles plantations ne peuvent être créées que sur les terres déjà considérées comme agricoles (terres cultivées, jachère) et tous les acteurs doivent contribuer au respect du cadre légal dans leurs pays respectifs.
En ce qui concerne le Cameroun, certains de ses principaux produits d’exportation sont visés, au rang desquels le cacao et le café. L’enjeu est énorme, dans la mesure où nos exportations vers l’UE représentent 78% de notre production de cacao et 68% pour ce qui est du café. Sur le plan financier, la production exportée, de l’ordre de 300 000 tonnes de cacao, pour ne citer que cet exemple, représente une rémunération versée directement aux producteurs, sur une seule campagne (entre les mois d’août et de janvier/février), de l’ordre de 1 500 milliards de F CFA, du fait du niveau actuel des cours situé autour de 5 000 F CFA/kg, d’après le ministre du Commerce (Mincommerce), Luc Magloire Mbarga Atangana. Dans son plaidoyer, lors de la réunion du 18 juillet dernier, le Mincommerce a fait valoir les spécificités de notre cacaoculture et caféiculture dans la pratique de l’agroforesterie qui tranche, selon lui, avec ce qui se fait en Afrique de l’Ouest ou dans d’autres grands pays producteurs dans le monde. Auprès de la Commission européenne (CE), le Cameroun a ainsi fini par prendre le lead de ce plaidoyer qui regroupe actuellement tous les pays du Bassin du Congo. Le ministre s’est même félicité de ce que la CE nous ait prêté une oreille attentive au point de financer une série d’activités en rapport avec le cacao forestier. Il a en outre espéré que cette préoccupation sera prise en compte à l’occasion de la révision du Règlement au cours de la période de 24 mois qui s’ouvre le 1er janvier 2025.
Face aux exigences de ce Règlement querellé, qui vient actuellement comme pour briser une dynamique, l’Afrique doit parler d’une seule voix et adopter une stratégie commune. Certes, des efforts sont fournis au Cameroun pour s&rsquo...

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