Cinéma camerounais : un besoin de valorisation

En 1988, le journaliste Guy Jérémie Ngansop écrit un ouvrage, l’un des tout premiers qui traitent de la problématique du cinéma camerounais, intitulé « Le cinéma camerounais en crise ».  L’auteur avait alors choisi d’aborder l’épineuse problématique de soutien et de promotion de notre cinéma. Comme un scénario écrit à l’avance, cette préoccupation, exprimée depuis pratiquement trois décennies, est d’actualité. Le cinéma camerounais présente plusieurs clichés ; les uns moins valorisants que d’autres. Pourtant, ce ne sont pas les talents et les idées qui manquent. Il existe même un rendez-vous institutionnel qui braque ses projecteurs sur le cinéma : le Festival Ecrans noirs dont la 28e édition a eu lieu du 19 au 26 octobre 2024, sur le thème « Intelligence artificielle et cinéma africain ». 
Avant d’explorer les facilités qu’apporte l’intelligence artificielle, il est d’abord important de reconnaître qu’en dépit de la morosité du secteur, beaucoup de jeunes cinéastes se sont engagés dans l’industrie cinématographie camerounaise. Et grâce à leur acharnement, leurs productions s’imposent au niveau international. L’année dernière par exemple, trois productions « Kuvah », « Nduru » et « The Planter’s Plantation » avaient une fois de plus fait honneur au cinéma camerounais à l’international. Elles avaient été nominées dans trois festivals internationaux compétitifs, d’envergure mondiale. Au Festival international Nollywood Film de Toronto au Canada, « Kuvah » dans la catégorie de Meilleur premier film et le film « Nduru » dans la catégorie de meilleure film indigène. Le film « The Planter’s Plantation » de Eystein Young Dingha, sorti en 2022, a été sélectionné au CinemAfrica Film Festival Stockholm en Suède. Allégorie du néocolonialisme, le film était la candidature du Cameroun pour l’Oscar du meilleur film international à la 95e cérémonie des Oscars. L’autre film qui a fait honneur au Cameroun dans ce grand festival international, était « The Throne » sorti en 2022. Il a été réalisé par Ousmane Stephane et Derick Lamnyam. Ce film avait remporté le prix du meilleur costume à l’International Black and Diversity Film Festival. 
Il y a donc du potentiel à revendre. Nos cinéastes et autres réalisateurs ont du talent, et leurs produits sont compétitifs. Les technologies de l’information et de la communication et précisément l’intelligence artificielle, ont apporté d’autres outils à la machine de production. Dans leur ouvrage « Le cinéma camerounais à l’ère du numérique », Annette Angoua Nguéa & Jacques Merlin Bell Yembel soulignent la prégnance de la numérisation du secteur. Ils notent que l'avènement du numérique a révolutionné le cinéma dans plusieurs pays du monde. Mais au Cameroun, malgré la volonté des décideurs et les nombreuses actions initiées par les acteurs du secteur, il demeure très difficile de se prononcer avec autorité sur la question de la numérisation du cinéma. « À l'ère du numérique, quelle est la situation du 7e art camerounais ? Ce dernier a-t-il bénéficié des retombées de la digitalisation, comme certains pays en voie de développement ? Sinon, quelles sont les mesures à implémenter pour qu'il accède à la pleine numérisation souhaitée par les cinéastes et sans laquelle son industrialisation et sa rentabilisation sont désormais chimériques ? » Autant d’interrogations qui devraient susciter la prise de conscience, afin d’exploiter cette opportunité. Car, on ne le dira jamais assez, les TIC sont des facilités qui s’offrent aux cinéastes pour être plus compétitifs, surtout à « l’ère du cinéma sans normes ». En effet, tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’être formés dans des écoles de cinéma, ont une nouvelle arme à leur disposition : les réseaux sociaux.
Tout se joue donc de nos jours sur la notoriété en ligne. Internet et les réseaux sociaux ont démocratisé la pratique du « cinéma » au Cameroun. Ils permettent au public d’être le seul juge de ce qu’il reçoit sur son téléphone. Tout jeune camerounais qui possède un équipement audiovisuel qui peut être un simple téléphone ou un appareil photo multimédia, pour ne pas parler de caméscope, peut produire ses vidéos et les mettre en ligne à partir de son salon. Nul besoin d’une quelconque autorisation ou de débourser un quelconque sous à reverser à l’administration. L’auteur de la vidéo est seul maitre de son œuvre et en fait ce qu’il veut, comme il veut et avec qui il veut. Ce qui a pour conséquence de créer un amalgame dans les genres et une cacophonie dans le milieu de la production audiovisuelle et cinématographique.
A côté de ceci, l’autre difficulté est liée à la diffusion, qui est le point d’aboutissement de toute production audiovisuelle ou cinématographique. Un film est fait pour être vu et le diffuseur est celui-là qui met en contact le producteur et le spectateur. Faute de salles de cinéma, les télévisions jouent une partition non-négligeable. Mais aussi étonnant que cela puisse paraitre, dans sa thèse intitulé « Regards croisés sur les systèmes de production cinématographique et audiovisuelle des zones anglophone et francophone du Cameroun (2009-2015) », Lambert ...

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