« Le phénomène persiste, mais régresse »
- Par Junior MATOCK
- 03 déc. 2024 11:46
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Ibrahim Talba Malla, ministre délégué à la présidence de la République chargé des Marchés publics.
Monsieur le ministre, vous avez récemment publié un communiqué dans le cadre de l’opération d’assainissement du secteur des Marchés publics afin de lutter contre le phénomène des travaux abandonnés. Quelle est l’ampleur du phénomène ?
À travers ce communiqué, 210 entreprises ont été mises en demeure de reprendre ou d’achever leurs marchés abandonnés pour le compte des exercices 2021, 2022 et 2023, dans un délai de 21 jours, sous peine de résiliation des marchés y afférents par l’autorité chargée des marchés publics, en application des dispositions de l’article 50, alinéa 2 du décret no 2018/366 du 20 juin 2018 portant Code des marchés publics. Il convient de rappeler que l’autorité chargée des marchés publics a eu à prendre par le passé des mesures coercitives similaires qui ont eu pour effet la régression de l’ampleur de ce phénomène des marchés abandonnés est perceptible. En effet, partis de 420 entreprises ayant abandonné leurs marchés il y a deux ans, nous sommes rendus cette année à 210 entreprises recensées pour les mêmes faits. Malgré cette régression significative, ce phénomène persiste encore. Toutefois, nous allons poursuivre, sans relâche la lutte engagée, conformément aux hautes directives du président de la République qui, dans sa communication spéciale au cours du conseil ministériel du 16 janvier 2019, prescrivait : « J’insiste sur le fait que tous les projets, je dis bien tous, devraient être exécutés dans les délais impartis. Il n’est pas tolérable que certains d’entre eux ne soient pas exécutés selon le calendrier convenu ou soient simplement abandonnés ». C’est donc en droite ligne de ces hautes directives, que je profite de l’opportunité que m’offre votre journal, pour inviter tous les acteurs du système des marchés publics, à s’impliquer davantage dans la lutte, afin que l’éradication totale du phénomène de marchés abandonnés soit effective.
Comment en arrive-t-on à cette situation et même aux sanctions quand on sait que le processus de passation des marchés est censé filtrer ces acteurs incapables de réaliser les projets ?
A la lumière des dispositions du Code des marchés publics, les marchés sont attribués et signés par les maîtres d’ouvrage ou maîtres d’ouvrage délégués, suivant les résultats issus de l’évaluation des offres des soumissionnaires ayant répondu à l’appel d’offres. Cette évaluation est basée sur la qualité de leurs capacités administratives, techniques et financières déclinées dans leurs offres. Ce qui devrait augurer l’attribution des marchés aux prestataires possédant des compétences avérées. Cependant, il se trouve malheureusement qu’à l’exécution de leurs marchés, certains titulaires se montrent plutôt défaillants. En effet, sous cette rubrique, il ressort des rapports des missions de contrôle effectuées par le ministère des Marchés publics (Minmap), qu’à l’étape de la passation des marchés, les principales causes de cette défaillance sont, sans être exhaustif, l’inadéquation de certains critères d’évaluation contenus dans les dossiers d’appel d’offres (DAO) élaborés par les maîtres d’ouvrages avec la nature des prestations à exécuter. Ce qui a pour effet, l’attribution des marchés aux soumissionnaires n’ayant pas des capacités suffisantes. Aussi, l’inexpérience et à la moralité de certains membres des commissions des marchés publics et des sous commissions d’analyse des offres. Ce qui a pour conséquence, l’évaluation biaisée des offres. De même, la présentation par les soumissionnaires dans leurs offres des fausses preuves de capacités administratives, techniques ou financières, qui ne sont pas toujours détectées lors de l’évaluation des offres. Ce qui donne lieu à l’attribution des marchés à certains prestataires ne disposant pas des capacités requises et, enfin, les plans de charges importants de certaines entreprises, consécutifs à l’attribution simultanée de plusieurs marchés par les maîtres d’ouvrages différents. Ce qui ne garantit pas toujours une exécution sereine de l’ensemble de ces marchés dans les délais prescrits.
Cependant, face à ces disfonctionnements et mauvaises pratiques, des mesures idoines allant jusqu’à la sanction, sont prises par l’autorité chargée des marchés publics et notifiées aux acteurs concernés en vue de leur amendement.
D’après certains spécialistes, les responsabilités sont partagées, au regard de l’application de la politique du moins disant qui laisse passer des prestataires qui ne remplissent pas toujours toutes les conditions. En quoi ce facteur peut-il conduire aux insuffisances et autres malfaçons constatées sur le terrain ?
Avant de répondre à cette question, il me semble important d’apporter une clarification sur les modes d’attribution des marchés possibles prescrits par le Code des marchés publics en son article 99. En effet, suivant ces dispositions, l’attribution des marchés de travaux, de fourniture et des services quantifiables se fait au soumissionnaire ayant présenté une offre remplissant les critères de qualification technique et financière requises et dont l’offre est évaluée la moins-disante. L’attribution des marchés de services non qualifiables y compris les prestations intellectuelles, et des marchés passés à la suite d’un appel d’offres avec concours se fait au soumissionnaire présentant l’offre évaluée la mieux-disante, par combinaison des critères techniques, financières et/ou esthétiques.
Revenant sur votre préoccupation, je suis d’avis que les responsabilités sur le phénomène des marchés abandonnés sont partagées, ainsi que je l’ai précédemment dit. Mais ce phénomène ne saurait être tributaire du mode d’attribution du marché. En ce qui concerne particulièrement le principe du « moins-disant », il faut bien comprendre qu’il n’est pas appliqué tel que l’opinion publique l’entend. Son application est bien encadrée. En effet, à la lumière de la disposition réglementaire y relative sus appelée, ce principe n’est appliqué qu’aux soumissionnaires ayant présenté des offres remplissant les critères de qualification technique et financière requises dans le DAO, en vue de les départager pour l’attribution du marché. Par ailleurs, il convient de souligner que, si pour l’ensemble des marchés programmés au cours des trois derniers exercices, dont il faut décompter 8000 en moyenne par an qui sont assujettis au principe du « moins-disant », l’on a identifié seulement 210 qui sont abandonnés, c’est-à-dire que tous les autres marchés ont été exécutés intégralement et réceptionnés. En conséquence, le phénomène des marchés abandonnés ne serait pas lié au mode d’attribution du marché au « moins-disant ».
Quid de la lenteur ou du retard observé dans le paiement des prestations par l’Etat ?
Il est évident que les lenteurs ou les retards observés dans le paiement des prestations contribuent à la sous-performance de l’exécution des marchés publics. Lorsqu’un cocontractant a exécuté des prestations et a soumis le décompte ou la facture correspondants, il faut bien qu’il soit payé dans les délais règlementaires prévus, afin qu’il honore ses engagements pris dans le cadre du marché et poursuive sereinement son ex...
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