Interview : « Le mbolé fonctionne dans une société très violente »

Jean Maurice Noah, ethnomusicologue et écrivain.


Au fil des années, un mouvement musical baptisé « mbolé » gagne du terrain sur la scène nationale. Que cache, d’après vous, un tel développement ?
Depuis bientôt cinq ans, un vent de retour aux sources culturelles nationales souffle sur notre pays, caractérisé par la quête de l’authenticité, la recherche du typique et de l’originalité. Si pendant presque deux décennies le Cameroun était devenu un télé protectorat culturel étranger dans les milieux jeunes, aujourd’hui, on assiste à un véritable Back to the Roots. Cela s’observe dans les habitudes vestimentaires, alimentaires et de plus en plus musicales. L’odyssée du tissu « ndop », des plats tels que l’okok, le eru, le koki, etc., l’introduction des langues nationales dans le langage courant, en sont des preuves palpables. Le phénomène du mbolé est à inscrire dans cette mouvance. En effet, voilà un courant musical qui est parti d’un folklore traditionnel batanga de Kribi, le Mbaya, a migré à Yaoundé, s’est urbanisé par la magie de la cybernétique appliquée à la musique et fait actuellement fureur. Certains autres rythmes traditionnels font actuellement le même parcours, le kpwaloum du Noun et le mvouop de Bangangté, à travers principalement Fadil Le Sorcier pour le premier et Krys-M pour le second. On peut également évoquer le grand retour du mendjang, balafon beti. Las de consommer la culture musicale étrangère, la jeunesse camerounaise se réconcilie avec le patrimoine culturel national qu’elle remastérise et reconstruit par nouvelles technologies interposées.


Le mouvement connaît également un revirement regrettable des messages d’incitation à la haine et à la violence, la mendicité et autres évangiles à la consommation de stupéfiants. Qu’est-ce qui en est l’origine selon vous ?
La musique est le reflet de la société. Pour comprendre une société dans sa psychologie, son anthropologie, sa politique, son économie et surtout ses mœurs, il faut écouter sa musique. Cela signifie que la musique est un puissant instrument de connaissance du fait social total et global. Le mbolé fonctionne dans une société, précisément la société urbaine, qui est très violente ; une violence dont le principe actif est l’action rampante des stupéfiants, la montée en puissance des drogues dures. Allez dans les réseaux sociaux numériques, vous y trouverez toutes sortes de violence, d’incitation à la haine, la xénophobie, le lynchage communautaire. A cela s’ajoutent l’influence de la machine médiatico-culturelle occidentale, une filmographie axée sur la violence, le culte de la drogue et de la concupiscence, ainsi que la culture du hip-hop et sa liturgie quasi belliqueuse. Tout cela a affecté la littérature du mbolé originel, qui était au départ épique, comique, érotique, griotique, apologétique, didactique et critique.

 

Quelles sont finalement les vraies valeurs défendues par le mbolé ?
Les valeurs fondatrices du mbolé sont d’abord le goût. Le mbolé est là pour offrir le go&...

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