Pr Jacques Fame Ndongo: « L’offre de formation technologique s’est élargie »

Ministre de l’Enseignement supérieur.

Monsieur le ministre, la rentrée universitaire 2017-2018 débute ce jour. Sous quel signe placez-vous l’année académique qui s’annonce ?

Je voudrais avant toute chose vous exprimer ma sincère gratitude pour l’opportunité que vous m’offrez en m’ouvrant l’espace de votre journal pour parler de l’enseignement supérieur en cette période cruciale consacrée à la rentrée universitaire.
Bien évidemment, cette période  a toujours eu la résonance d’une réouverture ou tout au moins d’un nouveau départ. De  ce point de vue, on pourrait comprendre à juste titre qu’elle constitue le moment où l’on se fixe un  nouveau cap, justifiant par le fait même que l’on s’interroge sous quel signe est placée la toute prochaine rentrée universitaire. Pourtant aussi, il convient  d’admette que les différentes années universitaires qui se suivent constituent un ensemble d’éléments articulés qui participent tous, et de manière solidaire, à l’atteinte des différents objectifs que se fixe le système en tant qu’organisation.
Avant de répondre directement à votre question, permettez-moi de relever d’entrée de jeu, pour m’en féliciter, que malgré les sollicitations multiformes dont il fait l’objet au quotidien, le Gouvernement de la République ne cesse de déployer des efforts remarquables, visibles et inlassables, de concert avec toutes les composantes de la communauté universitaire, en vue d’améliorer substantiellement la qualité du système éducatif camerounais en général et de l’enseignement supérieur en particulier. Fort de cela, je puis vous annoncer qu’un accent particulier sera mis sur la poursuite du dialogue républicain et inclusif, afin que les activités académiques se déroulent au cours de l’année universitaire 2017-2018, dans l’ensemble des institutions universitaires publiques et privées, dans une atmosphère empreinte de calme et de sérénité.
Dans cette double perspective, je voudrais me permettre de préciser que  la présente rentrée universitaire est placée sous le double signe de la préservation des acquis et de la poursuite de la dynamique engagée depuis la réforme du LMD dont la trame de fond se révèle être l’innovation à travers le triptyque  professionnalisation des enseignements  – employabilité des  diplômés du supérieur – assurance qualité. Cette innovation se matérialise notamment dans :
- la professionnalisation des enseignements par la mise en place des filières avant-gardistes telles que les humanités numériques ;
- la mise en place des outils permettant une plus grande employabilité de nos étudiants à travers les incubateurs d’entreprise qui sont installés dans chaque université d’Etat ;
- la quête d’un enseignement supérieur de qualité à travers les mécanismes d’évaluation des pratiques pédagogique, des filières et des structures de management.
On pourrait naturellement en dire davantage, mais ce sont là quelques éléments de décryptage de la vision qui gouverne cette rentrée académique dont je voudrais dire, en dehors de toute formule dithyrambique, qu’elle amorce la phase de consolidation de nos options de professionnalisation, d’employabilité des diplômés du supérieur et d’assurance qualité.

Cette rentrée se déroulera dans un contexte particulier, marqué par des tensions dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Quelles sont les mesures prises par votre département ministériel pour assurer l’effectivité de la reprise dans la sérénité dans les Universités de Buea et Bamenda ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser que les évènements qui se sont  produits dans la les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont à la fois préoccupants et regrettables dans la mesure où ils hypothèquent la paix et la cohésion sociales qui constituent de précieux acquis sans lesquels plus rien de bon n’est envisageable. De ce point de vue, et en tant que citoyen, je ne saurais m’empêcher de dire ici ma peine et ma solidarité pour les victimes innocentes dont les biens et parfois la vie n’ont pas été épargnés.
Revenant sur la rentrée universitaire dans ces Régions, puisque c’est en réalité cela le fond de votre question,  il me plaît de rappeler que l’année universitaire 2016-2017 s’est terminée dans des conditions globalement satisfaisantes dans les institutions universitaires aussi bien publiques que privées, à l’exception des Universités de Buea et Bamenda qui ont été autorisées à prolonger leur année universitaire, à l’effet de respecter le taux de couverture des programmes d’enseignement à la suite des mouvements de grève qui avaient fortement perturbé les activités académiques dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce qui explique le fait que la rentrée universitaire dans ces deux universités aura plutôt lieu au mois de novembre 2017.
Afin de garantir le déroulement harmonieux des activités académiques dans ces deux régions, des dispositions sont prises par les services compétents pour permettre le déroulement harmonieux de la rentrée universitaire. Les Vice-Chancellors des Universités de Buea et de Bamenda, de concert avec les autres composantes de la communauté universitaire, mènent des actions salutaires pour rassurer les parents et les étudiants. Des informations dignes de foi font état de ce que les promoteurs des IPES du Nord-Ouest et du Sud-Ouest s’activent pour le redémarrage des activités académiques à la prochaine rentrée académique. D’une manière générale, les églises promotrices des IPES des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont mobilisées pour assurer la réussite de la rentrée universitaire 2017-2018. L’on observe des appels publics au sein de toutes les églises exhortant les parents à envoyer leurs enfants à l’école.
A l’observation, les parents d’étudiants en général et ceux des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en particulier sont mobilisés pour la reprise effective des cours à la prochaine rentrée académique. Comparativement à l’année dernière, l’on note donc une évolution positive de l’appréciation des parents vis-à-vis de la fermeture des établissements de formation.
Il est important de souligner que lors de la 6ème session du comité interministériel chargé d’examiner et de proposer des solutions aux préoccupations soulevées par les syndicats des enseignants, qui s’est tenue le 29 août 2017, l’ensemble des syndicats au rang desquels ceux des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont formellement et de manière solennelle, pris l’engagement d’œuvrer en faveur d’une rentrée scolaire et universitaire non seulement effective mais surtout sereine sur l’étendue du territoire national.
Le Gouvernement de la République croit à la vertu dialogue et n’a pas de raison de douter de cette parole donnée. Et ce Comité en est la parfaite illustration. Placé sous la présidence du MINESUP, il comprend les Chefs de quatre départements ministériels dont les Enseignements Secondaires, l’Éducation de Base, l’Emploi et la Formation Professionnelle, les Sports et  l’Education Physique. En font également partie, le Conseiller Technique des Services du Premier Ministre en Charge de l’Education et de la Recherche, le Coordonnateur du Secrétariat Technique du Comité et un Chargé de Mission du Secrétariat Général des Services du Premier Ministre et les représentants des syndicats des enseignants légalisés des deux sous-systèmes francophone et anglophone.
A ce jour, l’un de ses acquis majeurs est d’avoir su susciter l’adhésion des syndicats au principe du dialogue comme modalité de résolution des crises. Ce sont 23 syndicats d’enseignants qui prennent assidument part aux travaux du Comité avec des résultats aussi concrets que la levée du mot d’ordre de grève du 02 décembre 2016 et la formulation des propositions concertées soumises à la haute sanction de Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement.
Lors de ces concertations, le Gouvernement a chaque fois veiller à manifester sa bonne foi et son sens des responsabilités en distinguant les préoccupations susceptibles de connaitre des réponses urgentes et immédiates  de celles dont la complexité exigeait une réflexion approfondie et parfois des concertations plus élargies ou tout simplement plus de temps pour réunir les moyens matériels et financiers nécessaires.
A l’occasion de la deuxième session du Comité, la revue-évaluation des préoccupations soulevées par certains syndicats avait abouti à 15 préoccupations retenues de manière consensuelle par les parties en présence et soumises à la haute sanction de Monsieur le Premier Ministre, Chef de Gouvernement.  Pour un certain nombre d’entre elles, des actions avaient déjà été engagées. Il s’agissait, en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie et de travail dans les établissements publics et privés, des décisions du Président de la République relatives à :
- l’octroi d’une dotation spéciale additionnelle de deux milliards (2 000 000 000) de F CFA au titre de subvention aux établissements publics et privés, en complément aux dotations servies annuellement aux établissements des cycles primaires, secondaires et professionnels ;
- l’autorisation d’un recrutement spécial de mille(1000) jeunes camerounais bilingues, diplômés de l’enseignement supérieur, en particulier dans les domaines scientifiques et techniques ;
- l’intégration graduelle des instituteurs dont au préalable ceux de la première vague (2005-2006) conformément aux dispositions du Décret 2000/359 du 05 décembre 2000 portant statut particulier des fonctionnaires de l’éducation nationale ;
- l’organisation du Forum National de l’Education ;    
- l’intégration de tous les professeurs contractuels du secondaire, conformément aux mêmes dispositions sus évoquées.
Ces quelques exemples illustrent à suffisance que le Gouvernement et les syndicats d’enseignants sont engagés dans une dynamique de dialogue constructif en faveur de la paix et de la sauvegarde du droit à l’éducation de la jeunesse camerounaise. Je saisis donc l’occasion qui m’est offerte pour en appeler à la vigilance des parents vis-à-vis de toutes les forces contraire à la dynamique citoyenne ainsi lancée. Mieux que quiconque, les parents doivent savoir où est leur intérêt et celui de leurs enfants. Je leur redis l’engagement des pouvoirs publics à assumer leur part de responsabilité ainsi que la disponibilité du corps enseignant à assurer le service pour lequel il est commis.

Les années académiques se suivent, mais ne se ressemblent pas. Quelle sera l’innovation en cette année dans les universités d’Etat ?

Afin de s’arrimer aux exigences du système LMD, l’offre de formation supérieure technologique s’est élargie avec l’ouverture de nouveaux établissements. Il s’agit principalement de :
- l’Ecole Nationale Supérieure Polytechnique de l’Université de Maroua ;
- l’Ecole de Génie Chimique et des Industries Minérales (EGCIM) de l’Université de Ngaoundéré ;
- l’Université Inter-Etats Cameroun-Congo dont la rentrée est prévue en octobre 2017 à Sangmélima (humanités et arts numériques).
Il convient également de signaler que d’importants efforts infrastructurels ont été consentis par le Gouvernement de la République dans les 08 Universités d’Etat singulièrement dans les Universités de Bamenda, Buea, Maroua et Douala. C’est ainsi que :
- l’Université de Douala a bénéficié d’un nouveau campus moderne de 30.000 places à Logbessou ;
- l’Université de Maroua dispose déjà des locaux définitifs à Kongola Ndjoulgouf Kodeck;
- un immeuble académique R+3 a été construit à Sangmélima pour le compte de l’Université Inter-Etat Cameroun-Congo.
Les Universités d’Etat comptent à ce jour 83.513 places assises supplémentaires pour la rentrée universitaire 2017-2018.
En dépit des progrès remarquables réalisés dans d’autres domaines, je puis vous garantir que l’élargissement de l’offre de formation technologique et de l’offre infrastructurelle dans nos universités constitue l’innovation majeure de la nouvelle année universitaire.

Où en est-on avec la professionnalisation des enseignements, l’un de vos chevaux de bataille ?

Effectivement, la professionnalisation des enseignements dans tous les établissements d’enseignement supérieur demeure l’un des chevaux de bataille de mon action à la tête du Ministère de l’Enseignement Supérieur. L’option du Cameroun pour la professionnalisation de notre système d’enseignement supérieur est sans équivoque. Dois-je ici rappeler que notre pays a participé activement à toutes les phases du processus qui aura  conduit à la décision des Chefs d’Etat de 2005 à Libreville, de mettre en place un espace sous régionale de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle. La réforme du LMD en est la principale résultante et depuis, de nombreuses initiatives se sont succédées tant au niveau de la sous-région qu’au plan national, pour élaborer des stratégies de nature à mettre en place et booster la professionnalisation de nos formations. Cette professionnalisation peut être appréhendée sur trois volets.
Le premier volet concerne la modernisation et la professionnalisation des établissements facultaires classiques. Cette professionnalisation vise non seulement à créer des filières professionnelles dans ces établissements mais aussi et surtout à doter les étudiants de connaissances et de compétences de nature à leur permettre d’être leurs propres employeurs à travers les incubateurs et les juniors entreprises.
Le deuxième volet consiste à accélérer la délivrance de l’Habilitation à Dispenser des Enseignements Professionnels et Technologiques (HDPT) aux professionnels en vue de leur recrutement en qualité d’enseignant technologue dans les Universités d’Etat. Cette exigence a été réaffirmée lors de la session de la Commission de Coordination Universitaire (CCU) qui s’est tenue le 28 juillet 2017, à la Salle des Actes de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé.
Le troisième volet consiste à orienter 23% de nos étudiants vers l’enseignement technologique et professionnel qui débouche directement sur un métier ouvert sur l’emploi. Ceci se caractérise principalement par l’opérationnalisation de tous les établissements technologiques et professionnels créés depuis la réforme universitaire de 1993. Ces établissements sont repartis ainsi qu’il suit :

Université de Bamenda
- Faculty of Health Sciences (FHS)
- College of Technology (COT)
- Higher Institute of Commerce and Management (HICM)
- Higher Institute of Transport and Logistics (HITL)
- Higher Teacher Training College (HTTC)
- Higher Technical Tea...

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