« Le Renouveau s’est déployé dans des contextes hostiles »
- Par Issa Tchiroma Bakary
- 06 nov. 2017 15:48
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Pr. Manassé Aboya Endong, professeur titulaire de science politique à l’université de Douala.
Professeur, le Renouveau célèbre ses 35 ans au moment où se gère l’une des plus importantes crises ayant marqué son parcours, à savoir les agitations dans les régions du Nord-Ouest et du Sud- Ouest. L’idéal est-il malmené ?
Il est vrai qu’il est à la fois risqué et difficile de se prononcer sur un objet qui se construit, a fortiori lorsque l’actualité de cet objet d’étude est encore aussi brûlante que cette dénommée « agitation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud- Ouest ». C’est pour cela que l’analyste politique ne peut souhaiter qu’arriver après la fête, notamment lorsque les lampions sont éteints et les tréteaux retirés, pour reprendre une heureuse formule de Pierre Bourdieu. Mais cela ne devrait pas pour autant constituer un obstacle dans l’analyse qu’on peut faire du rapport entre l’idéal promu par le Renouveau et les évènements dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. En effet, on ne peut pas directement conclure que la crise dans les régions anglophones est un indicateur décisif, voire manifeste de l’échec d’un idéal : celui du Renouveau. C’est une explication mono-causale qui ne peut pas servir à comprendre toute la complexité du « problème anglophone ». Un idéal comme celui du « vivre ensemble » est une quête permanente, un défi de tous les jours. Par conséquent, un idéal ne saurait connaître un échec du simple fait qu’il connait des obstacles conjoncturels dans sa quête. Par ailleurs, les évènements dans les régions anglophones ne peuvent pas être considérés de manière caricaturale comme des arguments contribuant à démontrer l’échec du Renouveau, simplement parce que ces évènements sont en réalité causés par un enchevêtrement de facteurs combinant à la fois les revendications corporatistes, leur politisation, la manipulation, la désinformation, l’opportunisme et le repli identitaire.
Les velléités sécessionnistes ont également été dévoilées par d’autres groupes de manifestants. La préservation de l’intégrité de la Nation est-elle en danger ?
Si on interroge les conditions de conception et d’énonciation du Renouveau en tant que projet de société ou programme politique, on se rendra bien compte de l’existence d’une autre réalité. En effet, le Renouveau s’est la plupart du temps déployé dans des contextes hostiles tout au long de l’histoire politique du Cameroun. Le danger a donc toujours été permanent sous le Renouveau. Mais ce qui fascine face aux épreuves, c’est sa capacité à grandir, à s’ajuster et à s’enrichir des expériences difficiles qu’il connaît. Sous ce rapport, on ne peut pas sous-estimer les dangers qui peuvent avoir éprouvé le Renouveau. Mais on ne peut non plus les surestimer outre mesure de façon alarmiste, parce qu’en politique le danger est permanent. Aussi, les dangers qui guettent le Renouveau le demeureront-ils également. Par conséquent, il serait indiqué de rester vigilant et éveillé, plus que par le passé, parce que les types de menaces et de dangers se multiplient et se diversifient, à défaut de se complexifier.
Peut-on dire que ces manifestants mettent en évidence l’un des acquis du Renouveau à savoir la démocratie, avec son corollaire qu’est la liberté de manifester ?
C’est une hypothèse d’école. Mais, l’expression de la démocratie ne doit pas s’accompagner du déni des droits fondamentaux des autres citoyens ou du rejet de l’état de droit. En d’autres termes, il est légitime de jouir pleinement des libertés démocratiques, à condition que celles-ci n’entravent pas le droit à l’éducation des autres citoyens, surtout quand il s’agit de la formation de la jeunesse. On ne peut donc pas être prétendument pour la démocratie, en empêchant à la jeunesse de se former, en la forçant de rester à la maison ou en la contraignant à prendre part, malgré elle, à des revendications politiciennes. La tolérance, c’est à dire l’acceptation de la différence doit guider les actions des uns et des autres dans un contexte comme le nôtre, structuré par le règne de l’état de droit ou convoquant le respect intransigeant de l’ordre public.
Mais l’administration est accusée ces derniers jours d’empêcher la tenue des manifestations publiques, à travers des interdictions de celles-ci, sous le prétexte de « trouble à l’ordre public ». Au regard de l’actualité, ce motif vous paraît-il fondé ?
Ce motif est manifestement surréaliste, car sans le règne de la loi, expression de la majorité populaire, on vit dans la jungle. Or, c’est la loi qui encadre les manifestations publiques au Cameroun. En effet, la Loi n°90 /055 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et des manifestations publiques fixe les conditions pour organiser et tenir une manifestation publique. L’autorité administrative n’en est que le facilitateur...
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