« Les Britanniques sont en droit de dire que ce problème ne les concerne pas »

L'éclairage du Professeur Daniel Abwa, historien.

Monsieur Makweley Lysongo a demandé à la Grande-Bretagne de faire la déclaration selon laquelle l'union du British Southern Cameroons (BSC) et du Cameroun était illégale et invalide en 1961 et que le Cameroun n'a pas le droit de gouverner aujourd’hui le territoire de l'ancien BSC. Comment comprendre les raisons pour lesquelles la Haute cour de justice de la Grande-Bretagne s'est déclarée incompétente pour entendre cette demande ?

Le fait que la Grande-Bretagne se déclare incompétente doit s’expliquer par le fait que le Cameroun était un territoire sous tutelle des Nations unies. Ce n’était pas un territoire colonisé en tant que tel par la GrandeBretagne mais un territoire que les Nations unies avaient confié à la Grande-Bretagne pour l’administrer sous sa tutelle. Et c’est même pour cela qu’au moment de l’indépendance on demandait toujours aux Nations unies de lever sa tutelle. Pour ce qui est du British Southern Cameroons (BSC), la Grande-Bretagne comme puissance tutrice n’a pas trouvé de solution définitive au problème de l’indépendance de ce territoire parce que les Camerounais de cette région n’arrivaient pas à s’entendre sur le type d’indépendance qu’ils souhaitaient avoir. Il y en avait qui voulaient une indépendance en se joignant à la fédération du Nigeria, de même que d’autres voulaient une indépendance en se joignant au Cameroun sous administration française devenu indépendant le 1er janvier 1960. Certains ne voulaient ni de l’une, ni de l’autre option, mais c’était la grande minorité, car on disait qu’il y avait un problème entre le feu et l’eau et qu’on ne pouvait véritablement pas accepter cette fusion. La GrandeBretagne s’est donc vue obligée de se rapprocher de l’ONU pour trouver une solution au problème du BSC. Et l’ONU a donc organisé un premier plébiscite en 1959 pour le British Northern Cameroons (BNC) afin qu’il se prononce sur la question de savoir s’il veut se rattacher au Nigeria. La réponse du BNC était négative. Cette partie ne voulait pas se rattacher au Nigeria. Ceci a été interprété comme un signal par la Grande-Bretagne qui voulait en fait que les territoires du BSC et du BNC soient rattachés au Nigeria. C’est pour cette raison qu’il y a eu beaucoup de négociations qui ont poussé la Grande-Bretagne à se rapprocher à nouveau de l’ONU qui a jugé bon de résoudre le problème en organisant un autre référendum. L’autre rôle joué par les Britanniques c’est qu’au BNC, ils ont autorisé que des Nigérians soient inclus dans le corps électoral et qu’ils puissent voter. Alors qu’au BSC, ils n’ont pas autorisé que les Camerounais de souche administration française qui s’y trouvaient puissent aussi voter. Donc, si les Britanniques n’avaient pas joué ce jeu, tous les habitants du BSC et du BNC auraient voté pour se rattacher au Cameroun français. C’était la volonté de ces populations qui n’avaient jamais renié leur « camerounité ». D’ailleurs, au lendemain des résultats de ce référendum, le président Ahmadou Ahidjo avait protesté. Il a porté le problème aux Nations unies, affirmant que les résultats au BNC ne reflétaient pas la réalité. Des missions ont été envoyées partout dans le monde pour justifier la position du Cameroun indépendant qui ne voulait pas perdre une portion de son territoire. Quand les Nations unies ont fini par accepter les résultats tels qu’ils ont été proclamés, le Cameroun s’est mis en deuil. Il y a eu une déclaration de deuil national. Donc, les Britannique sont en droit de dire aujourd’hui que ce problème ne les concerne pas. Car c’est un problème des Nations unies.

L'absence d'un traité pour régir l'avenir des habitants de l'ancien British Southern Cameroons après la fin de la tutelle britannique est-elle, d’après vous, un argument solide pour pouvoir contester l'autorité qu’exerce actuellement l'Etat camerounais sur le territoire de l'ancien Cameroun britannique ?

Je crois que ce monsieur oublie que le BSC a obtenu son indépendance « le 30 septembre 1961 ». Ce jourlà en effet, le gouvernement britannique est venu remettre à Ahidjo le drapeau du BSC pour dire, notre tutelle est terminée et c’est vous qui prenez la relève. Donc, quand il dit qu’il manque un traité, ce n’est pas tout à fait juste car le plébiscite de février 1961 a consacré en réalité la fin de la tutelle britannique. Les Camerounais doivent savoir que les Britanniques n’ayant pas réussi à amener le BSC à voter pour se rattacher au Nigeria, ils ont alors interdit au BSC d’utiliser quelque moyen que ce soit qui lui appartienne dans sa nouvelle relation avec le Cameroun français. Vous pouvez constater qu’à la Conférence de Foumban, ce BSC n’était pas allé ...

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