"La fracture sociale est une pesanteur non négligeable"
- Par Azize MBOHOU
- 17 mai 2019 12:25
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Manassé Aboya Endong, professeur titulaire de science politique à l'université de Douala et directeur du Groupe de recherches sur le parlementarisme et démocratie en Afrique.
Professeur, cette 47e édition de la fête nationale est célébrée sous le signe de l’unité et de la diversité comme gage de l’émergence. Le Cameroun a-t-il mal à son unité ?
La posture la plus indiquée pour évaluer le chantier de l’unité nationale au Cameroun suggère fortement l’idée d’une quête permanente et dynamique. Sous ce rapport, il convient de préciser qu’au lendemain de l’accession du Cameroun à l’indépendance, le principal défi des autorités politiques était de construire l’unité nationale dans un contexte où, ici comme ailleurs, l’État a précédé la nation. Ce défi a conduit les dirigeants politiques de l’époque à mettre en place des politiques de développement autocentré, d’équilibre régional, etc. pour construire ce vivre ensemble. Il s’agit depuis lors de faire de la diversité camerounaise plus un atout, voire une spécificité, qu’un inconvénient. D’où l’affirmation assumée de la fierté de sa diversité culturelle, comme le décline le préambule de la Constitution. Cette diversité peut parfois être source de tensions, mais l’idéal du vivre ensemble ne se lasse guère de rythmer le cours de la vie politique camerounaise. Et c’est d’ailleurs autour de cette diversité culturelle que se construisent la spécificité et l’authenticité même du Cameroun. Le Cameroun n’a donc pas forcément mal, ni à son unité ni à sa diversité, mais travaille simplement, un peu plus âprement que par le passé, à trouver la formule adéquate pour consolider cette unité et cette diversité, en fonction des enjeux et du contexte historique.
Des menaces sérieuses au vivre ensemble ont été enregistrées ces derniers temps, avec notamment une poussée des messages de stigmatisation et de repli identitaire. Quelle thérapie pourrait-on y apporter?
Face à la montée de la stigmatisation et du repli identitaire, trois réponses au moins peuvent être mobilisées. Premièrement, il faut agir sur les représentations sociales qui conduisent à de telles dérives. L’éducation et la formation des masses doivent ainsi être mises à contribution pour déconstruire ces représentations préjudiciables au vivre ensemble. Pris dans ce sens, l’institution familiale, l’école, les médias et les réseaux sociaux, les partis politiques, les milieux religieux, les entrepreneurs culturels, etc. doivent prendre une part importante de responsabilité pour jouer ce rôle à fond en tant qu’instances, voire de vecteurs de socialisation au vivre ensemble. Dans cette perspective, il faut enseigner aux générations montantes que de nombreux patriotes sont allés jusqu’au sacrifice suprême, en donnant de leur vie, pour que la nation camerounaise reste debout. Ce travail sur la mémoire collective doit avoir pour but essentiel de susciter et de réveiller en beaucoup, l’amour pour la mère-patrie ou la sacralisation du patriotisme. Car la connaissance de l’histoire de la nation est l’un des meilleurs catalyseurs du patriotisme. Deuxièmement, il faut continuer à promouvoir cette justice sociale pour laquelle le président de la République s’est personnellement engagé à rendre effective. Mais cette justice sociale demeure tributaire de la production nationale, de la création des emplois, elles-mêmes conditionnées par la paix et la stabilité. Troisièmement, il serait intéressant dans le contexte camerounais actuel de re-instituer les substrats et les fondements de l’intégration nationale au Cameroun, qui ont fait leur preuve dans le passé, au besoin en les contextualisant, compte tenu de l’évolution de la société.
Dans une perspective parallèle, peut-on parler d’unité dans un environnement où persistent des inégalités sociales ?
La fracture sociale est manifestement une pesanteur non négligeable à l’unité nationale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, conscient de cette réalité, le président de la République, massivement plébiscité le 7 octobre 2018, a axé son projet de société sur la nécessaire promotion de la justice sociale. Cet idéal de justice sociale est une plus-value importante dans le chantier de l’unité nationale. C’est précisément en luttant de manière acharnée contre la pauvreté et l’exclusion sociale qu’on a de grandes chances de limiter cette fracture sociale, cause de bien de frustrations. Ceci passe naturellement par la création et la redistribution des richesses, la diversification de l’économie, la création des emplois et des opportunités d’épanouissement accessibles à tous. D’où la politique des grandes opportunités en cours d’implémentation actuellement au Cameroun.
Comment faire alors de la diversité camerounaise un ressort de l’émergence ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis toujours l’État du Cameroun a fait du pari de l’émergence, une perspective à concrétiser par et dans la diversité culturelle. Cette diversité est donc un ressort important de l’émergence, à partir du moment où elle repose prioritairement sur les atouts, les ressources naturelles et humaines de chaque aire géographique. Comme le pratiquent déjà les autorités politiques, il faut mettre à contribution tous les fi...
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