Théâtre : l’ombre de la colonisation

La pièce « Kamerun : Past, Present, Future », jouée en juin 2019 dans différents espaces culturels de Yaoundé, fait une surprenante marche arrière dans l’histoire.

Betty Tchako est bien décidée à réussir son spectacle. Elle a le texte, la salle, le public et… les comédiens. Non ? Pas de comédiens. Où sont-ils donc passés ? Le cœur de madame le metteur en scène palpite. La foule a faim de théâtre et s’impatiente. Fruits de ce stress qui l’envahit ou de son imagination sans limite, cinq personnages ouvrant les portes du passé apparaissent sur les planches. Ibrahim Mbombo Njoya (Jacobin Yarro), Martin Paul Samba (Evan Boris Lyonga Nhyomog), Jesko Von Puttkamer (Landry Nguetsa), Georg August Zenker (Fonjang Mekano Chia) et Maria Mandessi Bell (Massan à Biroko), parlant au nom de son fiancé Ngosso Din et de Douala Manga Bell. « Maria et ses compagnons ont un service très urgent à te demander », lancent-ils à Betty Tchako. Ils reviennent pour s’expliquer. Certains un peu plus que d’autres. Car pour Maria et ses compères, des comptes pendants ont besoin d’être réglés. Du sang d’autochtones de ce pays appelé alors Kamerun a été versé. Quelqu’un doit en répondre. Et ce sera Von Puttkamer, cet administrateur colonial allemand qui fut gouverneur du Kamerun.

Comme tribunal, la scène de l’Institut Goethe fera l’affaire. Pour le défendre, personne. Il le fait très bien lui-même. « Jesko ! Toujours Jesko ! Il n’a fait qu’obéir aux ordres du Reich 12 années durant », clame-t-il. Là où lui il voit des ordres, les autres voient des crimes, de la torture, de l’esclavage. « Arracher les terres des peuples et provoquer une ségrégation raciale en créant un Douala pour les Noirs, un Douala pour les Blancs… Soumission des chefs et des rois rebelles pour hisser le drapeau du Reich. L’administration coloniale allemande règne en seule maîtresse sur un territoire de plus de 700.000 mètres carrés et ne compte plus ses morts parmi la population camerounaise... », condamne Maria, partie dans un monologue. Le procès de Von Puttkamer et de tous ceux qu’ils représentent se poursuit devant une Betty Tchako médusée.

Les livres d’histoire disent beaucoup de choses, mais imaginons une seule minute que des personnages en sortent pour révéler les détails d’événements emportés dans la tombe... Betty Tchako a cette chance. Elle ne la saisit pas. Betty représente cette jeune génération d’Africains ignorant tout des mémoires du pays de ses parents. Venue pour la première fois au Cameroun à l’âge de cinq ans et pour la deuxième fois à l’âge adulte afin de monter ce spectacle, elle a tant de mal à saisir la portée d’une telle incursion dans le présent. « La femme moderne que je suis ne crois pas à toutes ces affabulations », dit-elle, face à ces spectres qui ne parviennent pas à lui faire entendre raison.

Un travail de fourmi

En mettant en scène &...

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