« Le documentaire est un miroir de la société »

Jean Marie Teno, réalisateur camerounais.

Quel bilan faites-vous de votre séjour à l’Institut français du Cameroun ?
J’ai remarqué une forme de déconnexion qu’ont les Camerounais avec leur environnement. On a beau leur montrer les choses qui les concernent, c’est comme si on était en train de leur parler de quelque chose de différent. Par exemple, quand j’ai échangé avec des jeunes à l’IFC de Douala, ils regardent des images de 1988 et autres et au lieu de réagir à ça, ils me demandent à moi de faire un bilan au lieu de faire la comparaison par eux-mêmes. Ils se considèrent juste comme des spectateurs, complètement déconnectés de leur vie, de ce qui les concerne. Les gens ne veulent pas prendre en main les transformations des choses qu’il y a autour d’eux, et c’est sur tous les plans. C’est vraiment le constat terrible que je fais.

Est-ce pour cela que vous avez choisi le documentaire comme forme prédominante de votre œuvre, pour essayer d’impacter la société ?
Le cinéma c’est regarder la vie, la représenter. Pour moi, c’était important de représenter cette vie dans toute sa complexité et sa diversité et le documentaire me paraissait l’un des modes permettant d’arriver à ce résultat. Quand on veut transformer une société, il faut lui montrer un miroir. On utilise le documentaire pour mettre en pleine face des gens ce qu’ils ne veulent pas regarder. C’est pourquoi le documentaire devient important, pour qu’ils se rendent compte qu’on n’est pas en train de parler de quelqu’un d’autre, on est en train de parler de leur vie, de leur dire de se prendre en main. Qu’ils ont une responsabilité, ils doivent faire preuve de citoyenneté. Le documentaire est vraiment primordial dans notre contexte actuel pour que les gens se regardent, se questionnent, prennent la parole, s’expriment. Et aussi, je pense que les médias ont une lourde responsabilité dans ce processus. Donc mes œuvres sont là, elles existent. Elles n’ont peut-être pas d’impact sur la société pour le moment mais comme ce sont des œuvres de patrimoine, un jour les gens vont les redécouvrir. 

En parlant de patrimoine, pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet axé sur cette question-là ?
Le projet s’appelle « Patrimoines et héritage ». Je l’ai lancé en 2017, donc il y a déjà eu trois épisodes, trois ateliers de trois mois. En 2017, cinq films ont été réalisés, six en 2018 et en 2021, cinq à six films. Ce sont des courts métrages souvent réalisés par des gens qui font des films pour la première fois. Chacun vient avec une idée sur le patrimoine matériel ou immatériel et...

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