Déclaration des naissances : un devoir moral et civique

« D’après les derniers chiffres, près de quatre millions de Camerounais ne disposeraient pas d’actes de naissance… » Dixit Georges Elanga Obam, le ministre de la Décentralisation et du Développement local dans les colonnes de CT du 12 avril 2022. En clair, il s’agit d’un grand nombre de personnes, enfants et adultes confondus, qui ne peuvent pas être reconnues comme Camerounais, parce que l’acte de naissance constitue la preuve la plus visible permettant d’établir l’existence juridique d’une personne. Ces quatre millions d’individus sont ainsi privés des droits les plus élémentaires, à l’instar du droit à l’identité (avoir un nom), du droit à la filiation, du droit de participer à la gestion des affaires de la cité. Ils ne peuvent pas non plus avoir accès à certains services sociaux de base. Comment en arrive-t-on à avoir des personnes qui n’ont pas d’identité et n’existent pas dans quelque fichier que ce soit ? Il s’agit des personnes qui, leur vie durant, ne verront pas leurs droits reconnus, à l’instar de celui de déclarer leurs propres enfants qui seront appelés à vivre dans les mêmes conditions. Forcément pas une mauvaise organisation du système d’était civil, mais beaucoup plus encore par une grosse négligence de la part des parents qui peinent à comprendre l’importance de cette pièce officielle, la première délivrée à un individu dès sa naissance.
Pourtant depuis le 6 mai 2011, avec la promulgation de la loi modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n°81/002 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques, et même bien avant, beaucoup d’actions ont été menées par les pouvoirs publics pour améliorer le système d’état civil au Cameroun. Il y a eu d’une part, la multiplication des centres secondaires d’état civil, dans le but de rapprocher le service public de l’utilisateur. D’autre part, il y a eu le rallongement des délais de déclaration des naissances. Celui-ci est passé de trente (30) jours à quatre-vingt-dix (90) jours, ceci dans le but de laisser plus de marges aux parents pour leur permettre de faire établir cette pièce indispensable dans la vie de leurs enfants notamment. Faut-il rappeler qu’à ce jour les actes d’état civil (acte de naissance, acte de mariage et acte de décès) sont établis gratuitement au Cameroun ?
Cette panoplie de mesures, n’a pourtant pas réussi à amener le maximum de parents à faire des déclarations de naissance. Si le phénomène n’a cessé de gagner de l’ampleur dans les zones rurales, les pesanteurs socio-culturelles aidant, en milieu urbain, il n’est pas moins prégnant. De nombreuses campagnes ont été menées, parfois avec l’appui des partenaires du Cameroun, des organisations non gouvernementales et autres acteurs impliqués dans la défense des droits de l’enfant. D’importantes ressources financières ont été investies. De nombreuses réformes ont été engagées. Au rang desquelles, la simplification des procédures. Ainsi, le processus d’enregistrement des naissances commence dès la formation sanitaire où naît l’enfant. Bien plus, depuis peu, des centres d’état civil pilotes ont été créés dans deux formations sanitaires de la ville de Yaoundé à l’effet d’éviter aux parents les démarches à entreprendre, une fois partis de ces lieux.
C’est fort de cette inertie persistante que le gouvernement a décidé de l’organisation dans les jours à venir, d’une campagne de délivrance massive d’actes de naissance sur l’ensemble du territoire national. Parfois connue sous l’appellation d’audience foraine, cette opération ouverte à toutes les tranches d’âge qui n’ont pas encore pu se faire établir ce document, se présente comme une occasion idoine pour remédier définitivement à la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses personnes. Cela devrait éviter les chemins de la « facilité » que l’on est souvent tenté d’emprunter lorsque survient le moment de faire inscrire un enfant pour la première fois dans une école, ou plus grave, lorsqu’il est question de la préparation de son dossier d’examen pour le Certificat d’études primaires (CEP) ou alors le First School Living Certificate. Personne dans ce cas n’ose emprunter la difficile voie de la justice comme le voudraient les usages en pareille circonstance, pour demander une réquisition du procureur de la République pour un enregistrement de la naissance, ou alors le jugement rendu par le tribunal compétent. Pour les parents, la solution est vite trouvée : les chemins sinueux du faux, avec tous les risques connus ou non. Il faut tout de même noter que contrairement à l’idée répandue, il n’y a pas que les enfants qui souffrent de ce phénomène.  Des cas où des adultes se retrouvent coincés dans des transactions financières parce que dépourvus d’acte de naissance et donc de carte nationale d’identité serait légion. De nombreux autres adultes à travers le territoire national font face au problème du non enregistrement dans un registre d’état civil. Conséquence, ils ne peuvent pas avoir de carte nationale d’identité et ne peuvent du reste pas prouver leur camerounité.
Des interrogations demeurent. Notamment sur ce qui est fait pour faire comprendre au...

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