« La décennie 2012-2022 légitime les institutions mises en place »

Pr. Manassé Aboya Endong, professeur titulaire de science politique, directeur exécutif du Groupe de recherches sur le parlementarisme et la démocratie en Afrique (GREPDA)

En termes de mise en place des institutions de l'État du Cameroun, en quoi la décennie 2012-2022 est-elle importante ?
La décennie 2012-2022 est non seulement importante mais fondamentale, parce qu’elle correspond à la période de légitimation politique de ces institutions mises en place au Cameroun dans la  Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. En effet, la légitimation politique, autrement appelée le processus de développement de la légitimité, est l’adoption d’un ensemble d’attitudes positives à l’endroit des institutions démocratiques. Autrement dit, il y a légitimité lorsque s’est répandue, chez les citoyens, la croyance que les institutions démocratiques sont supérieures, nonobstant leurs limites et leurs défaillances, à toutes celles qui pourraient les remplacer. Mieux, la légitimité démocratique repose sur la croyance que, pour un pays donné, à une époque donnée, aucun autre type de régime ne saurait mieux assurer la poursuite et la réalisation des fins collectives. Et quand on sait que les différentes institutions mises en place au Cameroun ont unanimement émergé des débats très courus et animés par les forces politiques et la société civile durant la Tripartite de 1991, avant leur constitutionnalisation effective en 1996, on peut comprendre l’importance de cette légitimation durant la décennie 2012-2022. 
Qu'est-ce que ces nouvelles institutions ont apporté de plus au fonctionnement de l'État ?
Ces nouvelles institutions, en l’occurrence le Sénat, les régions ou le Conseil constitutionnel, ont élargi le champ de participation citoyenne et l’ancrage de l’Etat de droit. Désormais, les conditions sont propices pour permettre aux citoyens d’acquérir la compétence civique susceptible de compléter l’ancrage définitif de la démocratie au Cameroun. En effet, être un véritable citoyen, agir comme tel, participer à la vie publique, discuter puis choisir de façon avisée et constructive n’est pas une disposition innée. Il y a un apprentissage à faire pour atteindre une bonne compétence civique, c’est-à-dire une compréhension adéquate des rouages institutionnels de la vie politique, une connaissance suffisante des grands problèmes auxquels l’humanité fait face et une habileté à saisir la complexité du réel avec toutes ses liaisons et ses interactions, ses phénomènes multidimensionnels et ses implications. La compétence civique, c’est l’oxygène de la démocratie. C’est d’ailleurs sur la compétence civique que repose l’exercice éclairé de la souveraineté populaire. C’est cette compétence civique qui manque au Cameroun pour compléter l’efficacité des institutions mises en place dans la décennie 2012-2022.
Une opinion estime que certaines de ces institutions sont inutiles et n'auraient pas un réel impact. Au regard de cela, est-il nécessaire et opportun de revoir une fois de plus l'architecture institutionnelle de l'État du Cameroun ?
Bien évidemment, les institutions politiques nécessitent un minimum de temps d’observation pour être éprouvées ou pour être évaluées dans leur fonctionnement optimal. En effet, la démocratie est un processus long et un apprentissage permanent, voire progressif. Elle se construit patiemment, dans la pédagogie, la tolérance mutuelle et le dialogue. Si l’on prend ces préalables en considération, ...

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