Intégration régionale et courses aux avantages

Les institutions régionales africaines font-elles assez pour atteindre les objectifs pour lesquels elles ont été créées ? Rien n’est moins sûr, au regard de certaines mentalités affichées par leurs membres. Par exemple, l’on a appris avec stupéfaction, le 8 août 2022, que le Nigeria menacerait de se retirer de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), à la suite d’allégations selon lesquelles ses citoyens subissent un traitement discriminatoire dans le cadre des recrutements et des promotions au sein de cette organisation regroupant 14 pays-membres. Dans la foulée, d’autres pays ont pointé le népotisme, accusant certains dirigeants des institutions communautaires de sélectionner prioritairement leurs proches pour pourvoir aux postes de travail disponibles. Afin de démêler le vrai du faux, le président du Parlement de la Cedeao a ordonné, à en croire notre confrère Chris Ewokor, correspondant de la BBC à Abuja, la suspension des recrutements en attendant qu’un Comité ad hoc mis sur pied vérifie si les plaintes des uns et des autres sont justifiées ou non. Avant la Cedeao, c’est la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) qui défraie la chronique à cause également d’une histoire de recrutement. Ici, des échanges épistolaires au ton parfois peu diplomatique se sont retrouvés sur les réseaux sociaux, ternissant au passage dans l’opinion l’image d’un Institut d’émission qu’on croyait au-dessus des considérations d’un autre temps. La lettre-circulaire du gouverneur de la Beac, Abbas Mahamat Tolli, portant admissibilité aux épreuves orales et aux tests psychotechniques relatifs au concours de recrutement des agents d’encadrement supérieur de cette Banque, publiée sur son site web le 29 juillet dernier, a poussé le 1er août suivant Hervé Ndoba à sortir de ses gonds. Dans une correspondance, le président du Comité ministériel de l’Union monétaire d’Afrique centrale (Umac), par ailleurs président du Conseil d’administration de la Beac, fait observer que « la publication des premiers résultats de ce concours fait apparaître des situations et exemples dont il est certain, pour le moins, qu’ils portent indubitablement et gravement préjudice à l’image de la Banque ». En sa qualité de président de deux des structures constituant les organes décisionnels de la Beac, Hervé Ndoba instruit au gouverneur de la Beac de « surseoir, de manière immédiate, à ce processus de recrutement ». Il enjoint aussi le gouverneur de convoquer des sessions extraordinaires de ces deux instances pour une évaluation approfondie de la situation. 
Ne l’entendant pas de cette oreille, le gouverneur de la Beac, répondant dans une lettre le lendemain, regrette que les allégations du président des deux structures susmentionnées sur les irrégularités n’aient été soutenues d’aucune illustration concrète qui lui aurait permis d’apporter des explications appropriées. Enfin, Abbas Mahamat Tolli indique qu’« aucun organe ne saurait s’immiscer dans les attributions du gouvernement de la Beac… sans causer d’entorse aux principes de subsidiarité et de gouvernance, ainsi qu’au sacro-saint principe de l’indépendance de la Banque ». Avant ce feuilleton de la Beac qui est loin d’avoir écrit son dernier épisode, la désignation du Camerounais Dieudonné Evou Mekou comme nouveau président de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale, par la Conférence des chefs d’Etat de la Cemac suivant une décision signée le 14 avril 2022, n’a pas été bien accueillie par les autorités de N’Djamena. Celles-ci ont protesté et revendiqué le poste. Motif invoqué : le principe de rotation institué en 2010 n’a pas été respecté. Or, les autorités sous-régionales, s’appuyant sur ce même principe, considèrent que le Tchad a déjà passé son tour en 2015.
 A l’analyse, tous ces conflits ont un seul dénominateur commun : une certaine fixation sur les avantages que procurent les postes au niveau des organisations internationales africaines où les grilles salariales sont largement plus rémunératrices que ce qui est pratiqué à l’échelle des Etats, sans compter les nombreux autres avantages non salariaux. C’est ce qui alimente ici et là les chaudes empoignades qui font les choux gras de la presse. Quand il s’agit de démultiplier les efforts pour réaliser le rêve d’intégration, on voit peu de responsables africains se battre avec autant de fougue et d’énergie. C’est ainsi que, malgré ses 20 ans d’existence, l’Union africaine (UA) continue elle aussi d’être perçue par la majorité des Africains comme inefficace et peu crédible, même si quelques progrès indéniables ont été enregistrés dans le cadre des communautés économiques régionales. La prolifération d’organes dont les Africains seraient bien incapables de définir les fonctions et l’utilité tels le Parlement panafricain et ses quelques 200 députés issus des Parlements nationaux, miné par les conflits internes et les accusations de gabegie ; le Conseil économique, social et culturel ; la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, etc, ne rassure guère non plus pour l’avenir. Il y a de nombreuses autres « coquill...

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