Interview : « une étape majeure dans la mise en œuvre de l’accord de paix »

Dr. Serge Christian Alima Zoa, internationaliste, Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université de Yaoundé II-Soa.

Une étape dans la mise en œuvre de l’accord de paix de 2018 au Soudan du Sud a été franchie le 30 août dernier avec la fin de formation de près de 22 000 soldats des Forces unifiées. Quel commentaire vous inspire ce développement ?
Le processus de paix et de reconstruction entre les parties en conflit au Soudan du Sud, subit de nombreux soubresauts depuis la signature en Ethiopie en 2018 de l’accord de paix revitalisé (R-ARCSS), issu des négociations menées sous la médiation du gouvernement soudanais avec un mandat de l’Autorité intergouvernementale de développement (IGAD), pour mettre à travers un certain nombre de perspectives,  un terme à cinq ans d’une guerre civile d’une rare atrocité qui a fait près de 400 000 morts et quatre millions de déplacés. La fin de formation du 30 août 2022 dernier, initialement prévue, selon l’accord de paix en 2019, a été essentiellement faite dans la ville de Yei près de la frontière ougandaise.

Elle a été composée pour un premier contingent de 21 973 combattants des forces loyales au président Salva Kiir, de l’ethnie majoritaire Dinka et au vice-président Riek Machar, d’ethnie Neuer, mais aussi du mouvement de l’Alliance de l’opposition du Soudan du Sud (SSOA), devant conduire hic et nunc à un commandement unifié des forces pour rejoindre les rangs de l’armée, de la police et d’autres corps de la sécurité nationale. Il s’agit donc là d’une étape majeure dans la mise en œuvre de cet accord de paix de 2018. En effet, au regard de la liturgie de conflictualité prégnante dans le landerneau politique sud soudanais, la réforme du secteur de la sécurité, notamment le remplacement de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), est une modalité essentielle. Ce malgré les retards et dysfonctionnements observés, comme entre autres les atermoiements sur la répartition des postes au sein du commandement de ces forces ou encore le fait des groupes armés de rester à l’extérieur de leurs camps de cantonnement dans des conditions de vie difficiles empreintes de pénuries alimentaires.

Toutes ces contrariétés suscitent évidemment de l’impatience pour plusieurs observateurs qui n’hésitent plus à interpeller les dirigeants de Juba à sortir de l’impasse de la récurrence des violences politico ethniques, sous fond de difficultés économiques et de crises humanitaires, depuis l’indépendance de la République du Soudan du Sud en 2011.  

Quelles sont les chances pour que le processus en cours tienne jusqu’à son terme pour un retour définitif à la paix ?
Les chances pour que le processus en cours au Soudan du Sud tienne jusqu’à son terme pour un retour définitif à la paix ne sont pas nombreuses à énumérer puisque le plus jeune Etat du monde est toujours en proie au chaos. Selon les multiples rapports de la mission de l’ONU dans le pays (MINUSS) et du Bureau des droits de l’Homme de l’ONU, des milliers de civils, seulement ces deux dernières années, ont été tués dans la région de Tambura (sud-ouest) lors des combats entre factions pro Riek Machar et l’armée loyale à Salva Kiir et plus de 2 millions de Sud Soudanais ont fui le pays constituant « la plus grande crise de réfugiés en Afrique », selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Les inquiétudes inhérentes aux retards dans l’application de l’accord de 2018 ont par ailleurs redoublé avec l’annonce le 04 août 2022 dernier par le gouvernement d’union nationale (mis en place en février 2020) à travers la voix de son ministre Martin Ellia Lomuro, qu’il prolongeait de deux ans son mandat qui devait s’achever par des élections en février 2023. Dans une lettre adressée au président Salva Kiir, les représentants des Etats unis, du Royaume uni et de la Norvège, la « troïka » qui a parrainé l’indépendance du pays en 2011, ont déploré que toutes les parties en l’occurrence la société civile, les groupes religieux, acteurs économiques, groupes de femmes, représentants de la jeunesse, personnes éminentes et partenaires internationaux n’aient pas été consultées avant que le R-ARCSS (l’accord de paix de 2018) soit amendé pour l’organisation des élections plutôt en décembre 2024.

Il est à souligné ici que présentée comme un conflit ethnique, la guerre civile au Soudan du Sud est davantage une lutte de pouvoir, instrumentalisée sur des ...

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