Le député face à ses attaches institutionnelles : les groupes parlementaires

Les « Groupes parlementaires » occupent une place de choix dans le fonctionnement des Assemblées parlementaires.

Les « Groupes parlementaires » occupent une place de choix dans le fonctionnement des Assemblées parlementaires. Le constat de cette importance est fort ancien ; il y a près d’un siècle, Joseph-Barthélémy notait que « les groupes constituent le véritable système nerveux du Parlement : [ils en sont] à la fois le cerveau et le nerf moteur ». Ils sont désormais reconnus par la Constitution et leur statut juridique s’est étoffé avec la révision du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale (RIAN) de 2014. Bien que peu nombreux aujourd’hui, il n’en demeure pas moins vrai que la création d’un Groupe est considéré comme le viatique pour disposer de droits et peser sur le cours de la vie parlementaire. Cette réflexion connait une double limitation, en ce qu’elle ne s’attarde que sur une seule attache institutionnelle, le prolongement des partis politiques à l’Assemblée (les groupes parlementaires), et ne se concentre uniquement que sur le député. Celui- ci se trouve enserré dans un réseau relationnel complexe et soumis à plusieurs sollicitations qui s’analysent en autant de pressions destinées à influencer son point de vue, ou à orienter son vote.
Le problème qui se pose alors est celui de la force de ces pressions. Il importe de savoir, quelle est l’impulsion dominante qui anime le parlementaire dans l’accomplissement de ses responsabilités.
Les altérations et le degré de déviance du mandat représentatif sont des faits constants en droit parlementaires. Pourtant, le poids des partis politiques dans les assemblées n’a pas toujours eu l’importance qu’il revêt aujourd’hui. Parce qu’il apporte lors des élections un appui considérable et décisif à ses candidats, le parti a tendance à considérer les mandats de ces derniers comme son patrimoine propre. Au sein des Assemblées, les rapports entre les partis politiques et les députés ont acquis une dimension spécifique avec l’existence des groupes politiques qui constituent le prolongement des partis politiques sur le plan parlementaire. Le travail parlementaire est d’ailleurs agencé aujourd’hui en fonction de l’appartenance des députés à un groupe parlementaire.
Les groupes politiques qui réunissent les députés par affinités politiques, sont une réalité souvent mal connue mais qui tient une place considérable dans la vie des députés. Aujourd’hui, leur rôle politico - technique est indéniable et marque profondément de leur empreinte la vie des assemblées.  
I - Les groupes parlementaires, expression des partis politiques à l’Assemblée Nationale
Contrairement aux partis politiques constitués sous forme d’une association de droit privé, « le Groupe parlementaire » est un organisme de pur fait, doté de compétence dans le fonctionnement des assemblées, mais dépourvu de toute capacité juridique hors du cadre de celles-ci. Il ne peut être assimilé à des associations au sens juridique de la loi de n°90/056 du 19 décembre 1990 sur les partis politiques puisqu’ils sont des fragments de l’un des pouvoirs publics. Il n’est donc pas aisé d’en proposer une définition.
A- La difficile clarification conceptuelle des Groupes parlementaires
Il est de tradition d’assimiler les Groupes parlementaires comme étant la représentation du parti politique sur le plan parlementaire. Ni la constitution, ni le règlement n’en donnent des clarifications précises. La doctrine est hésitante entre une définition formaliste qui accorde de l’importance aux conditions de formation des groupes en tant qu’éléments constitutifs de ceux-ci, et une définition qui met en évidence la liaison entre groupe et parti politique. Selon le Littré, un groupe est « un certain nombre de personne réunis ». Le même dictionnaire fait observer que le mot « Groupe » peut être également entendu comme un terme « de fouriérisme » qui signifie « une réunion d’individus attirés les uns vers les autres par une des quatre passions affectives ».
Cette définition a l’avantage de souligner le fait qu’à la base de tout groupe parlementaire, il existe certaines affinités communes. D’après le lexique des termes juridiques, un groupe parlementaire est « une formation interne d’une assemblée parlementaire réunissant des membres de celle-ci d’après leurs affinités politiques ».
La définition qui semble complète est celle proposée par Jean WALINE : le Groupe parlementaire « est la réunion, au sein d’une assemblée parlementaire et selon les règles établies par le règlement de celle-ci, d’un certain nombre d’élus [au moins quinze] qui, ayant en commun un certain idéal politique, envisage de donner des solutions très voisines aux différents problèmes politiques du moment »
De l’examen approfondi de cette définition, deux principaux constats se dégagent :
1-    Le respect des prescriptions édictées par le règlement en vue de la constitution d’un groupe parlementaire.
 Dans cette première hypothèse, il ne peut y avoir groupe parlementaire que lorsqu’une réunion des parlementaires obéit aux dispositions posées par le règlement. Ces dispositions sont au nombre de trois : la déclaration de politique, la liste des membres et l’effectif minimum exigé (il est de quinze au Cameroun)
Il en est ainsi du droit parlementaire camerounais ; il n’y a groupe que lorsque la réunion des députés de même opinion prend un caractère organique et est officiellement reconnue par le règlement de l’Assemblée Nationale.
2-    Un élément d’ordre psychologique retenant les affinités communes qui amènent les élus à se regrouper par opinion.
Cette deuxième condition fait appel à la déclaration publique, tenant lieu de programme d’action politique. Il s’agit là d’une condition facile à remplir à cause du caractère généralement très vague des développements auxquels il est possible d’attribuer le titre de programme d’action politique.
La question fondamentale qui se pose ici est celle de savoir si la constitution des groupes est assise uniquement aujourd’hui sur la seule initiative des députés, pris en tant qu’individus rapprochés par certaines options, ou si elle ne tire pas origine d’un élément plus contraignant résultant de l’existence préalable d’un parti organisé au plan national. Dans cette perspective, le groupe ne représente rien d’autre que la formule parlementaire de l’organisation des partis politiques.
Mais, en affinant la réflexion, à la question de savoir ce qu’est un « paliamentary party group », selon la terminologie anglo-saxon, Knut Heidar et Ruud Koole pensent tout d’abord qu’il s’agit d’un « groupe organisé de membres du Parlement qui appartiennent à la même organisation politique extraparlementaire ». Ils n’apportent pas d’innovation majeure ; toutefois, ils s’interrogent ensuite : une reconnaissance officielle est-elle nécessaire à l’existence d’un groupe parlementaire ? Des élus n’appartenant pas à un même parti politique peuvent-ils former un groupe parlementaire ? Ou encore un groupe parlementaire peut-il exister en l’absence d’organisation politique extraparlementaire lui correspondant ? Des nouveaux éléments sont par conséquent introduits, d’ordre juridiques pour certains, et politiques pour d’autres.
Là se trouve incontestablement l’enjeu. Les groupes parlementaires sont à la fois la combinaison des règles de droit et des pratiques politiques, de l’organisation institutionnelle et du système de partis. Ils sont un objet d’étude pour le droit politique qui a recours à de nombreuses autres sources que le seul contenu des textes et éventuellement de la jurisprudence. De ce point de vue, l’analyse des groupes est significative mais il s’agit là d’un champ d’étude très largement inexploré. Car si la reconnaissance collective est ce qui fait le droit, la norme, prise en elle-même, importera moins pour le droit politique que la façon dont elle est admise ou récusée, comprise, décrite par les organes politiques et les sujets de l’Etat.
B- Le groupe parlementaire, prolongement des partis politiques à l’Assemblée Nationale
La conception de « Groupe », sous l’angle d’un  prolongement des partis politiques à l’Assemblée, ou formule parlementaire de l’organisation des partis politiques, rend le mieux compte, de la nature du Groupe parlementaire, de sa fonction qui est justement de prolonger sur le plan parlementaire, l’existence et l’action des partis politiques et des tendances organisées de l’opinion.
Deux auteurs expriment parfaitement la relation entre parti politique et députés dans le cadre des assemblées parlementaires. Pour George BURDEAU, les groupes « sont formés par la réunion des parlementaires professant les mêmes opinions politiques, de telle sorte qu’ils constituent approximativement la représentation des partis sur le plan parlementaire ». Dans le même sens, André HAURIOU souligne quant à lui que « les partis et groupements politiques trouvent leur aboutissement dans les groupes parlementaires qui rassemblent, à une et l’autre assemblée, les élus d’une même obédience politique ».
Dans l’un et l’autre cas, même dans l’hypothèse où ce prolongement s’effectue au prix d’une certaine déformation, d’un certain affaiblissement des tensions originelles, il n’en demeure pas moins un élément caractéristique du groupe. Il n’y a en fait aucune consistance, ni rôle et influence du groupe, en dehors du parti politique. Le groupe ne nait pas uniquement de l’action interne dans les assemblées, ou du rassemblement naturel d’hommes aux opinions similaires, mais, il prend également et surtout sa source dans sa vie politique extra parlementaire comme moyen d’exprimer au Parlement les exigences du corps social. Ce sont des marqueurs d’identité politique.
Ce rôle de transmission et de transformation d’une impulsion politique, tenant souvent lieu de programme politique, en acte parlementaire constitue la mission fondamentale du groupe. C’est pourquoi il semble ardu et laborieux de réduire ou de limiter la définition de groupe au simple énoncé de ses trois formalités constitutives ; ces formalités n’éclairent pas la signification de ce concept, elles permettent simplement d’en constater l’existence. Il importe donc d’intégrer la liaison entre parti et groupe dans la définition du groupe parlementaire. Cette liaison est du reste consacrée dans le droit parlementaire camerounais.
La reconnaissance officielle des groupes parlementaires est avant tout fonction de la montée et du couronnement des partis politiques à l’Assemblée Nationale, notamment avec la règle fixant à quinze députés le nombre minimal pour la constitution d’un groupe.
II- La constitution et la fonction des groupes parlementaires
Les conditions de formation des groupes parlementaires sont relativement simples. Le règlement de l’Assemblée Nationale précise les modalités de constitutions qui sont au nombre de trois.
A-    Les conditions de formation des groupes parlementaires en droit camerounais
L’organisation en « Groupe parlementaire » est introduite au Cameroun par le Règlement de l’Assemblée Législative du Cameroun. L’article 6 du Chapitre IV de ce Règlement, consacré au « Groupe » dispose que « les députés peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques ». Dans ce sens, les groupes ne sont pas des organisations autonomes, secrétés par la vie parlementaire ; ils se situent généralement dans un ensemble plus vaste dont ils ne constituent qu’un rouage : le parti politique. Une bonne compréhension des « groupes parlementaires » nécessite que l’on est présent à l’esprit ce lien qui existe toujours entre « le groupe parlementaire » et le parti politique. La participation du député aux différents aspects du travail parlementaire passe en effet très largement par le groupe politique auquel il appartient.
Ces groupes sont constitués au début de la première session d’une nouvelle législature et chaque année au début de la session ordinaire du mois de mars.
Les formalités présidant à leur constitution sont au nombre de trois : une déclaration de politique commune, une liste de membres, et l’exigence d’un effectif minimum.  
1-La déclaration de politique commune et la liste des membres
En ce qui concerne les conditions de formation d’un groupe, les deux premières, à savoir la déclaration politique et la liste des membres, paraissent étroitement liées. L’article 20, alinéa 3 de la loi n°2014/016 du 9 décembre 2014 portant Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale dispose que « les groupes sont constitués après remise au doyen d’âge ou au Président de l’Assemblée Nationale d’une liste de leurs membres et des députés apparentés accompagnée d’une déclaration publique, commune à tous les membres, signée par eux et tenant lieu de programme d’action politique ».
Cette « déclaration publique, tenant lieu de programme d’action politique » qui matérialise la communauté de pensée existant entre les membres d’un groupe, est considérée en doctrine comme « l’acte de naissance légitime du groupe ». Elle est d’une importance et d’une utilité pratique parce que de nos jours dans les assemblées, la prolifération du nombre important des non-inscrits a pour conséquence la transformation de cette chambre non plus en assemblée politique, mais en une vaque d’assemblée purement consultative. Le caractère politique des Assemblées exige que les positions politiques soient prises par des groupes parlementaires. D’où la mise en évidence de la relation entre l’existence de groupe suffisamment structurés et le bon fonctionnement des assemblées ; ce qui fait de l’existence des groupes un critère du caractère politique des assemblées représentatives.
La déclaration publique, tenant lieu de programme d’action politique tire donc toute son importance dans la mesure où elle contribue à assurer au groupe l’homogénéité nécessaire, et s’impose comme une garantie de la bonne structuration des Assemblées.
Mais l’on peut pousser la réflexion et se demander si l’exigence d’une déclaration est suffisante tant qu’aucun contrôle du contenu de cette déclaration n’est exigé. De toute évidence, celle-ci devrait être conforme aux dispositions de l’article 3 de la Constitution.
« L’union pour le changement », rassemblement de quatre partis politiques (SDF, PCRN, UDC, UMS) siégeant à l’Assemblée Nationale, peut-elle s’en prévaloir pour légitimer et légaliser la création d’un groupe parlementaire ?
La réponse semble négative.
En effet, l’exigence d’un effectif minimum de quinze députés en vue de la constitution d’un groupe parlementaire s’impose comme un obstacle supplémentaire opposé au particularisme des élus. Certes la formation de groupes hétérogènes, inévitable dès-lors que l’effectif requis semble élevé, n’est guère conforme à l’esprit des institutions qui voudrait que seuls quinze députés ayant des affinités communes puissent se constituer en groupe. C’est au prix de cette entorse à la logique qu’est recherchée la meilleure organisation du travail parlementaire et une plus grande stabilité des assemblées.
D’autre part, l’article 20 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale dispose en son alinéa 1 que « les députés peuvent s’organiser en Groupes par partis politiques. Aucun Groupe ne peut comprendre moins de quinze membres, non compris les députés apparentés ». Interprétant cette disposition, Pierre Flambeau NGAYAP fait observer que, parce que « les groupes doivent être constitués par les partis politiques », cette précision (et je partage l’idée) interdit donc, en principe, que deux partis ayant des affinités politiques et ayant le nombre de membres pour constituer chacun un groupe, puissent former un groupe commun.
Dans ce prolongement, la loi accorde deux possibilités aux députés qui sont membres d’un parti politique ne disposant pas le nombre de membres requis pour constituer un groupe parlementaire. Ils peuvent s’apparenter ou se rattacher au groupe de leur choix, ils sont appelés « apparentés » ou « rattachés » ; ils peuvent aussi choisir de ne s’inscrire dans aucun groupe : le jargon parlementaire les désigne par les termes de « non apparentés » ou « non-inscrits ». A...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie