Emergence : faire de Kribi une locomotive

Le Cameroun ambitionne de devenir, à l’horizon 2035, un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. C’est un défi gigantesque. Le Produit intérieur brut (Pib) réel devra croître d'environ 8 % par an, ce qui nécessitera une augmentation du taux d'investissement d'environ 22 % du Pib à 30% et une croissance de la productivité de 2% par an. Pour réaliser ce rêve, le pays s’est doté d’une Vision dont la mise en œuvre s’étale sur trois phases indicatives. La première a été celle du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi, exécuté de 2009 à 2019, avec des résultats mitigés pour dire le moins. Après une pause d’environ un an, le train de la deuxième étape de la Vision a été lancé le 16 novembre 2020. Cet acte 2 qui est la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (Snd-30) veut procéder, entre autres, à la transformation structurelle de l’économie pour une croissance forte et une prospérité partagée. Le pilier central de cette seconde phase qui est la transformation structurelle de l’économie a pour objectif le changement de la structure productive pour la hisser à un niveau de productivité et de compétitivité avancé. Autrement dit, il faut multiplier les sources de la croissance. Le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales suggère que ce processus se fasse par au moins deux axes : l’augmentation de la part du secteur manufacturier et des services à forte valeur ajoutée dans le Pib et la baisse de la part de l’emploi agricole dans sa forme traditionnelle actuelle ainsi que le transfert des travailleurs du « tertiaire futile » vers les activités de transformation et de services plus productifs. Cette transformation pourrait être portée par deux vecteurs. Une diversification horizontale de la production pour optimiser les marges existantes sur les matières premières traditionnelles et l’élargissement de la gamme des produits exportés. Puis, une diversification verticale pour assurer le passage du secteur primaire au secondaire, afin de transformer localement les produits et ne plus les exporter à l’état brut, mais seulement après leur transformation en produits semi-finis ou finis pour créer sur place de la valeur ajoutée et des emplois. C’est justement à cette phase de la transformation structurelle de l’économie camerounaise qu’il faut maximiser tous les effets positifs attendus de la mise en œuvre du Complexe industrialo-portuaire de Kribi, tel que prévus par son schéma directeur d’aménagement général. L’enjeu étant de faire de ce projet structurant l’une des locomotives devant tirer l’économie camerounaise vers le haut. Car faut-il le souligner, il est temps d’identifier quelques véhicules de traction compte tenu de leur capacité à générer des effets multiplicateurs. Vouloir tout faire en même temps est contreproductif parce que « qui trop embrasse mal étreint ».                                                                                                                           
Dans cette optique, il faudra achever au premier trimestre 2024, comme l’a récemment instruit le ministre des Transports, les travaux d’extension du Port en eau profonde de Kribi pour que celui-ci devienne un hub de référence dans le golfe de Guinée. « A l’horizon 2040, il est prévu le développement d’une infrastructure portuaire comprenant 20 terminaux sur 6.5 km de linéaire de quai capables de traiter 100 millions de tonnes de marchandises par an », lit-on sur le site internet du Port autonome de Kribi (Pak). Il est donc question d’aller au-delà de ce qui est fait au niveau du terminal polyvalent, car depuis le lancement en mars 2018, des activités opérationnelles, le port « sert déjà de levier pour l’exportation des matières premières locales telles que le cacao, le café, le bétail, le coton, le bois, etc. d’une part, et, d’autre part, à l’importation des produits permettant de développer le tissu industriel du pays ». L’extension du port lui fera jouer une double fonction, comme l’explique Esther Boupda dans sa contribution à l’ouvrage intitulé « Moderniser les ports ouest-africains », Collection « Afrique Atlantique », 2018. Le Pak devra alors fonctionner comme « un nœud technique dans un réseau, mais aussi (comme) un cluster, c’est-à-dire un foyer de concentration d’entreprises dont la proximité crée des synergies, des économies d’échelle, les conditions de l’émergence d’innovations ». C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire la visite au Pak, le 8 août 2022, d’un groupe d’entrepreneurs nigérians venus nouer des relations de partenariat avec la plateforme en vue d’implanter des entreprises dans sa zone industrialo-portuaire. Ces investisseurs veulent notamment mettre sur pied des entreprises spécialisées dans le secteur agro-industriel, au regard de la position géographique stratégique de l’ouvrage, proche du Nigeria (première économie du continent africain) et ouverte sur l’Océan atlantique non seulement pour le Cameroun et deux pays voisins dépourvus de littoral (Tchad et RCA), mais aussi pour le Nord de la Guinée équatoriale, du Gabon, du Congo et de la RDC. La région du Sud-Cameroun, parmi d’autres, b...

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