Le président de la République Paul Biya totalise ce 6 novembre, quatre décennies à la magistrature suprême. Evocation d’un parcours exceptionnel.
Ce dimanche, cela fera donc 40 années que Paul Biya est le président de la République du Cameroun. Un fait rare en cette planète, où bon nombre de chefs d’Etat passent des séjours de plus en plus éphémères à la tête de leurs pays, soit du fait des règles d’alternance en vigueur, soit du fait de la sanction du peuple aux urnes, soit enfin en raison de pratiques anticonstitutionnels. Paul Biya, lui, a vu les années défiler, traversé des turbulences, mais tient toujours la barre du navire, presque imperturbable. A ceux qui croient le titiller sur son âge - 90 ans, le 13 février prochain – le chef de l’Etat camerounais répond par l’une de ses deux armes fatales. C’est d’abord généralement ce silence, véritable marque de fabrique qui l’a rendu si énigmatique, si mythique, si insaisissable. Et quand il le juge nécessaire, M. Biya sait aussi user de son sens aiguisé de la répartie. « Ai-je l’air si fatigué ? », lance-t-il à un journaliste français au sortir d’un tête-à-tête avec le président François Hollande à Paris le 30 janvier 2013. « Ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut », sert-il encore, à un autre homme de média qui croyait l’embarrasser, cette fois au Palais de l’Unité, le 3 juillet 2015.
Tout cela pour dire, que l’exceptionnelle longévité au pouvoir de Paul Biya a alimenté ces dernières années, un certain nombre de fantasmes surtout dans le monde occidental. Le concerné est-il gêné outre mesure ? Pas le moins du monde. Depuis le tout début de son magistère, lorsqu’il hérite des rênes de l’Etat en tant que successeur constitutionnel au soir du 4 novembre 1982, l’homme est resté concentré sur sa mission et son objectif. Et s’est rarement montré déstabilisé ou distrait par les opinions les plus acerbes, les plus irrévérencieuses ou les plus injustes sur sa personne. 6 novembre 1982-6 novembre 2022 : 40 ans, et il est bien là, aux commandes.
Mais on ne peut pas dire que ces 40 années furent un long fleuve tranquille. Paul Biya qui prend la tête de la République unie du Cameroun ce samedi 6 novembre 1982 suscite au sein de la population, un sentiment mêlé d’espoir et de doute. L’ombre de son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, qui avait tenu le pays d’une main ferme durant un quart de siècle, y est certainement pour beaucoup. Et tout le Cameroun attend alors de voir si ce beau jeune homme effacé qui est ainsi propulsé au-devant de la scène, aura la poigne nécessaire. La réponse ne va tarder. Bien conscient de cette incertitude dans l’esprit de ses compatriotes, l’homme profite de son discours d’investiture pour apaiser les craintes : « Je ne faillirai point. » Et ceux qui le croyaient impréparé à la fonction présidentielle se rendent très vite compte du contraire. D’abord, Paul Biya exprime clairement sa vision dès le premier jour. Ce sera sous le signe de la rigueur et de la moralisation. Puis commence rapidement à bâtir son édifice et prend de court ceux qui ne vendaient pas cher sa peau. Son mentor, Ahidjo en fait malheureusement partie.
Moins d’un an après, Paul Biya doit gérer sa première crise. Et quelle crise ! Un bras-de-fer au sommet de l’Etat. Entre un ancien président, demeuré à la tête du parti unique de l’époque qui tente de faire valoir la primauté du parti pour garder le contrôle. Et ce jeune président légaliste, bien décidé à affirmer que l’Etat passe avant. La rupture est inévitable. Une tentative de coup d’Etat suivra même en avril 1984. La tempête passe, Paul Biya atterrit sur ses deux jambes.
Ouverture démocratique
Au lendemain de cet épisode triste, le Renouveau prend une autre envergure. L’Union nationale camerounaise est rayée de la carte politique en mars 1985 et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais entre en scène. Avec cette nouvelle formation dont il prend la tête, Paul Biya prend aussi un nouveau départ. Dans un climat politique apaisé, le chef de l’Etat élu lors d’une présidentielle anticipée en janvier 1984, entreprend alors de se jeter dans la seule bataille qui vaille, celle du développement de son pays. Mais il doit encore faire face à des turbulences, économiques cette fois. A la fin des années 80, le monde est secoué par une grave et longue crise qui met à genoux de nombreuses économies. Celle du Cameroun est frappée de plein fouet et voit son élan freiné. La crise économique est bientôt couplée à un vent de liberté venu de l’Europe de l’Est, qui souffle avec force sur l’Afrique et emporte plusieurs régimes. Là encore, le chef de l’Etat montre sa résilience et imprime sa personnalité. Le Cameroun ne suivra pas aveuglément les modèles importés. Oui à l’ouverture démocratique, oui au pluralisme (politique, médiatique et associatif). Mais pas de conférence nationale souveraine. Le pays invente son schéma propre de grand-messe démocratique. La rencontre tripartite de Yaoundé en novembre 1991 permet au pays de sortir des années de crispation, dites « de braise &raqu...
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