Cultiver la résilience

2022 se présentait comme l’année de l’éclaircie et de la reprise, après une pandémie infernale qui a ébranlé tous les systèmes d’organisation économique, scientifique et sociale à l’échelle mondiale. C’était sans compter avec la loi des séries. Ne dit-on pas qu’un malheur n’arrive jamais seul ? Un cataclysme d’une autre nature devait bientôt s’abattre sur la planète. La guerre russo-ukrainienne, épilogue de désaccords profonds et anciens entre la Russie et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), éclata en effet sur le sol ukrainien dès le mois de février, plongeant à nouveau le monde dans un chaos sécuritaire et économique sans précédent. Et l’on est en droit de se demander ce qui est le plus à craindre dans cette drôle de guerre : le risque nucléaire que les uns et les autres agitent comme un chiffon rouge, ou la crise alimentaire, économique et humaine, où sont déjà plongés certains pays, faute de céréales, faute d’engrais, faute de gaz et d’électricité, ou faute simplement de capacité financière à soutenir les ménages et les entreprises asphyxiés par l’inflation.
Cette situation pour le moins déstabilisante constitue un rude choc, un de plus pour le Cameroun, en pleine relance économique post-Covid et déjà en proie à une crise sécuritaire qui dure, et qu’il s’emploie à juguler du mieux qu’il peut : Grand dialogue national, statut spécial pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, décentralisation à grandes enjambées, libération de certains prévenus, désarmement et réinsertion des combattants, souvent recrutés parmi les jeunes désœuvrés, reconstruction des zones détruites par la guerre. 
Avec le conflit russo-ukrainien qui s’est transformé, au regard de l’ampleur de ses répercussions, en une guerre mondiale, le gouvernement a dû puiser dans ses derniers ressorts pour contenir l’inflation galopante et gérer le désarroi des populations les plus vulnérables, cernées par les pénuries et la vie chère. Près d’un an après le début des hostilités, aucune perspective de paix n’affleure à l’horizon. Il est cependant une certitude : l’Afrique, si loin du champ de bataille et des enjeux de la guerre, n’en a pas fini de payer le prix. Autant donc intégrer dorénavant cette épine au pied. 
La première leçon du très fort impact de ces crises sur le Cameroun et sur l’Afrique est que le monde reste interdépendant, malgré la dénonciation des excès de la mondialisation et le retour au bon vieux protectionnisme, et malgré l’affichage au grand jour des deux blocs idéologiques rivaux qui se disputent le leadership mondial : l’Amérique et ses affidés d’une part, la Chine et ses alliés de l’autre. Et en dépit de cette interdépendance évidente, tout se passe comme si le libre échangisme et les intérêts commerciaux étaient sacrifiés d’un tacite accord à l’autel de la course à l’hégémonie : « Make war, not trade ». 
Il serait naïf et suicidaire pour notre pays dans ce contexte de continuer à avancer sur la voie éculée tracée depuis les indépendances, basée sur l’importation massive des produits manufacturés et l’exportation des cultures de rente (que le Camerounais ne consomme pas, ou si peu) et des matières premières non agricoles, dont la chute des prix nous plonge périodiquement dans des spasmes économiques et des impasses budgétaires. 
La seconde leçon découle de la première. Dans un monde plus enclin à guerroyer qu’à coopérer, le patriotisme économique est pour les pays les plus faibles, une ardente obligation. Il faut dorénavant prioriser l’autosuffisance dans les domaines-clés autant que possible. Celle-ci passe par la transformation locale systématique des matières premières et la réduction progressive des importations. Ce faisant, l’Etat ne doit pas craindre d’aider à investir dans la création et la modernisation des structures de production. 
Bien plus, la politique d’import-substitution, qui est l’un des piliers la nouvelle Stratégie nationale de développement, doit devenir une réalité, un objectif concret, aux avancées mesurables. Ce qu’il faut bien intégrer, c’est qu’afin d’optimiser le résultat, le pays doit se fixer des objectifs séquentiels réalistes et s’efforcer de s’y tenir. Si nous produisions et transformions localement 20 à 30% de ce que nous consommons dans des secteurs variés, l’économie nationale connaîtrait un frémissement certain, et nous nous mettrions à l’abri de bien des pénuries et des crises. 
En vérité, l’état du monde, délétère à souhait, et parsemé de menaces, nous fait obligation de nous consacrer principalement à l’économie au cours de l’année 2023 qui pointe à l’horizon, tout en continuant à sacraliser la sécurité et le retour à la paix dans les régions en proie aux exactions des terroristes et des bandes armées. Augmenter le gâteau national et le répartir plus équitablement est aussi l’une des manières les plus efficaces de prévenir et de combattre les crises auxquelles le pays fait face. Cela ne se fera pas sans une agriculture modernisée destinée à devenir le socle d’une agro-industrie conquérante. C’est tout l’intérêt de la démarche actuelle de soutien et d’encadrement des PME, en particulier agricoles, engagée par le gouvernement à travers plusieurs ministères, en tête desquels le ministère en charge de l’Economie.
L’année 2023 sera donc cruciale, à la fois test de volonté politique et épreuve d’endurance. Au plan politique, des élections sénatoriales sont annoncées. Pure routine démocratique ? Pas que… Après que l’organe en charge des élections, Elections Cameroon, ait ouvert un débat franc sur le processus électoral avec les partis politiques, il serait opportun de chercher dans ce scrutin à venir, les fruits du dialogue et de la concertation…
Au plan économique, avis de tempête ! Mais il n’est pas dit qu’elle nous emporte, si nous sommes préparés… Le gouvernement pose les jalons d’une économie moins extravertie qui soutienne l’emploi et donne un coup de fouet au processus industriel. Certes, il doit s’attendre à une levée de boucliers du lobby des grands importateurs. Mais il ne manque pas d’atouts non plus. Quelques vents favorables se présentent pour cette réorientation stratégique.
En premier lieu, la dynamique de la décentralisation, résolument en m...

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