« Il y a un manque de volonté politique des parties signataires »

Simon Pierre Omgba Mbida, ministre plénipotentiaire et internationaliste.

Près de huit ans après sa signature, l’Accord de paix d’Alger demeure toujours dans l’impasse. Qu’est-ce qui, à votre avis, peut expliquer ce blocage ?
Il est de bon ton de rappeler qu’en juin 2015, le gouvernement malien et deux coalitions de groupes armés issus du Nord du pays, la Plateforme, alliée au gouvernement, et la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), fédération de mouvements entrés en rébellion contre l’Etat, signaient à Bamako un accord pour restaurer la paix et la réconciliation au Mali. Il est également important de souligner que suite à des négociations souvent indirectes, le texte définitif a été largement imposé aux principaux acteurs. A savoir, le Mali et les groupes armés du Nord du pays, sous la pression d’une équipe de médiation internationale dont l’Algérie était chef de file et qui comprenait, entre autres, la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine, l’Union européenne, ainsi que les Etats-Unis et la France, initialement inclus comme « amis de la médiation ».
A titre de rappel, l’accord prévoit de rétablir la paix au Mali par une décentralisation soutenue (dite « régionalisation »), la création d’une armée reconstituée intégrant les anciens groupes armés signataires, et des mesures de développement économique spécifiques au Nord du pays.
Si la réconciliation entre l’Etat malien et les groupes armés signataires a été imposée au forceps, la population du Sud exprime toujours une forte défiance à l’égard des anciens rebelles et d’un accord dont elle connait mal le contenu et dont beaucoup pensent qu’il prépare une partition future du pays. Par ailleurs, il y a lieu de relever que la très grande majorité des Maliens connaissent mal le contenu de l’accord d’Alger.
Au-delà du manque de volonté, l’Etat malien et la CMA ont aussi intérêt à conserver le statu quo actuel. La CMA jouit déjà de facto d’une très large autonomie dans ses zones d’influence du Nord Mali, alors qu’une grande partie de ses cadres occupe des fonctions rémunératrices au sein des instances qui accompagnent la mise en œuvre de l’accord, comme le Comité de suivi de l'Accord de paix d’Alger (CSA) et les autorités intérimaires. Parallèlement, ce statu quo permet à l’Etat malien de retarder la mise en œuvre des dispositions délicates de l’accord de 2015, notamment celles qui impliquent une révision constitutionnelle. Ce qui bloque aussi, c’est le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR).
Enfin, il faut savoir que pour certains pays de la région tel que le Niger, la mise en œuvre de l'accord déstabilise la région. Pour l’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou dans une déclaration faite en septembre 2019 : « Kidal est une menace pour la sécurité intérieure du Niger. Il y a des mouvements signataires des accords de paix d'Alger qui sont de connivence avec les terroristes. Nous ne pouvons l'admettre ». Il faut cependant reconnaitre que la situation sécuritaire du Sahel n'a cessé de se détériorer à partir de 2015, année de signature de l'accord, malgré un cessez-le-feu correctement observé entre les groupes armés signataires et l'armée malienne (mais pas entre groupes armés) et malgré la présence militaire française de Barkhane pour combattre les djihadistes. Deux phénomènes sont apparus à partir de 2015 : de violents combats entre les groupes signataires rivaux au Nord et une extension du conflit vers le centre du Mali, puis vers le Burkina Faso et le Niger à partir de 2016.

Gouvernement et groupes armés s’accusent mutuellement de bloquer la reprise des négociations. Qu’est-ce qui peut être fait pour ramener les deux camps à une réelle prise de conscience dans l’intérêt supérieur du Mali ? 
Le délai de mise en œuvre de l’accord très lent témoigne certes, avant tout, d’un manque de volonté politique des parties signataires. Sachant pertinemment que ni la partie malienne, ni les autres parties signataires ne voulaient de ce texte en 2015, mais la pression internationale, notamment de l’Algérie, de la France et des Etats-Unis, les a forcées à l’adopter. Compte tenu de ce que les nombreuses résistances à la mise en œuvre effective de l’accord d’Alger relèvent essentiellement du fait que ce texte leur a été largement imposé de l’extérieur et sachant que les autorités maliennes actuelles sont très attachées à la souveraineté du pays, il est donc impératif que les populations du Sud, à travers les élites politiques et les organisations de la société civile censées les représenter, soutiennent davantage le processus. Cela, malgré le fait qu’elles n’ont pas été associées aux discussions ayant conduit à la signature de l’accord de 2015 et beaucoup continuent encore à s’opposer à un texte négocié sans eux. La sensibilisation des populations est donc nécessaire et indispensable. Il va sans dire que, informer et sensibiliser l’opinion publique du Sud sur le contenu de l’accord faisait partie des missions dévolues à la partie malienne dans le texte signé en 2015, mais peu d’efforts ont été déployés à ces fins. 

Y a-t-il encore espoir pour un retour à la normalisation dans ce pays ? 
Le problème du Nord Mali, depuis ses origines, est instrumentalise? par diverses forces. Le grand mercenaire sanguinaire actuel, officiant a? la tête des supposés groupes djihadistes serait protégé? par Alger : Iyad ag Ghali. Il s’y refugie, s’y soigne en p...

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