« L’Afrique doit s’attendre à être traitée d’égale à égale »

Mariette Edimo Mboo, PhD, chargée de cours, enseignante permanente à l’Institut des Relations internationales du Cameroun (Iric).

Au cours de la dernière décennie voire plus, les relations entre certains pays africains et la France n’ont pas été sur de bonnes bases. Quel est le problème à votre avis?
Depuis quelques temps, le président français, Emmanuel Macron pose des actes significatifs en augmentant par exemple l’aide au continent, il a commencé à restituer les objets culturels des Africains spoliés pendant les guerres coloniales et va même au-delà des liens intergouvernementaux habituels pour impliquer les jeunes générations et la société civile dans la marche des Etats. Pourtant, la France est de plus en plus la cible des plaintes et des critiques africaines, puisque perçue comme frein aux aspirations démocratiques des africains entre autres. Ainsi, un sentiment antifrançais se développe de plus en plus au Mali, au Burkina Faso, au Benin, au Tchad, au Maroc et très récemment à Goma en République démocratique du Congo (RDC), etc. Les manifestations antifrançaises se dévoilent et les dernières en date se sont produites en RDC où la société civile a refusé la présence du président français sur ce territoire, arguant que ce dernier, soutient les Rwandais à travers les rebelles du M23. Dans les milieux panafricanistes, il y a eu une déclaration qui reprouve complétement l’idée de cette visite et à laquelle il est prêté l’intention d’un prolongement du pacte néocolonial. Or, lors de son passage en 2017 à Ouagadougou notamment, dans un amphithéâtre de l’université Joseph Ki-Zerbo au Burkina Faso, le président français avait rencontré les étudiants. Il leur avait fait savoir « qu’il n’y a plus de politique africaine de la France », mais plutôt une « politique française en Afrique ». Les Africains reprochent à Emmanuel Macron son sens du paternalisme puisqu’il ne va pas parler devant les chefs d’Etats africains, mais plutôt devant la jeunesse. Voilà pourquoi, de plus en plus, l’Afrique cherche à prendre son destin en main et tente petit à petit d’établir une relation d’égal à égal avec la France. Le problème à notre avis est donc la relation malsaine et incestueuse qui lie l’Etat français aux Etats issus de ses anciennes colonies. Cette relation est- ainsi qualifiée parce que la France se définit, du moins jusqu’à une date très récente, comme étant une sorte de tutelle pour des Etats africains. Pourtant, tout cela consiste à faire prévaloir les intérêts de la France, de ses entreprises, sans oublier ses multinationales, sur ceux de l’Afrique au détriment de la population africaine. 

Dans son récent discours, le président français a parlé d’une nouvelle ère dans les relations France-Afrique. Qu’est-ce que cela signifie et dans quelle mesure cette déclaration est-elle réalisable ? 
Effectivement, lors d’une conférence de presse portant sur le partenariat avec l’Afrique tenue le 27 février 2023 à l’Elysée, juste à la veille de son déplacement en Afrique centrale, le président français a bien signifié qu’une nouvelle ère s’ouvre sur un nouveau modèle de partenariat impliquant une montée en puissance des Africains. Déjà, le but d’un partenariat est de réunir toutes les ressources et les compétences nécessaires pour réaliser un projet commun. Projet dans lequel chaque partie devra tirer son épingle du jeu, et de là on parle de partenariat gagnant-gagnant. À la suite du président Macron, on pourrait penser que c’est le sens qu’il donne à ce « nouveau modèle de partenariat ». Ce qui permet de mentionner par la même occasion qu’il a sonné la fin du paternalisme et surtout de la France-Afrique. Puisque selon lui, le projet est bel et bien de prendre désormais l’Afrique au sérieux en tant que partenaire à part entière et donc de changer de regard sur le continent africain et finalement de sortir de cette relation malsaine et incestueuse qui liait l’Etat français à certains Etats africains. La mesure de cette déclaration est réalisable puisque le premier sursaut-objectif a été fait, à savoir : reconnaître l’Afrique désormais comme un partenaire. 

Le changement de politique n’est-il pas dû au fait que la France perd de l’influence sur le continent et aussi la pression croissante de la Russie, de la Chine et de la Turquie ?
Des politiques menées par ces pays avec l’Afrique font l’effort de se reposer beaucoup plus sur un équilibre des intérêts. À travers leurs modes de fonctionnement, on constate simplement que ces relations, de temps en temps, se font d‘égal à égal en essayant de respecter la souveraineté des pays africains et leur droit inaliénable à déterminer eux-mêmes leur politique intérieure et étrangère. Or la France, elle, propose la consolidation des Etats et des administrations, en investissant dans l’éducation, la santé, l’emploi, la formation, la transition énergétique. Bref, elle encourage les pays africains &agrav...

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