« Le renouvellement du dispositif institutionnel est le principal enjeu »

Dr Ordy Betga Mbofung, politologue et chercheure au Centre africain d’études internationales diplomatiques économiques et stratégiques (CEIDES).

À la faveur du référendum constitutionnel prévu le 18 juin prochain au Mali, le gouvernement de transition invite le peuple malien à voter en faveur du « oui » afin d'asseoir et de raffermir la démocratie. À la lecture du projet de texte proposé, faut-il croire à cette promesse ?
Après le double putsch d’août 2020 et mai 2021, le référendum du 18 juin prochain sur l’adoption d’une nouvelle Constitution après celle de 1992 s’inscrit dans un vaste projet de refondation de l’État malien qui, il faut le dire, n’est pas à sa première tentative de révision constitutionnelle. Les précédentes ayant avorté pour diverses raisons liées à des contextes sociopolitiques spécifiques. Le nouveau texte vise surtout à rénover le dispositif institutionnel malien avec la mise sur pied du Sénat, le toilettage de la Cour Constitutionnelle, le recadrage des attributions du président de la République, mais surtout l’organisation de l’effectivité de la décentralisation. C’est d’ailleurs un texte qui a plusieurs similitudes avec la Constitution camerounaise de janvier 1996. Il y a évidemment des points qui ne font pas le consensus, par exemple sur les craintes de dérive présidentialiste, mais cette réforme institutionnelle est susceptible de poser les jalons d’une amélioration de la gouvernance et du fonctionnement de l’État. Je pense que le défi sera surtout celui de la concrétisation et de l’implémentation des différentes réformes, et ceci sera à l’image des Hommes en charge non seulement pendant cette période de transition, mais bien au-delà. Car, il s’agit d’un travail sur le long terme.

La Ligue des imams et érudits pour la solidarité islamique au Mali (LIMAMA) qui a appelé à voter contre ledit projet, s’oppose avec fermeté au principe de laïcité. En quoi pose-t-il problème ?
Le principe de laïcité est déjà consacré par la Constitution de 1992 en vigueur au Mali et qui en fait d’ailleurs un principe inamovible. Mais, force est de constater que les barrières à son application effective sont demeurées solides depuis plusieurs décennies, dans un contexte où près de 90% de la population malienne est d’obédience musulmane. Les gouvernements successifs ont toujours eu tendance à fonder leurs politiques sur le droit musulman (la charia), consacrant de fait l’ascendant de l’islam sur les autres religions présentes au Mali, au mépris de la liberté de religion et de ses implications. L’on a observé ici une laïcité de collaboration au sens de Beauberot et Milot, mais avec une certaine prépondérance de l’emprise du religieux, tant la laïcité décrétée n’a pas d’incidence sur l’influence de la religion sur les convictions populaires. Le débat récent intense autour de la laïcité fait suite à la volonté des autorités de transition d’accélérer son implémentation. Les leaders religieux musulmans ont sans doute peur d’être complètement écartés du jeu politique et de perdre leur influence et contrôle sur l’État. Ils redoutent également une plus grande ouverture de l’État malien aux valeurs et principes plus ou moins contraires au droit musulman, par exemple sur la question de l’égalité des genres ou des droits de l’Homme plus globalement.

De leur côté, la classe politique et la société civile maliennes y voient plutôt un texte taillé sur mesures devant permettre aux autorités de transition de se maintenir au pouvoir. A votre avis, ces allégations sont-elles fondées ?
Il y a en effet plusieurs signes de la volonté des autorités de transition de contrôler le déroulement et le résultat des différentes élections à venir, à travers la main mise sur la commission électorale et la Cour constitutionnelle dont le rôle dans le processus électoral va être renforcé en cas de validation de la réforme constitutionnelle en cours. Les craintes de la classe politique et de la société civile maliennes sont encore plus compréhensibles avec l’éventualité d’une candidature du président de la transition, le colonel Assimi Goïta, surtout en se référant &ag...

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