Conflit russo-ukrainien : une opportunité pour la production locale

L’étude que vient de mener la Beac sur l’impact de la crise russo-ukrainienne sur les économies de la Cemac montre que les chocs exogènes ont ceci de particulier qu’ils révèlent les vulnérabilités des économies extraverties qui en subissent les contrecoups. Ainsi en est-il de la crise sanitaire mondiale due à la pandémie à coronavirus qui a provoqué en son temps, la désorganisation voire la rupture des chaînes logistiques et d’approvisionnement de plusieurs produits dont les prix ont grimpé du fait des pénuries. Ensuite, l’onde de choc causée par la guerre russo-ukrainienne en cours est allée au-delà de la ligne de front et se ressent jusqu’aux pays de la Cemac pourtant très éloignés. Mais, ces pays, parmi lesquels le Cameroun, paient un lourd tribut à la guerre sans être des belligérants, simplement parce que les deux principaux protagonistes figurent parmi leurs partenaires commerciaux.                                                                                                                               En effet, le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine a perturbé les chaînes d’approvisionnement des produits fournis par ces derniers à leurs partenaires dont le Cameroun. Cette situation a engendré la hausse des coûts à l’importation et par conséquent, l’augmentation des prix de gros et de détail des produits concernés sur le marché local. Avec, à la clé, des tensions inflationnistes sur la farine de blé et ses produits dérivés notamment la pâtisserie. Il en est de même des autres produits importés tels que l’engrais.                                                                              
Au moment où le Cameroun met en œuvre la politique de l’import-substitution pour limiter sa forte dépendance de plusieurs produits importés et inverser la tendance de sa balance commerciale structurellement déficitaire, le conflit russo-ukrainien devrait être perçu par le pays comme un mal pour un bien. Parce qu’il devrait, en quelque sorte, le contraindre à renforcer les capacités de son secteur productif. Étant entendu que la Stratégie nationale de développement (SND-30) est la boussole du gouvernement en termes d’objectifs de politique économique sur la période 2020-2030. Le but visé étant de procéder à la transformation structurelle de l’économie camerounaise, en opérant des changements fondamentaux dans les structures économiques et sociales afin de favoriser un développement endogène. Dans cette optique, pour atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (pays émergent), le taux de croissance annuel moyen du Produit intérieur brut (Pib) du Cameroun devra passer de 4,5% en moyenne (tel qu’observé sur la période 2010-2020) à 8,1% sur la période 2020-2030. Ce qui n’est pas encore le cas. Mais, le pays n’a pas d’autre choix que de s’industrialiser, pourquoi pas, à marche forcée. L’objectif de disposer à terme d’une économie avec une consommation moins tournée vers l’extérieur n’étant pas négociable.                                                                                                                                          Dans cette perspective, toutes les initiatives et mesures déjà annoncées ou prises pour booster le tissu productif local et promouvoir le « Made In Cameroon » doivent être renforcées. À titre d’illustration, prenons quelques produits (blé, fer à béton, engrais) pour montrer à quel point la guerre qui fait rage en Europe de l’Est ouvre une nouvelle fenêtre d’opportunités à saisir pour produire davantage au Cameroun ces biens très prisés. À cet égard, on sait, d’après l’Institut national de la statistique, que jusqu’à la veille du déclenchement du conflit russo-ukrainien, la balance commerciale enregistrait avec la Russie un déficit de 96,5 milliards de F en 2020. S’agissant des échanges globaux, le blé (froment de blé et méteils) et les engrais sont les deux principales marchandises importées de la Russie au cours de la période 2018-2020. La Russie occupant le premier rang des fournisseurs de ces produits au Cameroun.                                                                                                                                             Pour ce qui est de l’Ukraine, le déficit de la balance commerciale s’accentue de 60% en 2020 en glissement annuel et se chiffre à 64,1 milliards de F contre 40,1 milliards de F en 2019. Par rapport aux échanges globaux, l’Ukraine fournissait les produits en fer, fonte et acier représentant environ 95% des importations. Ce qui plaçait ce pays à la première position des fournisseurs du Cameroun en produits en fer, fonte et acier. Même si un « accord céréalier » permet pour l’instant aux belligérants d’assurer la poursuite des exportations de leur blé, le Cameroun doit profiter de ces tensions géopolitiques pour relancer sa production de blé ou incorporer dans la fabrication du pain des farines produites localement. L’an dernier, lors d’une concertation à Ngaoundéré entre acteurs et utilisateurs des résultats de la recherche, on avait appris que des procédés visant à améliorer la qualité des farines locales et à formuler des produits dans la pâtisserie et la boulangerie à base des « farines composées », principalement le pain, avaient déjà été mis au point. « Les résultats ont amené des chercheurs au sein de l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) à suggérer une loi imposant l’incorporation de 10% de farines locales dans le pain dépendant de la farine de blé importée. Une telle décision impliquerait une production de 680 200 tonnes de tubercules, une création de 34 000 hectares de champs pour 6000 emplois directs et plus de 11 milliards de F d’économies chaque année », avait précisé Abega Juste Philanthrope, attaché de recherche à Ngaoundéré. D’autant plus que &laqu...

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