Sixa, expérience à généraliser

Combien de petits Camerounais grandissant dans les villes sont capables de s’exprimer parfaitement en leur langue maternelle, avec les accents et les intonations qu’il faut ? Combien peuvent dérouler des proverbes et autres contes issus de la mythologie de leur terroir, comprenant les subtilités de la sagesse ancestrale qui s’en dégage ? Combien encore maîtrisent les rites et rituels marquant les étapes importantes de la vie de l’Homme dans leurs communautés ? Les questions de ce type peuvent être multipliées à l’infini, interrogeant les capacités des jeunes générations à connaître nos valeurs patrimoniales, à s’approprier l’identité culturelle camerounaise, en plus de nos us et coutumes. Au regard des nouveaux modes de vie ; prenant aussi en compte les ruptures qui surviennent parfois avec la base du village ; et si l’on y adjoint la déferlante d’écrans qui s’est abattue ces dernières années sur notre vie quotidienne et les contenus qui les meublent, l’on comprend que de nombreux enfants soient déracinés et acculturés. Une situation qui met en danger la perpétuation de notre héritage commun : notre culture.
« La culture, ce n'est pas ce qui reste quand on a tout oublié, mais au contraire, ce qui reste à connaître quand on ne vous a rien enseigné » disait Jean Vilar, acteur et metteur en scène français. Et en matière d’enseignement, des jeunes particulièrement, la famille est le lieu privilégié. On y acquiert et partage des valeurs, des comportements communs et des traditions. Cela est dû à l’une de ses fonctions essentielles : la transmission. Mais il arrive parfois, pour des raisons allant des obligations professionnelles aux contraintes du monde moderne, que la famille manque lamentablement à ce devoir ou ne puisse le remplir convenablement. C’est là qu’interviennent les autres institutions de socialisation de l’individu que sont l’école et la religion avec ses différentes déclinaisons. Dans cette veine, l’offre de Sixa/ Enseignement de la vie, initiative du gouverneur de la région du Centre, Naseri Paul Bea, s’avère d’une grande utilité. Portée par le ministère des Arts et de la Culture, cette école particulière ambitionne d’inculquer des valeurs patrimoniales susceptibles de bâtir des savoir-être, savoir-faire, savoir-vivre et d’assurer une formation intégrale des jeunes placés en apprentissage, pendant un mois dans un camp de retraite. Session initiatique donc, mais aussi session de rattrapage ouverte à tous ceux qui pensent n’avoir pas été édifiés ou imprégnés à suffisance de leur background culturel. Concrètement, assis aux pieds de patriarches et matriarches pétris d’expérience, les adhérents issus des quatre aires culturelles du Cameroun s’adonnent aux langues maternelles, aux jeux patrimoniaux, aux danses traditionnelles, à la confection des costumes et mets du terroir. Ils découvrent des rites, des usages et des coutumes. Chemin faisant, il y a transmission consciente ou inconsciente d’une multitude de charges culturelles matérielles et immatérielles.
Les leçons tirées par les adhérents, leurs familles et les officiels au terme de la toute première édition de ce rassemblement en 2022 sont rassurantes. La toute première porte sur l’autonomisation des jeunes enfants et des adolescents. A Sixa, les adhérents font tout eux-mêmes, bien sûr sous le regard des aînés qui les recadrent en cas de nécessité : propreté et assainissement de leur espace de vie, vaisselle, lessive, repassage, rangement, cuisine, corvée d’eau et du bois de chauffe, travail de la terre… Des activités auxquelles de nombreux enfants, surtout ceux des villes et des parents dits « bien », ne se livrent plus car surprotégés par des géniteurs qui font tout à leur place ou paient des employés domestiques pour le faire. Dans la mouvance de Sixa, les enfants apprennent à s’impliquer dans le fonctionnement du foyer, à prendre des initiatives, à trouver par eux-mêmes des solutions aux difficultés auxquelles ils sont confrontés et à s’organiser. Trouver le moyen d’épaissir une bouillie de maïs trop liquide, partager le repas du jour en rations suffisantes pour tous les pensionnaires, prendre soin des plus petits et des plus faibles, traiter tout aîné avec les égards dus : cela paraît anodin pour ceux qui pratiquent ces exercices depuis le berceau, au point d’en faire une seconde nature. Mais pour un ou une ado ayant t...

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