« Un dialogue entre les différents acteurs s’impose »

Dr Serge Christian Alima Zoa, internationaliste, Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université de Yaoundé II-Soa.

Comment sauver le processus électoral en cours d’une menace d’impasse dans un contexte de désaccord et de crise de confiance entre principaux acteurs politiques ? 
La présidentielle, à un seul tour, est prévue le 20 décembre 2023 dans l’immense pays de quelque 100 millions d’habitants, couplée à l’élection des députés nationaux et provinciaux ainsi que des conseillers communaux. Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RDC) depuis janvier 2019, est candidat à un second mandat de cinq ans, autour de « l’Union sacrée de la nation », mise en place en 2020 lorsqu’il a renversé la majorité constituée autour de son prédécesseur, Joseph Kabila, après deux ans de co-gestion du pouvoir par les deux hommes. Du côté de ses adversaires, quatre opposants dont Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Augustin Matata Ponyo et Delly Sesanga ont décidé de s’unir « pour mener des actions communes en vue d’obtenir l’organisation dans les délais constitutionnels d’élections transparentes, impartiales, inclusives et apaisées ». Ces opposants ainsi qu’une partie de la société civile portée par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’église protestante, considèrent que le fichier électoral est « fantaisiste », notamment parce que « l’enrôlement » n’a pu avoir lieu dans des territoires en proie aux violences armées et que l’« audit » a été réalisé en un temps record de cinq jours dans l’opacité totale. L'opposition sur les 43,9 millions d'électeurs inscrits, soupçonne falbalas 10 millions de noms fictifs et des mineurs. Pour la Commission électorale nationale (CENI), hormis la récusation de la composition de la mission d'audit externe, « aucun argument sérieux n'est venu contredire les conclusions » de l’audit déjà effectué. La plénière présidée par Denis Kadima Kazadi, trouve ainsi « illogique d'entreprendre » un nouvel audit et rappelle qu’aucune prolongation pour le dépôt des candidatures aux législatives dont la date butoir était fixée ce 15 juillet 2023 dernier, n’aura lieu. En somme, sauver le processus électoral en cours d’une éventuelle impasse, contribuant à faire baisser les tensions politiques, sans avoir à repousser le vote s’avère incertain et périlleux. Il est clair que l’opposition ne lâchera pas cette demande d’audit pour préserver la démocratie dans le pays. Certains analystes pensent que de « bonnes élections » le 20 décembre 2023 sont impossibles en préconisant plutôt une « transition » qui permettrait de bien s’y préparer, y compris en « mobilisant les ressources nécessaires ». Au demeurant, il y a lieu de s’attendre  à une forte abstention, à cause du manque de confiance dans le processus électoral et la classe politique en général, mais aussi parce que la préoccupation de beaucoup de Congolais, pris à la gorge par le chômage, l’inflation et l’insécurité dans l’Est du pays, est de nourrir leurs familles. 

L’assassinat de l’ancien ministre et député Cherubin Okendé, proche de Moïse Katumbi, est venu raviver les tensions dans un paysage politique déjà assez lourd. Comment sortir la RDC de ce cycle infernal ?  
Depuis l'assassinat du député et ancien ministre Chérubin Okende Senga, dont le corps a été retrouvé criblé de balles le matin du 13 juillet 2023 au bord de sa jeep sur l’Avenue des poids lourds à Kinshasa, l'émotion reste forte. Une affaire qui survient alors que le climat politique est très tendu à l'approche de l'élection présidentielle prévue en fin d'année. Une enquête préliminaire a immédiatement été ouverte à la police nationale, selon les autorités. Un premier suspect a été arrêté en la personne du garde du corps de l'opposant, puis le chauffeur de l’homme politique a été appréhendé à son tour, tous les deux sont auditionnés au parquet de grande instance de Kinshasa-Gombe. Le gouvernement congolais se dit ouvert à toute « expertise » extérieure, notamment belge et sud-africaine. Selon Olivier Kamitatu, le directeur de cabinet de Moïse Katumbi, son parti « Ensemble pour la République » ne veut pas que ce soient des enquêteurs choisis par le gouvernement. Nombreux sont ceux qui appellent à une enquête indépendante, à l'instar du Nobel de la paix, Denis Mukwege. La Nouvelle société civile congolaise (NSCC) demande, elle, à être associée à la commission d’enquête pour ne pas commettre les mêmes erreurs que dans le passé, en référence au cas de Floribert Chebeya, militant des droits de l’homme et fondateur de la « Voix des sans voix », assassiné en juin 2010 dans des conditions similaires. Âgé de 61 ans, Chérubin Okende Senga, avait démissionné de son poste de ministre des Transports et Voies de communication en décembre dernier, en même temps que deux autres ministres proches de l'opposant et riche homme d’affaires, Moïse Katumbi. Celui-ci venait alors d'annoncer sa candidature à la présidentielle de décembre prochain et le retrait de son parti de la coalition au pouvoir. Pour certain...

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