Non, ne laissons pas mourir Haïti

Malgré une actualité internationale dominée par les fracas des conflits armés à l’Est de l’Europe et au Proche-Orient, Haïti, fidèle à sa triste réputation, réussit le tour de force de refaire partie des manchettes des grands médias aux quatre coins du globe, balayant la loi du mort-kilométrique. Situé dans les Caraïbes, aux portes de la première puissance mondiale, le pays le plus pauvre des Amériques, si proche et si loin de nous, est au bord de l’abîme. Haïti bascule dans le chaos. La liste des mots pour exprimer les maux de ce pays est longue : escalade de la violence en bande organisée, impunité « généralisée », corruption « endémique », économie en chute libre, vide au cœur du pouvoir pour ce qu’il en reste, le pays n’ayant ni président, ni parlement. Les observateurs sont à court de superlatifs pour dépeindre Haïti à la dérive. Aux fléaux des séismes, des ouragans, des sécheresses et du choléra, s’ajoute désormais celui de la violence des gangs lourdement armés. La longue descente aux enfers de ce pays d’environ 11 millions d’habitants se poursuit, sous le regard hypocrite des principaux acteurs de la communauté internationale qui ont d’autres chats à fouetter ailleurs où leurs intérêts vitaux sont menacés. Ces derniers jours, des villes entières d’Haïti tombent progressivement sous la coupe réglée de groupes criminels qui défient la police nationale dépassée par les événements. L’annonce de l’évasion spectaculaire de plus de 5 000 détenus des deux principales prisons de la capitale Port-au-Prince aujourd’hui sous état d’urgence a fait le tour du monde, après l’attaque de ces pénitenciers par des gangs armés dans la nuit du 2 au 3 mars dernier. 
À l’origine de cette flambée de violences meurtrières, plusieurs gangs qui se coordonnent pour contraindre le Premier ministre contesté, Ariel Henry, au pouvoir depuis 2021, à démissionner. Ce dernier est temporairement exilé à Porto Rico depuis mardi dernier après un périple à l’étranger. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux avant les attaques, un influent chef de gang, Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », affirmait que « tous les groupes armés vont agir pour obtenir le départ du Premier ministre Ariel Henry ».  
De fait, les gangs ont pris le contrôle de pans entiers du pays, y compris de la capitale. L’an dernier, ce sont plus de 8 400 personnes qui auraient été tuées, blessées ou kidnappées, soit plus du double du nombre signalé en 2022, selon un rapport de l’Onu qui dénombre également 200 bandes armées réparties entre sept grands groupes criminels qui tuent, violent, vivent de pillages et de kidnappings. En septembre 2023, l’administration Biden avait promis 100 millions de dollars pour soutenir toute force multinationale devant intervenir afin de rétablir l’ordre à Haïti, tout en lui fournissant la logistique, le renseignement, le transport aérien, les communications et le soutien médical. Mais, le locataire de la Maison Blanche avait fermement refusé d’engager des troupes américaines. On comprend donc pourquoi le Premier ministre haïtien qui aurait dû quitter le pouvoir fin février 2024, s’est rendu au Kenya où il a officialisé avec le président William Ruto, le 1er mars dernier, un accord pour l'envoi d'une force de sécurité afin de soutenir la police haïtienne. Cet accord pour l’envoi d’un millier de policiers kényans entre dans le cadre d’une mission internationale soutenue par les Nations unies au profit de l’île qui connaît une grave crise multiforme depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. À l’occasion de cette visite, Ariel Henry a discuté avec le président kényan de « l’accélération du déploiement » de cette force.
 On se souvient que c’est le 2 octobre dernier que le Conseil de sécurité de l’Onu avait voté l’envoi d’une « mission multinationale d’appui à la sécurité » à Haïti. Une force autorisée pour « une période initiale de douze mois, avec un réexamen au bout de neuf mois ». Seulement, il a fallu attendre qu’une grande puissance, à la manœuvre, mais ne souhaitant pas prendre le leadership, trouve un pays candidat pour prendre la tête de cette mission multinationale : ce sera le Kenya. À la fin du mois de février, cinq pays, dont le Bénin avec plus de 1 500 hommes, ont notifié à l’Onu leur participation à la future mission. Les autres membres de cette mission sont les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade et le Tchad, à en croire le porte-parole du secrétaire général de l’Onu, Stéphane Dujarric. Selon un rapport adopté par l’Onu, les gangs qui sèment l’anarchie sont « instrumentalisés par l’élite politique et économique ainsi que par de hauts fonctionnaires ». Le ver est donc dans le fruit. Alors, que faire face à l’incapacité des forces vives haïtiennes à trouver un consensus ? Même si les interventions extérieures ont mauvaise presse dans ce pays qui en a connu plusieurs, rarement pour le meilleur, cette fois, il semble que beaucoup d’Haïti...

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