Interview: « L’évolution des marchés bancaires africains s’est indigénisée »
- Par Aïcha NSANGOU N.
- 10 mai 2024 14:16
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Jean-Claude Ebe-Evina, Conseil, expert financier près les Cours, administrateur banque/EMF.
La banque Société Générale vient d'annoncer son départ de certains pays d'Afrique dont le Cameroun. Cette décision est-elle vraiment surprenante ?
Dans le principe et en référence au mode fonctionnement du secteur financier en général, et au modus operandi des institutions financières en particulier, on ne saurait dire qu’il s’agit d’une décision surprenante. En effet, nous avons bien connu dans notre pays des vagues de retraits de banques françaises et américaines notamment. Pour être plus clair, la présence des intérêts ou investissements étrangers tient en partie et davantage à des raisons d’ordre économique et financier, et en partie à des raisons d’ordre politique et diplomatique relativement au(x) pays d’origine des capitaux. A noter que ce mouvement de retrait est commun à toutes les banques européennes sur l’ensemble du continent.
Pour revenir sur le cas particulier de la SG (Société Générale), sans vouloir jouer au devin, il est tout à fait plausible pour les motifs sus évoqués que leur retrait répond à la révision de la stratégie d’intervention du Groupe, c’est-à-dire de sa logique d’affaire ou business model, décision qui aurait d’ailleurs été prise en septembre 2023. Ce qui explique comme vous l’avez fort justement indiqué, qu’il ne s’agisse pas uniquement du Cameroun, mais de plusieurs pays africains du Nord, de l’Ouest, de l’Est et du Centre. En considération du niveau de risque, de l’importance et du coût associé de l’infrastructure nécessaire à l’exploitation, en termes d’investissement matériel et informatique, d’organisation et de personnel (expatrié notamment), on peut supposer que le retour sur investissement, bien que positif, s’avère dorénavant insatisfaisant. A ce propos, il faut signaler par ailleurs que le sous-groupe Afrique ne pèse que 2% de l’ensemble. Il s’agit selon la SG de « façonner un modèle simplifié, plus synergétique et performant tout en renforçant le capital du Groupe». L’objectif stratégique final est donc d’améliorer la rentabilité globale du groupe qui s’est sensiblement dégradée du fait de la hausse généralisée des taux en France, avec pour autre conséquence la baisse de sa valorisation boursière.
La réglementation bancaire sans cesse en évolution en zone Cemac pourrait-elle également expliquer ce retrait du Cameroun ?
On peut aussi valablement considérer l’incidence du durcissement progressif du cadre réglementaire (BEAC/COBAC) notamment en matière d’exigence du niveau des fonds propres par rapport au volume des crédits octroyés, du poids croissant en termes d’investissement du dispositif du système d’information ainsi qu’évoqué supra, les requis en matière d’organisation interne qui ont introduit et imposé la création de nouvelles fonctions dont les charges obèrent le coefficient d’exploitation, les restrictions relatives au rapatriement des ressources eu égard à l’évolution de la règlementation des changes. Une autre raison à ces désinvestissements tiendrait à « la succession de crises : contre-choc pétrolier, Covid-19, guerre en Ukraine, sur fond d’instabilité politique et sécuritaire, a douché l’enthousiasme » (Dixit Le journal Le Monde). Enfin, sans que cela soit exhaustif, on peut aussi avancer une explication relative à l’évolution des marchés bancaires africains qui s’est fortement « indigénisé » avec l’entrée en scène des établissements à capitaux nationaux et panafricains, sans omettre le développement de la méso et de la microfinance, de même que les opérateurs téléphoniques avec l’offre du mobile money et des opérations de money tranfer notamment. En effet, on note que la croissance de ces nouveaux établissements est liée à l’offre de produits/services mieux adaptés aux besoins de certains segments de marché, pour le moins.
D'autres établissements bancaires visiblement bien implantés, se sont également retirés du Cameroun (SCB Crédit Lyonnais, Standard Chartered Bank...). Quels peuvent être les effets de ces départs sur le secteur bancaire local ?
Il n’est pas inutile de préciser qu’il y a deux scenarii de retrait. En premier la cession emportant dissolution c’est-à-dire disparation ou ferm...
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