Interview : « Il y a une question centrale de mobilisation des ressources »

René Daniel Mintya, expert en décentralisation, enseignant à la National School of Local Administration (NASLA).

 

Les présidents des Conseils régionaux exprime des inquiétudes quant au rythme de transferts de compétences et de ressources qui ne leur permet pas de travailler pleinement. Que faire, selon vous, pour accélérer les choses ?
Il faudrait simplement que les acteurs concernés se bousculent un peu plus. Mais il s’agit en réalité d’une question qui est éminemment hypercomplexe. Ce qu’il conviendrait de faire en réalité, c’est de considérer que depuis le début, les compétences sont déjà transférées par la loi et que leur exercice proprement dit sur le terrain varie en fonction des problèmes, des besoins sectoriels spécifiques à chaque région ; lesquels besoins ne seront jamais identiques dans tous les domaines de compétences et dans toutes les régions au même moment, pour envisager des transferts de compétences par blocs normatifs au fil des années. Ceci, au risque de créer et/ou de creuser des écarts de développement sectoriel entre les régions. Pour cela, les régions doivent considérer qu’elles ont déjà des plans de développement sur cinq ans qui ont été approuvés par l’Etat pour exécution. Ces plans régionaux de développement couvrent d’ailleurs tous les domaines de transfert des compétences prévus par la loi. Donc, il n’y a pas vraiment un problème de déficit de compétences à exercer, mais plutôt une question centrale de mobilisation des ressources nécessaires.
A cet égard, pour accélérer le transfert des ressources, il faut simplement que l’Etat commence par appliquer le principe d’exclusivité de l’exercice des compétences transférées consacré par la loi, dans la préparation et l’exécution du budget de l’Etat. Ne plus allouer aux ministères sectoriels des ressources budgétaires correspondant aux matières déjà transférées par la loi aux régions. Ce qui va permettre d’alimenter d’avantage la dotation générale de la décentralisation et se rapprocher, voire dépasser la barre de 15% définie par le Code général des CTD. Et la répartition de cette fraction se fera alors au prorata des besoins sectoriels inscrits dans les programmes de chaque région, lesquels programmes régionaux sont logiquement en cohérence avec les objectifs économiques et financiers de l’Etat et la SND30. Ceci, sans oublier la question de la fiscalité locale qu’il faut rapidement actualisée.
 

Plusieurs acteurs interviennent dans la mise en place du cadre juridique nécessaire à l’exercice complet des compétences transférées. Est-ce que cette multiplication des intervenants n’est pas de nature à ralentir le processus ?
L’approche de mise en œuvre des politiques publiques par les normes, surtout dans les systèmes complexes ou hyper complexes, s’est toujours avérée limitée, voire incompatible pour la réussite de celles-ci. La décentralisation, même si on la considère uniquement sous le prisme du transfert des compétences et des ressources, est déjà en soi un système hypercomplexe à travers, par exemple, son environnement à la fois fermé et ouvert. Elle est aussi hypercomplexe de par ses dimensions ontologique (forme de l’Etat) et fonctionnelle qui font que sa mise en œuvre n’a pas de fin, puisqu’elle est consubstantielle à l’exercice des compétences transférées par les CTD en fonction des réalités propres à chaque territoire. Or, ces réalités, ces besoins ne seront jamais les mêmes, ne couvriront jamais les mêmes domaines au même moment et de la même manière.
Dans ces conditions, l’approche normative via des générations annuelles ou pluriannuelles de décrets et/ou d’arrêtés de « transfert » des compétences se trouve limitée, même si ceux-ci sont préparés par deux ou trois acteurs seulement. Sans peut-être qu’on s’en rende compte, cette approche normative, de vouloir toujours encadrer par des textes inférieurs des choses qui relèvent parfois uniquement de l’esprit, contribue à creuser des écarts de développement sectoriel entre les régions, entre les communes, les problèmes de développement sectoriel n’étant pas les mêmes partout et ne seront jamais les mêmes partout. Donc, ce n’est pas un problème de multiplication des intervenants. C’est une question d’approche.
 

Les présidents des Conseils régionaux réclament fortement une nouvelle loi sur la fiscalité local...

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