« Le cœur du pouvoir n’est plus à l’Élysée »
- Par Sainclair MEZING
- 11 juil. 2024 13:14
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Dr Serge Christian Alima Zoa, internationaliste, Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’université de Yaoundé II-Soa, université catholique d’Afrique centrale.
Le Nouveau front populaire est en tête à l’Assemblée nationale avec 178 députés, suivi de la coalition présidentielle et du Rassemblement national. Qu’est-ce qui peut expliquer un tel verdict, contrairement aux pronostics qui prédisaient pourtant une victoire de l’extrême droite ?
La principale explication de cet ordre d’arrivée surprise est à chercher dans le front républicain, ce barrage contre l'extrême droite bâti par les électeurs sur les fondations des désistements dans quelque 200 circonscriptions durant l'entre-deux-tours. Pour limiter le raz-de-marée RN, le front républicain construit corollairement avec le report des voix a été bonifié. Ce barrage à l'extrême droite, dénoncé par le mirliflore Jordan Bardella d’« alliance du déshonneur », a été « réactivé » pendant la semaine de l'entre-deux tours et de jour en jour, en raison notamment des polémiques concernant certains candidats du RN relayées dans les médias. En dépit des désaccords profonds entre la coalition présidentielle et la gauche, le front républicain a été plus large qu'escompté, à la fois chez les électeurs qui avaient voté « Ensemble » au premier tour et chez les soutiens du NFP. Au-delà du report des voix des électeurs qui s'étaient exprimés au tour initial, une mobilisation a également pu être observée entre le 30 juin et le 7 juillet et contribué à la liturgie de renforcement de ce front républicain. Résultat de tous ces facteurs conjugués : les circonscriptions où les résultats s'annonçaient serrés et qui paraissaient pouvoir basculer pour le RN sont en réalité tombées dans l'escarcelle de la gauche ou du centre. Pour certains observateurs, l’effet Bardella a sans doute été surestimé, celui-ci n’ayant pas en évidence réussi à mobiliser davantage qu’au premier tour afin de concrétiser son avance. L’excès de confiance de la part du RN, bien qu’arrivé en tête dans une grande majorité de circonscriptions est également pointé du doigt, ainsi qu’un problème d’image, de crédibilité et même de formation de son personnel politique. L’union des extrêmes droites n’a pas fonctionné non plus malgré le débauchage d’Éric Ciotti, alors président de LR. L’élu des Alpes-Maritimes n’est pas parvenu, en raison du rejet d’une partie importante de l’électorat des idées de Marine Le Pen, à entraîner un nombre conséquent de cadres de LR.
Quid des prévisions manquées des sondages ?
Les élections législatives ne sont pas des élections comme les autres. Elles n’élisent pas une seule personne comme à la présidentielle et les listes élues ne sont pas votées à la proportionnelle, comme aux européennes. Aux législatives, la France est divisée en 577 circonscriptions, et chacune d’entre elles a sa propre histoire, son député sortant mais également ses rapports de forces et ses alliances. Du coup, ce type de scrutin est bien difficile à anticiper pour établir des prévisions. En prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale le dimanche 9 juin au soir, le président français Emmanuel Macron avait invité le peuple « à faire le choix le plus juste pour lui-même et les générations futures. ». Du bilan de ces élections législatives, il y ressort plutôt une très forte incertitude politique, avec un hémicycle plus divisé que jamais, mais puissant.
Aucune force politique ne détient la majorité absolue pour contrôler l’Assemblée nationale et désigner un nouveau Premier ministre. Quelle suite ?
La clarification appelée de ses vœux par le président de la République au moment de dissoudre la chambre basse du Parlement, n’a pas, c’est le moins que l’on puisse dire, produit l’effet hâté au regard de la possibilité de chaque formation politique à faire bouger les lignes. Plusieurs jours, voire de longues semaines, de négociations sont donc de nouveau à prévoir dans un pays peu rompu aux coalitions et aux compromis. Face à un paysage politique inédit dans la Ve République, différents scénarios pour cet après-scrutin sont envisageables. Le premier est le maintien d’un gouvernement provisoire avec Gabriel Attal comme Premier ministre afin de garantir « la stabilité du pays » notamment pendant le déroulement des jeux olympiques à Paris qui doivent débuter le 26 juillet prochain. Le deuxième est celui d’une cohabitation avec le NFP, première force politique issue des urnes. Le risque pétaradant ici est qu’il y a une absence de majorité stable, cohérente, homogène, très différente des trois cohabitations qui ont eu lieu précédemment. Cette option compliquerait le vote des lois, en admettant l’usage déjà décrié du décret 49.3 comme une atteinte à la souveraineté de l’Assemblée nationale. Le troisième scenario est celui d’une coalition « à l’allemande » entre différentes formations politiques qui rassemblerait plus de 50 % de députés derrière le profil d'un premier ministre. Cette hypothèse d'une alliance qui irait de la gauche aux macronistes semble mal engagée, régulièrement écartée des deux côtés comme « une coalition des contraires ». Le quatrième scenario est celui d’un gouvernement minoritaire. Le NFP pourrait théoriquement gouverner, mais il lui faudrait sans acrimonie le soutien tacite d'élus d'autres couleurs politiques. Le camp présidentiel en s’alliant au LR pour créer un bloc central pourrait aussi conserver le pouvoir, avec les mêmes contrai...
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