« Il faut une concertation permanente des acteurs »

Maingari Daouda, professeur titulaire des universités, chef de département de Curriculum et évaluation à la Faculté des sciences de l'éducation, Université de Yaoundé I.

Comment comprendre ce taux d’échec aussi élevé aux derniers examens officiels ? 
Je voudrais tout de suite vous rassurer en vous disant que les résultats du baccalauréat de la session 2024 dont le taux se situe autour de 27,54%, ne sont pas les pires résultats de l’histoire de notre éducation. En 2022, ce taux était de 21,73%. En 1992, il était de 24%. En 1994 il y a exactement 30 ans, il était de 13,39% et de 13,78% en 1995. Ce n’est ni un motif de consolation ni une raison pour nous cacher le visage. Nous devons admettre que ce résultat est fort préoccupant. Un faisceau de raisons peuvent donner à comprendre ce taux d’échec élevé qui implique à la fois l’attention que les parents accordent aux études de leurs enfants, les méthodes d’enseignement qui ne facilitent pas l’apprentissage, la qualité des épreuves proposées, leur degré de complexité en lien avec le niveau des élèves, le mode d’évaluation utilisé, les préoccupations quotidiennes des enseignants, etc. Mesurer la qualité d’une épreuve ou plus globalement d’un examen comme le baccalauréat au prorata du taux d’échec en laissant admettre que moins les enfants réussissent, plus l’examen est valable est un non-sens pédagogique qui remonte à Mathusalem. Un examen proposé devrait être un test de niveau ou de compétence mais non un traquenard pour faire choir le plus grand nombre aux fins de sanction des élèves ou de réparation de toute autre faute.  


Les élèves peuvent-ils être considérés comme responsables au premier chef de cette catastrophe ?
S’ils ne sont pas les premiers à blâmer, on ne peut pas non plus les absoudre de toute responsabilité dans ce que vous appelez une catastrophe. Parvenus. En classe de Terminale, soit à la fin du cycle secondaire et aux portes de l’enseignement supérieur, on a affaire à des personnes certes jeunes, mais à tout le moins conscientes des enjeux liés à leurs études et à leur avenir. Malheureusement, les modèles sociaux (les influenceurs et les followers qui s’en suivent), poussent certains à mettre l’accent sur ce qui est accessoire et à reléguer au second plan ce qui est pourtant essentiel. 
L’absentéisme et le manque d’enthousiasme de certains enseignants sont aussi pointés du doigt…
En effet. Et le constat est quasi général dans tous les secteurs d’activités. Ce qui met en saillance le phénomène dans le monde de l’éducation c’est qu’il y a un programme à suivre, des enseignements à dispenser à des heures précises dans des classes et tout manquement est tout de suite perceptible. Pour aller un peu plus loin, s’agissant spécifiquement des enseignants, il importe davantage d’interroger le mode d’admission à la carrière enseignante et les perspectives offertes. Bon nombre y arrive plus par dépit que par vocation. On ne devrait donc pas s’étonner qu’après trois ou quatre années de service, certains se mettent à la quête de meilleures opportunités dans d’autres administrations ou dans d’autres environnements. Sans vocation et sans passion pour le métier, ils deviennent les premiers ennemis de leur profession et ne manifestent aucun scrupule lorsqu’il s’agit de s’absenter des semaines durant ou dans le meilleur des cas, de sous-traiter leur travail en offrant une obole à ceux qui acceptent d’en prendre le risque. Dans ces conditions, la qualité de l’enseignement en pâtit, les évaluations formatives se raréfient, et au final nous avons des échecs élevés à l’examen.  


La grève menée par un collectif d’enseignants de lycées dénommé « On a trop supporté » (OTS) y est-elle aussi pour quelque chose ?
Oui certainement. On a observé il y a quelques années des enseignants qui se proposaient de donner la note maximale à tous les élèves au cours d’un examen pour signifier leurs exaspérations à la hiérarchie qui ne répondait pas de manière souhaitée à leurs attentes. Sous évaluer en donnant systématiquement de mauvaises notes ou surévaluer en attribuant des notes qui dépassent les performances ou les compétences réelles des apprenants, est contraire à ce que prescrit la science de l’évaluation qu’on qualifie en terme technique de docimologie et mène dans l’un ou l’autre cas, à ce que l’on déplore aujourd’hui. 
On ne devrait pas favoriser en milieu éducatif, la confusion entre les revendications corporatistes pour un mieux-être par la promotion, la mobilité sociale et de meilleures conditions de travail dont le destinataire est l’Etat, avec le devoir pédagogique, qui appelle à un enseignement adéquat suivi d’une évaluation juste et objective des élèves. Les victimes de cette confusion volontairement entretenue sont de toute évidence les enfants, souvent moralement abusés, voire désabusés. 


Au regard de cette situation, comment inverser la tendance actuelle ?
Le rôle des pouvoirs publics est de faire échec à l’échec scolaire. Je peux aisément imaginer que le ministère agit...

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