Certification des comptes 2023 de l’Etat : des clarifications du ministère des Finances

Il y a quelque temps, la Chambre des comptes de la Cour suprême a publié son rapport sur la certification des comptes de l’Etat du Cameroun clos au 31 décembre 2023. L’institution que dirige Yap Abdou, dans ses conclusions, a émis quelques réserves, indiquant par exemple « une opinion défavorable ». Ce qui a suscité de nombreux questionnements au sein de l’opinion nationale, principale, ne laissant pas indifférents les acteurs de la chaîne d’exécution de ces comptes. Dans une interview Sylvestre Moh Tangongho, directeur général du trésor, de la coopération financière et monétaire, revient sur le contexte de production de ce rapport soumis à la chambre des comptes. 

Monsieur le Directeur général, la Chambre des comptes de la Cour suprême, dans son rapport sur la certification des comptes au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2023, a émis une opinion défavorable. Comment comprendre cet état de chose ?
Sur le plan historique, il importe de préciser que depuis plus d’une dizaine d’années, seul un rapport de la juridiction financière accompagnait le projet de loi de règlement, celui portant sur l’exécution de la loi de finances. Concernant ledit rapport au titre de l’exercice 2023, la Chambre des comptes de la Cour suprême a affirmé que « les documents produits connaissent une amélioration sensible ». Par ailleurs, elle a conclu, qu’ « au bénéfice des progrès enregistrés dans le rendu de l’exécution du budget de l’État, elle est d’avis que le parlement adopte le projet de loi de règlement de l’exercice 2023 ». L’internalisation des directives communautaires CEMAC dans le droit interne du Cameroun, lesquelles consacrent la réforme comptable, a induit la tenue d’une comptabilité patrimoniale. Inspirée de la comptabilité des entreprises privées, elle a pour objectif, la maitrise de la richesse exacte du pays, dont ce qu’il possède par rapport à ce qu’il doit.
Toutefois, l’atteinte de cet objectif passe impérativement par la réalisation de certains préalables notamment tournés vers le recensement, l’inventaire et l’intégration de tous ces éléments dans les comptes de l’État. Depuis le 1er janvier 2022, date de la bascule effective dans la réforme de la comptabilité publique, sanctionnée par la production annuelle des états financiers constitués du bilan, du compte de résultat, du tableau des flux des opérations de trésorerie et de l’état annexé ; la Chambre des comptes a entrepris de produire un deuxième rapport, le rapport de la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État. Dans le cadre de cette activité, elle audite les états financiers annuels et donne par la suite, une opinion à l’image de celle émise par les commissaires aux comptes sur les états financiers produits par les entreprises commerciales. 
Au titre de la deuxième année consécutive, la Chambre des comptes a émis une « opinion défavorable » au motif que l’information financière et comptable contenue dans les états financiers produits ne retrace notamment pas de façon fidèle et sincère, la situation exacte du patrimoine de l’État. Cette exigence qui est une innovation forte de la réforme comptable, elle-même inspirée des normes et standards internationaux, impose que l’ensemble du patrimoine de l’État, en l’occurrence l’actif (terrains bâtis et non bâtis, véhicules, meubles, participations…) et le passif (dettes intérieure et extérieure), soit recensé, valorisé et intégré dans les comptes publics. Pourtant, la réalisation exhaustive d’une telle activité à la fois onéreuse et colossale, rend nécessaire sa planification opérationnelle dans le cadre d’une démarche pluriannuelle. 
En l’état actuel de la mise en œuvre de la réforme et du caractère peu significatif des actifs et passifs déjà inventoriés et intégrés dans les comptes, il est logique que l’opinion de la Chambre des comptes de la Cour suprême soit défavorable, ce qui pourrait durer aussi longtemps que l’intégralité du patrimoine de l’État (actifs + passifs) ne sera intégré dans les comptes. 


Vous dites que cette opinion pourrait durer aussi longtemps que l’intégralité du patrimoine de l’État ne sera pas intégré dans les comptes. A quoi cela renvoie-t-il concrètement ?
La réforme comptable induite par la transposition des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques mise en œuvre au Cameroun consacre un nouveau paradigme. Désormais, les entités publiques doivent produire les états financiers annuels soumis à la certification par la juridiction financière agissant en qualité de commissaire aux comptes comme c’est le cas dans les entreprises privées. Lesdits états financiers doivent refléter de manière fidèle et sincère la situation du patrimoine de l’État. Or, aucun recensement du patrimoine de l’État n’a jamais été effectué depuis la naissance de notre pays. 
De manière pratique, il est question de recenser tout ce que l’État possède en terme de terrains, bâtiments, matériel roulant, mobilier, etc. dans chaque arrondissement (182), chaque département (58) et chaque Région (10) avant de les intégrer dans le bilan de l’État. Ce qui ne se fera pas en une année.
Face à l’exigence communautaire, il fallait opérer un choix. Soit commencer par recenser et valoriser tous les biens avant de les soumettre, par la suite, à la certification, soit procéder d’abord à la bascule avant de constituer, par la suite, le bilan d’ouverture de manière progressive. C’est cette dernière hypothèse qui a été retenue. 
Y faisant suite, les opérations de recensement et d’évaluation du patrimoine de l’État, menées en liaison avec le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), se sont poursuivies au cours de l’exercice 2024. Elles se sont matérialisées notamment par le lancement de la campagne de recensement et de valorisation des immeubles bâtis et non bâtis de l’État dans les régions du Sud et de l’Est. Les résultats de cette campagne seront intégrés dans le bilan de l’État. 
Il convient de relever que lors de la phase pilote déployée en 2022 dans les départements du Mfoundi et du Wouri, 3 187 immeubles bâtis recensés, valorisés avaient été intégrés dans le bilan de l’État en 2023 à la somme totale de F CFA 1 469 879 534 910, dont 1 522 immeubles dans le WOURI évalués à F CFA 442 417 956 100 et 1 665 immeubles dans le Mfoundi évalués à F   CFA 1 027 461 578 810. 
Il faut donc comprendre qu’il s’agit d’une réforme d’envergure qui devra prendre du temps. Aucun pays au monde ayant implémenté la même reforme, celle de la comptabilité patrimoniale, n’a obtenu l’opinion favorable au terme des premières années de certification. La France, pour ne citer que cet exemple, qui a basculé en 2001 en vertu de la loi organique portant lois de finances (LOLF), a soumis ses premiers états financiers à la certification en 2006 ; soit cinq (05) ans a...

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